L'Ecole structure les valeurs des jeunes 

Les jeunes sont-ils radicalement différents des générations précédentes ? Leurs valeurs sont-elles à l'opposé de celles de leurs ainés ? Le fossé se creuse-t-il ? Olivier Galland et Bernard Roudet publient un ouvrage qui balaie bien des préjugés. Il établit que le rapport à l'Ecole est l'élément principal de la structuration des valeurs des jeunes.

 

Travailleurs les jeunes ?

 

 Beaucoup d'enseignants n'en sont pas convaincus. Des parents aussi d'ailleurs. De là à penser que la valeur travail n'est pas entrée dans la panthéon de la jeunesse il n'y a qu'un pas que beaucoup franchissent. Chercheurs à l'INJEP, Olivier Galland et Bernard Roudet étudient les enquêtes régulières menées sur les valeurs dans la société française depuis 30 ans. Pour eux, "après la famille, c'est el travail qui est régulièrement cité comme un domaine très important de la vie" par les jeunes. En 2008 70% des jeunes partagent cette opinion, soit un peu plus que les 30 ans et plus. En fait toute la société française accorde plus de valeur au travail depuis les années 1980 et les jeunes participent à cette réhabilitation. On attend de plus en plus du travail des relations humaines et un développement de soi. Et ce sont les jeunes les moins favorisés qui accordent le plus de prix à la valeur travail. Les jeunes ne remettent pas non plus en cause le libéralisme. Ils ne sont pas plus critiques que leurs ainés.

 

Déjà vieux les jeunes ?

 

Le mouvement principal c'est donc le rapprochement des valeurs entre les générations. "Les jeunes ne sont plus ce qu'ils étaient dans les années 1960", notent Olivier Galland et Bernard Roudet. "Les différences qui les distinguaient des générations plus âgées se sont largement estompées.. Les jeunes se sont détachés du mouvement contestataire de l'organisation de la société... En même temps qu'elles connaissaient un regain chez les jeunes, les valeurs traditionnelles ont décliné parmi les adultes... L'écart entre les classes d'âge s'est ainsi fortement réduit avec un niveau d'individualisation [préférence pour les valeurs d'autonomie NDLR] à peu près stable entre 18 et 50 ans entrainant une convergence des valeurs plus forte qu'il y a 30 ans". Jamais l'écart entre générations aura été aussi faible.

 

C'est l'Ecole qui sépare

 

Pourtant tous les jeunes ne jettent pas le même regard sur la société. C'est à l'intérieur du groupe jeune que s'est installée la fracture. Et c'est le rapport à l'Ecole qui l'organise. ""Alors que la société française est nettement moins clivée par classes d'âge en 2008 qu'en 1981, le clivage selon le niveau d'études reste extrêmement marqué tant en ce qui concerne les jeunes que les adultes".  C'est le supérieur qui fait la différence. "Le clivage des valeurs à l'intérieur de la jeunesse n'oppose pas une minorité étroite de jeunes sortis précocement de l'école aux autres", note O Galland. "Mais plutôt ceux qui ont poursuivi des études post-bac à tous les autres".

 

Les bons élèves

 

D'un coté les bons élèves ceux qui ont fait des études post bac, même courtes. "Ils se caractérisent par un niveau élevé d'autonomie et d'intégration". Ces jeunes, même s'ils sont critiques, sont attachés aux institutions y compris aux partis politiques. Globalement d'ailleurs la montée de la confiance dans les institutions concerne les trois quarts des jeunes en ce qui concerne le Parlement, la justice , l'administration. Seulement un quart des jeunes fait confiance au gouvernement et aux partis. La moitié fait confiance aux syndicats et cette part augmente.  "Les plus instruits sont tout aussi critiques à l'égard de la classe politique mais ils restent davantage attachés au fonctionnement et aux principes de la démocratie représentative".

 

Et les moins bons

 

Les jeunes qui ont arrêté les études au niveau bac ou en dessous "se définissent par le retrait social, par un faible engagement dans la société et par l'adhésion à des valeurs plus traditionnelles". Ils ont une très faible confiance envers les autres et sont même indifférents envers certaines parties de la population. Plus abstentionnistes que les plus diplômés, moins actifs politiquement, ils sont davantage attirés par l'idée de "changer radicalement la société" dans le sens d'un état autoritaire.

 

Immigrés et musulmans

 

Selon O Galland et B Roudet, "sur les questions concernant le divorce, l'avortement, l'homosexualité, le fait d'être immigré ou descendant d'immigrés n'a pas d'effet spécifique. C'est la religion qui a une influence : les musulmans se caractérisent par un plus grand conservatisme en matière de moeurs". Ils sont aussi plus attachés que les autres jeunes aux  valeurs de l'effort et du travail. Par rapport aux valeurs démocratiques, selon les auteurs, "aucune différence ne semble être introduite par la proximité à l'islam". Mieux, le fait d'être originaire d'Afrique ou du Maghreb est lié à une plus forte confiance dans la démocratie.

 

Bien loin des clichés, cette étude exhaustive éclaire singulièrement les valeurs réelles des jeunes. Elle met aussi en évidence l'influence de l'Ecole dans la socialisation des jeunes. On mesure les marges de progrès pour diffuser les valeurs de tolérance et de confiance dans la jeunesse. Un bel objectif pour notre Ecole !

 

François Jarraud

 

O Galland et B Roudet (dir.), Une jeunesse différente ? Les valeurs des jeunes Français depuis 30 ans, La documentation française, 2012.

 

Présentation du livre

 

Par fjarraud , le mercredi 24 octobre 2012.

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