Cycle 2 : Qu’est-ce qui change pour l’école élémentaire ? 

En ce qui concerne l’école primaire, ces nouveaux programmes, révélés par le Café pédagogique le 13 avril, répondent à une ambition clairement affichée dès l’avant-propos : ils se veulent « plus simples et plus lisibles pour que chacun sache bien ce que les élèves doivent apprendre » ; « plus progressifs et plus cohérents » ; « adaptés aux enjeux contemporains de la société. » Ainsi, ils sont en totale adéquation avec l’idée de la refondation de l’Ecole de la République qui motive les réformes de l’Education Nationale depuis 2012. Mais n'auraient-ils pas mis la barre trop haut ? Et n'exigeraient-ils pas trop d'efforts de professeurs des écoles dont la rémunération est stable depuis 5 ans ?

 

Effectivement, les rédacteurs ont cherché à mettre en lumière pour chaque « discipline » les « attendus » exacts et précis de chaque fin de cycle. Car c’est bien là la nouveauté de ces programmes, c’est qu’ils ne sont plus rédigés par niveaux de classe mais par cycle : le cycle 2 couvre les années de CP, CE1 et CE2 ; le cycle 3 comprend désormais les années de CM1, CM2 et 6ème. La répartition par cycle n’est pas récente bien sûr, mais ce travail par groupe d’années et cette réflexion par cycle apparaissent comme très novateurs : avec, on renforce l’idée qu’il est nécessaire de laisser le temps aux élèves d’acquérir des compétences (et non plus un agrégat indigeste de connaissances en tous genres). Cette démarche est donc conforme à la dynamique des 20 dernières années qui a réalisé la mise en place des cycles et la remise en question des maintiens.

 

Voici les grandes lignes de ce projet de programmes

- Les programmes sont conçus en application du nouveau « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » qui regroupe cinq grands domaines : les langages pour penser et communiquer ; les méthodes et outils pour apprendre ; la formation de la personne et du citoyen ; les systèmes naturels et les systèmes techniques ; les représentations du monde et l’activité humaine.

- L’accent est mis sur les langages, notamment la langue française et les mathématiques,  tant à l’oral qu’à l’écrit : les compétences orales, qui étaient d’ailleurs assez peu mises en avant dans les programmes précédents sont valorisées dans ces nouveaux programmes, ce qui apparaît comme un plus pour tous les élèves en difficultés qui pourront néanmoins davantage se retrouver en situation de réussite.

- Les nouveaux programmes mettent en avant des compétences à acquérir plus que des connaissances purement et simplement encyclopédiques : c’est une avancée notable et positive ; les nouveaux programmes pour les cycles 2 et 3 ne proposent quasiment plus de liste de thèmes par discipline, mais essentiellement des compétences, comme par exemple « comprendre le verbe : comment il fonctionne, comment il s’écrit ». Cela peut néanmoins s’avérer déroutant pour les enseignants lorsqu’on sait que les programmes de 2008 donnaient par exemple en grammaire du verbe (conjugaison) des listes exhaustives de verbes à maîtriser pour tel ou tel temps, à la fin de l’année scolaire pour tel ou tel niveau d’apprentissage. 

 

Cycle 2 et cycle 3 : quelles différences ?

 

Les nouveaux programmes pour le cycle 2 insistent davantage sur les compétences de lecture et notamment de décodage/encodage, ce qui n’apparaissait plus en ces termes dans les programmes précédents. La priorité aux bases et aux essentiels, réclamée par les enseignants, y est donnée. Quant au cycle 3, son objectif est de consolider les apprentissages fondamentaux et d’offrir une meilleure liaison entre l’école et le collège. Pour le cycle 2 comme pour le cycle 3, il faut également noter une volonté d'avoir davantage de cohésion et de clarté cognitive au sein des apprentissages, en soulignant l’importance de l’interactivité et de la transdisciplinarité. Les mathématiques par exemple s’insèrent dans trois domaines différents du socle, les langages pour penser et communiquer, les méthodes et outils pour apprendre et enfin les systèmes naturels et les systèmes techniques. Ainsi chaque tableau se complète-t-il d’un espace dédié aux « croisements interdisciplinaires ».

 

L'élève au centre..

 

Parmi toutes ces modifications, on peut noter une continuité et une logique importante : l’élève reste au centre des apprentissages et doit être acteur de ses apprentissages. Les nouveaux programmes n’hésitent d’ailleurs pas à mettre l’accent sur les différentes modalités pédagogiques pour y parvenir : en effet, ils se présentent sous la forme de tableaux dans lesquels sont notées dans un premier temps les « attendus » de fin de cycle, puis des « composante de la compétence », les « connaissances associées » et enfin les « méthodes, démarches et outils » à mettre en œuvre, voire des exemples de situation pédagogique ou des exemples concrets d’activités à mener (comme cela était le cas dans les documents d’application des programmes de 2002, cependant en beaucoup moins détaillé et précisé). Les attentes sont claires : plus de travail de groupes, plus de travail individualisé,… L’aspect ludique des apprentissages, notamment en mathématiques, y est également fortement indiqué (jeux de rôle, jeux de plateaux, pédagogie coopérative,…).

 

A la place des connaissances

 

Notons par ailleurs que la connaissance pure n’arrive qu’en second plan, d'abord priment les compétences à acquérir. C'est une bonne idée de permettre aux élèves de se concentrer sur des compétences et non sur des connaissances, qu’on oublie sitôt l’évaluation terminée. C’est notamment l’une des raisons qui fait que l’oral est mis à l’honneur dans toutes les disciplines. En français et mathématiques, les notions à aborder ont peu changé en substances. C’est la façon de les aborder (en plusieurs années du cycle) qui diffère. Cependant, les exigences demeurent importantes et les programmes bien chargés dans ces disciplines. En histoire, géographie et sciences, les thématiques sont vraiment allégées et basées sur des essentiels comme la chronologie, la localisation des espaces, etc. Rien à voir avec les programmations compliquées des programmes de 2008 où l’on avançait par problématiques et mises en questionnement (démarche intéressante mais encore difficilement abordable pour la plupart des élèves en élémentaire). En arts et musique, l’accent est mis sur la créativité, l’inventivité, la participation active des élèves. Peu de changements sont à noter en E.P.S. En langues vivantes (étrangères ou régionales), par contre, la barre est mise très haut, les enseignants se devront d’être très actifs pour parvenir au niveau d’expertise exigé pour les élèves en fin de cycle, à condition d’être eux-mêmes un peu à l’aise dans ce domaine, ce qui n’est pas forcément le cas pour tous...

 

Ainsi que penser de ces nouveaux programmes pour l’école élémentaire ?

 

D’emblée, on peut dire qu’ils répondent à des demandes que les enseignants ont largement fait remonter ces dernières années : la nécessité de se recentrer sur des basiques et des compétences essentielles (lire, comprendre, écrire, compter), celle d’alléger les programmes qui étaient trop lourds voire impossibles à terminer par niveau de classe et celle enfin de se défaire d’un carcan institutionnel parfois trop lourd, ne laissant pas suffisamment de place à l’inventivité ou à la liberté pédagogique. En effet, les programmes actuels (ceux de 2008, revisités en 2012 pour certaines disciplines) sont jugés illogiques, beaucoup trop encyclopédiques, infaisables dans leur intégralité dans le temps d’une année scolaire et conçus indépendamment les uns des autres dans différentes matières.

 

Il est clair que cette liberté pédagogique d’enseignement est l’une des dimensions principales de ces nouveaux programmes : « les projets de programmes n'entrent pas dans le détail des pratiques de classe, des démarches des enseignants ; ils laissent ces derniers apprécier comment atteindre au mieux les objectifs des programmes en fonction des situations réelles qu'ils rencontrent dans l'exercice quotidien de leur profession ». De fait, ces programmes sont construits de manière à donner aux enseignants un fil conducteur sur trois ans. Oui mais… Sur trois ans, les élèves ne gardent pas le même enseignant en règle générale ! En dépit des repères de progressivité proposés pour chaque compétence, les enseignants seront seuls dans leur classe à décider de leurs programmations et de leurs progressions en fonction du niveau de leurs élèves. Cela demande énormément de travail et cela demande également d’attendre que les premières semaines soient passées pour mettre en place un programme de l’année afin de bien cerner ses élèves…

 

Et de nombreuses questions se posent…De fait, comment savoir alors ce qui a été réalisé l’année précédente, pour ne pas risquer de tomber dans des répétitions indigestes ? A charge pour chaque équipe de se réunir en conseils de maîtres et en conseils de cycle pour décider des « découpages » notionnels. C’est certain, cela va demander beaucoup d’harmonisation dans les écoles entre les enseignants pour savoir ce que chacun doit traiter. Or, les enseignants du primaire ne disposent pas forcément de suffisamment de temps pour ce type de concertation… Par ailleurs, le danger serait également de trop diviser ses élèves en groupes de niveaux pour enseigner les compétences à des degrés différents et donc de niveler les élèves d’une même classe d’âge et de creuser les écarts entre eux… L’idée demeure très intéressante : les élèves n’apprennent pas au même rythme, c’est un fait, mais les résultats risquent de dépendre des qualités et de l’investissement des différents enseignants qui couvriront les périodes. Certes des repères de progressivité sont donnés mais pourra-t-on encore parler d’une Education Nationale, si chacun organise le programme comme il l’entend dans sa classe ? Et quelle lisibilité auront ces programmes auprès des parents ? Avec les programmes actuels, les parents et les élèves ont une idée très précise de ce qu’il faut acquérir en une année. Avec les nouveaux programmes, il risque d’y avoir des déceptions au terme des cycles…

 

A travail d'expert, paye d'expert...

 

Enfin, quelle va être la réception des enseignants à l’école à la lecture de ces nouveaux programmes où l’on indique qu’il s’agit de « donner plus d’autonomie aux professeurs » et d’en « faire moins des exécutants que des experts des apprentissages » ? Quand ils vont découvrir que les nouveaux programmes, contrairement aux précédents, n’indiquent même plus de volume horaire par discipline pour organiser son temps de classe ? Certains vont-ils se décourager et rester sur les programmes actuels ? Ces programmes risquent de leur demander beaucoup de remises en questions, toujours plus de responsabilités, de travail et d’investissement, de temps de concertation avec toujours aussi peu de temps et de formation de qualité pour travailler à la maison et préparer tout ça correctement et sans aucune augmentation… Bien évidemment, ces questions sont posées mais restent suspendues aux relectures de ces projets. Car d'emblée les auteurs ont prévenu : "Les projets de programme constituent une première proposition... qui nécessite encore d'être retravaillée". Ce sera l'affaire de la consultation.

 

Alexandra Mazzilli

 

Les programmes du cycle 2

Les programmes du cycle 3

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 14 avril 2015.

Commentaires

  • tuictice, le 15/04/2015 à 16:14
    J'ai fait une recherche de "TUIC" et "TICE" dans le programme cycle 2 et cycle 3. Résultat : 0 la tête à TOTO.
    Certes, les "TICE" sont des outils pour les apprentissages, mais il ne faudrait pas oublier l'apprentissage de ces outils, qui est un apprentissage à part entière! 
    Encore aujourd'hui, qui sait créer un style sous un logiciel de traitement de texte pour rendre son document plus lisible et qu'il soit relayé par une large communauté ? La première réponse est : Nous n'avons pas appris ou pas été formé !
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