La réflexion sur les nouveaux programmes d'EPS a commencé dans Le Café pédagogique en janvier 2015. La publication des projets de programme des cycles 3 et 4 par le Conseil supérieur des Programmes permet d'aller plus loin dans la réflexion. Nous vous proposons ici de prendre la température de ces nouveaux textes.

Ce qui va changer pour vous, les points clés de la réforme en EPS : travail en équipe et liberté pédagogique

L’esprit de la « Refondation de l’Ecole » est en voie d’être achevé, les équipes pédagogiques vont devoir transformer leurs pratiques professionnelles. Concrètement, les 20% laissées à l’initiative des établissements scolaires bousculent la vision très disciplinaire de l’école en incitant les équipes à travailler ensemble à tous les niveaux, sur le lien entre l’école primaire et le collège, entre plusieurs disciplines grâce aux EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). Les programmes laissent également une marge de manœuvre importante aux équipes : « Les projets de programmes n’entrent pas dans le détail des pratiques de classe, des démarches des enseignants ; ils laissent ces derniers apprécier comment atteindre au mieux les objectifs des programmes en fonction des situations réelles qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur profession ».  Les programmes EPS des cycles 3 et 4 sont conformes à cet esprit, avec des changements assez significatifs.

Le programme EPS du cycle 3 : le rôle accru du conseil école-collège

Le programme du cycle 3 (CM1-CM2-6ème) débute par la définition de la matrice disciplinaire, la finalité de la discipline, les objectifs de l’EPS restent inchangés, mais dans un ordre différent…De plus, « 7 compétences disciplinaires sont retenues » pour organiser le parcours de formation. Il est précisé que ces compétences représentent des « champs d’expérience motrice ». Soulignons une évolution notable concernant la mise en place d’une compétence interdisciplinaire par la finalisation d’un projet « à partir de l’EPS ». C’est un vaste chantier que propose ce projet de programme. En effet, comment concevoir la progression des élèves, c’est-à-dire l’acquisition des compétences et la finalisation, sans un travail avec nos collègues du primaire ?

Des programmes déséquilibrés : quelle cohérence entre le cycle 3 et le cycle 4 ?

C’est en effet, l’impression que l’on peut avoir à la lecture du texte concernant le cycle 3 puis celui concernant le cycle 4. Ainsi, le premier précise clairement la finalité, les objectifs et les compétences à transmettre aux élèves. De plus, les compétences et attendus en fin de cycle sont assez précis. Curieusement, le deuxième texte, concernant le cycle 4 semble proposer des compétences de nature différente (et de nombre différent), plus sous la forme de 8 compétences propres… Logiquement on peut imaginer la difficulté de proposer une cohérence ces deux cycles et les difficultés inhérentes pour les équipes. D’autre part, la liberté pédagogique, le travail des équipes pédagogiques n’est pas le même selon les deux options. Comment les équipes vont-elles pouvoir travailler ?

La fin des 4 compétences propres qui organisent l’EPS, le retour aux 8 groupements ? Oui mais...

Pierre angulaire de nombreux débats au cours des dernières années, le CSP semble avoir tranché pour la fin des compétences propres organisant le parcours de formation de l’élève, qui s’illustrait notamment par le dernier texte concernant le Diplôme National du Brevet. Pourtant, si cette catégorisation soulevait certains problèmes comme nous l’avons noté à plusieurs reprises dans les tribunes du café, le retour aux 8 groupes d’activités ne les règlent pas. La place de la culture “sportive” reste ultra dominante et laisse que peu de place à une ouverture à la culture artistique et encore moins à la culture physique. A ce propos, pourquoi ne pas permettre aux enseignants d’aborder les APSA sous différents mobiles… (Nous y reviendrons dans un prochain article).

Retour à l’éternel débutant ?

Le retour aux 8 groupements sur 3 années pose selon nous un véritable problème… En effet, avec l’obligation de « passer » par ces derniers, ne risquent-on pas de voir revenir un vieux débat autour de « l’éternel débutant » ? Peut-on réellement transformer les élèves dans 8 groupements entre la 5ème et la 3ème ? On imagine aussi la délicate tâche pour les équipes EPS. Ainsi le texte précise : « Il revient à l’équipe pédagogique d’en planifier le choix et la progression en fixant ce qui est de l’ordre de la découverte et ce qui peut être approfondi ». Ne risque t’on pas de rester dans la découverte ? A ce propos qu’elle compréhension avoir de la notion d’expérience ? Est ce juste pratiquer, découvrir ou est ce réellement se transformer pour avoir une véritable expérience de joueur de sport collectif… Dans ce dernier cas, les 8 groupements ne représentent-ils pas un frein ?

Quid de l’association sportive ?

Autre point, soulignons que le sport scolaire n’apparaît pas dans les programmes. Pourtant, il fait partie intégrante du service des professeurs EPS (réaffirmé récemment) et contribue de façon non négligeable à la formation du futur citoyen, et donc à l’acquisition des compétences du socle.

Cycle 3, interdisciplinarité, le défi pour l’EPS !

Restons lucide, l’enjeu réel de ces programmes est double. Au sein du cycle 3, la nécessité des équipes pédagogiques sera de mettre en cohérence la formation proposée entre l’école et le collège. Gageons que la capacité historique de la discipline à travailler en équipe soit un véritable élément catalyseur pour construire un cycle 3 de qualité. Autre enjeu celui du cycle 4. Nous ne pouvons pas en l’état, être satisfait des propositions interdisciplinaires, il existe selon nous une multitude d’autres axes pour s’inscrire véritablement dans le nouveau collège. Cependant, cet axe aura l’importance que les équipes voudront en donner, là aussi, nous ne pouvons que percevoir le levier de changement que notre corporation peut jouer.

Ce défi passera nécessairement par un accompagnement important des personnels, notamment dans le cadre des formations professionnelles continues, qui ont très insuffisantes en ce moment, en témoigne le dernier rapport de la cours des comptes.

Antoine Maurice et Benoît Montégut

Le dossier “vers des nouveaux programmes en EPS”

Collège des programmes ambitieux pour les enseignants et les enfants