Colloque Antibi : Quelle continuité pour l'évaluation après 2017 ? 

Les politiques éducatives survivent-elles aux alternances politiques ?  Rarement. La question est devenue centrale lors du colloque organisé par le Mouvement contre la constante macabre (MCLCM), créé par André Antibi, le 2 février. Un colloque en chansons, en témoignages, en promesses de continuité mais aussi de ruptures. Même si le MCLCM bénéficie du soutien de tous.

 

La "constante macabre"

 

La constante macabre, mise en évidence par André Antibi, se traduit par le fait que les enseignants semblent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau. Le système de notation implique que certains élèves, souvent la moitié, aient "moins que la moyenne". "On pense qu’une répartition de notes est un phénomène naturel, et donc qu’il est normal qu’elle donne lieu à une courbe de Gauss", explique A Antibi. Les résultats sont connus : sentiment d'injustice chez les élèves et aigreur des relations entre professeurs et élèves. Surtout, perte de confiance en soi des élèves, un phénomène qui affecte particulièrement les élèves français selon les enquêtes internationales.

 

Pour y remédier, André Antibi a imaginé l'évaluation par contrat de confiance (EPCC). Celle-ci repose sur un programme de révision explicite. Une semaine avant le contrôle les élèves disposent d'un programme de révision précis et un ou deux jours avant le contrôle un jeu de questions - réponses permet de déceler les difficultés. L'EPCC s'appuie donc sur des usages scolaires installés en travaillant de façon plus rigoureuse la préparation à l'évaluation.

 

Durant le colloque, Marion Guilloteau, professeure d'anglais à Versailles, explique qu'adopter l'EPCC a eu à sa grande surprise un effet immédiat sur le climat de la classe. L'Epcc a créé la confiance et facilité la gestion de la classe. Marie Rouillon directrice d'une école primaire témoigne aussi des effets sur le niveau des élèves tels qu'ils ont pu être évalués dans les évaluations nationales.

 

Rendre l'évaluation collégiale

 

Mais le colloque organisé par le MCLCM est aussi chaque année l'occasion de montrer que le mouvement bénéficie d'une large soutien chez les acteurs de l'Ecole et aussi chez les décideurs.

 

Cette année le grand absent était Benoit Hamon. Le candidat à la présidentielle est un habitué du colloque. Mais ce 2 février il était reçu par François Hollande, un rendez vous évidemment prioritaire.

 

"Le Mclcm est un des acteurs importants de la réflexion sur l'évaluation que nous menons depuis l'arrivée au ministère de Benoit Hamon", a rappelé Florence  Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. Elle a rappelé le souhait du ministre, qui lui a survécu, de faire évoluer les pratiques pédagogique en matière d''évaluation. Le MCLCM a "mis le doigt sur des éléments qui n'étaient pas arrivés à la conscience des acteurs et des décideurs", précise-t-elle.

 

Pour F Robine, le ministère souhaite rendre l'évaluation "plus lisible, plus collégiale" et "en faire un outil au service de la réussite des élèves". C'est "un levier puissant pour faire progresser les élèves". Elle appelle à ce "qu'à des pratiques d'évaluation solitaires se substituent des dynamiques collectives".

 

Continuité ou pas ?

 

Son prédécesseur à la tête de la Dgesco, Jean-Michel Blanquer témoigne aussi de son soutien. Pour lui il faut à l'école de la liberté et surtout de la confiance. Or changer l'évaluation, avec l'Epcc, contribue à la construire. "L'Epcc devrait être un objet de continuité pour l'Education nationale". Une opinion défendue aussi par le sénateur Républicains Jacques Grosperrin pour qui "sur les sujets vitaux comme l'évaluation, on retrouve de la continuité"

 

C'était compter sans Jean Fabre. Inspecteur général honoraire, Jean Fabre commence à évoquer les obstacles à la diffusion de l'EPCC. Il cite une circulaire, venue du sud-ouest, rectorale sur le décrochage qui omet de citer l'évaluation comme facteur de décrochage.

 

La circulaire porte deux défauts du système éducatif, selon lui : elle ne sait pas hiérarchiser les problèmes et c'est un système où "il y a beaucoup de structures de pouvoir et où on a une culture du pouvoir". Jacques Grosperrin réagit :"il faut réformer l'inspection générale qui st trop disciplinaire", dit-il. "On ne changer pas le mode de fonctionnement si on ne change pas la structure". Du coup on est nettement moins dans la continuité...

 

EPCC et institutions

 

D'autres témoignages montrent aussi le raidissement de l'institution scolaire. Ainsi Xavier Buff  a introduit l'EPCC pour l'évaluation des professeurs stagiaires en maths. Si c'ets bien accepté pour l'oral, pour l'évaluation écrite cela semble plus difficile... E. Gutkowski, IEN  en Dordogne,l'utilise pour l'évaluation des professeurs des écoles. "La confiance n'est pas acquise au départ car les enseignants ont vécu des inspections traumatisantes", souligne t-il. Il inspecte sur une thématique proposée par l'enseignant. La pratique est installée mais le fait que les rapports d'inspection soient différents des rapports habituels semble soulever des problèmes.

 

Big Data et chanson

 

Florence Robine parle de la formation des enseignants. JM Blanquer évoque, comme F Robine, la façon dont le numérique va révolutionner l'évaluation grâce au big data. La chorale du collège Saint Joseph d'Auxerre entame la chanson de la constante macabre , parole et musique d'André Antibi. Tout finit sur une chanson...

 

François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le vendredi 03 février 2017.

Commentaires

  • thais8026, le 03/02/2017 à 13:33
    je vais dire une bêtise mais si on a des classes hétérogènes, ce qui est la norme actuellement, n'est-il pas normal d'avoir une représentation des évaluations sous forme de courbes de Gauss..
    JE suis d'accord qu'une bonne classe devrait avoir de bonnes notes à partir du moment où l'on accepte aussi qu'une mauvaise ait des mauvaises notes. Mais cela M. Antibi n'en parle pas
    • Jean Maurice, le 04/02/2017 à 15:08

      La constante macabre n’est pas comme le dit Antibi un ectoplasme de l’évaluation notée mais une conséquence inévitable de la programmation figée des apprentissages selon un rythme, des modalités et des échéances communes à tous. Les notes ne sont pas la source mais un simple artefact dans une organisation pédagogique déficiente. On passe des contrôles à dates fixes comme si on organisait des championnats. Je ne vois vraiment pas l’utilité: une fois vos notes en poche, vous n’êtes ni meilleur ni moins bon. Et après on s’étonne du caractère socialement déterministe de notre système. C’est une plaisanterie, comment pourrait-il en être autrement? Les sessions de rattrapage n’émergent qu’au niveau du bac et à la fac… à la charge de l’étudiant. Avant on avait inventé le redoublement (plus sanction il est vrai que seconde chance!) mais dans lequel il s’agissait seulement de repasser les épreuves au lieu de poursuivre une progression continue mais plus lente.
      La solution Antibi EPCC est un mieux mais elle n'agit pas sur les durées d'acquisition et me semble donc largement insuffisante.

      Si les élèves d’une classe hétérogène doivent avoir des résultats (disons des notes) différents, c’est parce que l’évaluation, normée et datée, porte pour tous sur le même sujet, au même moment et avec la même difficulté. Autrement dit on ne fait que constater que les performances des uns et des autres sont localement hétérogènes. On le savait déjà. Si l’évaluation est conçue comme cela, elle est effectivement nuisible en plus d’être inutile. En effet, un chronomètre n’a jamais permis de courir plus vite. En visant l’évaluation on se trompe de cible et malheureusement on ne s’occupe que de cela (pas toujours très bien d’ailleurs) depuis trente ans.

      Les profs continuent leur train-train, encouragés en cela par leur hiérarchie qui, tout en se réclamant moderne et progressiste, continue de promouvoir une pédagogie très traditionnelle au fond.

      Une prof me disait : «  je ne vais tout de même pas continuer à enseigner la conjugaison du présent de l’indicatif au-delà du mois de septembre même si certains ont des mauvaises notes ! » En gros, tant pis pour eux, ils sont tombés à l’eau mais moi je continue ma traversée… (toute seule?)

      Non, sérieusement, pour qu’un élève progresse selon un rythme propre (ce qu’on commence seulement à définir en maternelle), il faut lui laisser le temps. Il faut donc lui permettre d’étudier ou de s’exercer sur certaines notions nécessaires aux constructions et apprentissages ultérieurs plus ou moins longtemps selon les cas. Et par conséquent lui fournir les supports, l’espace, l’assistance, l’organisation nécessaires. Il ne faut pas faire classe de la même manière. Personne ne semble y songer. On demande juste de changer le livret… On a remplacé la moyenne de notes par une moyenne de croix dans le LSU. (Moyenne accompagnée de commentaires et donc possiblement plus argumentée néanmoins… à vérifier!)

      Vous allez me dire : mais c’est impossible de gérer des échéances individuelles ! Oui, c’est la cas si vous continuez, comme on vous y encourage aussi (c’est paradoxal) , à programmer vos enseignements sur un format de calendrier prédéfini et fixe avec un simple étalement successif des différents éléments inscrits au programme. A évaluer en fin de séquence et seulement en fin de séquence!!!

      Que dit-on aux enseignants ? Faites des progressions, des préparations de séquences avec des objectifs ponctuels définis pour chaque cours, précisez vos objectifs de période, etc. Toutes ces indications, tellement banales qu’elles apparaissent comme incontournables et de bon aloi, sont celles-là même qui empêchent toute possibilité de différenciation des rythmes d’apprentissage. Car la seule vraie solution consiste à travailler sur plusieurs sujets et notions simultanément et à prolonger ces phases aussi longtemps que nécessaire, en éliminant une à une les notions au fur et à mesure de leur acquisition généralisée et en les remplaçant par d’autres.

      Bon je sais, après avoir dit ça, il y aura toujours des élèves qui rament, rechignent, renoncent ou se révoltent. Mais au moins ils ne seront pas disqualifiés dès le premier obstacle.

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