Le ministère confirme que les enseignants sont insatisfaits et épuisés 

La moitié des enseignants français signale un sentiment d'épuisement professionnel élevé. C'est le premier enseignement du "Baromètre du bien être au travail" réalisé pour la première fois par la Depp, division des études du ministère. On le savait depuis Talis le Baromètre Unsa et, tout récemment, l'enquête de l'ASL. Les enseignants français n'en peuvent plus. Mais cette fois ci c'est le ministère qui l'affirme et qui livre les détails de leur insatisfaction. Reste à voir ce qu'il fera de cette situation. Pour le moment les enseignements de cette étude percutent les décisions du gouvernement.

 

Insatisfaction professionnelle

 

Le Baromètre du bien être au travail repose sur l'interrogation de 62 000 personnels de l'éducation nationale, ce qui lui donne une grande représentativité, plus importante encore que le Baromètre Unsa. Rappelons que d'après celui-ci, publié fin mai 2022 après consultation de 40 000 personnels, l'éducation était "au fond du trou". Un tiers des enseignants ne trouvait plus de sens à leur métier. Et 95% rejetait la politique gouvernementale en éducation.

 

Le Baromètre du ministère se garde bien d'interroger sur la politique ministérielle. Mais il confirme les résultats du Baromètre Unsa sur l'épuisement des enseignants.

 

Selon la Depp, les personnels ressentent "une satisfaction professionnelle inférieure à celle des Français en emploi mais plus proche pour la vie menée actuellement". Quand on demande aux personnels de noter sur 10 leur satisfaction au travail, ils l'évaluent à 6 quand les français ayant un emploi l'évalue à 7.2 etc eux qui ont un niveau bac +3 à 7.3. Pour les enseignants du premier degré on descend à 6.1 et pour ceux du second degré à 5.9 et même 5.3 pour les remplaçants.C'est un peu mieux pour les personnels de direction (6.3) et les administratifs (6.6).

 

Les résultats sont un peu meilleurs quad on demande si ce qu'on fait (dans la vie personnelle ou professionnelle) a du sens : 7.3 pour les personnels EN contre 7.6 pour les autres salariés. Par contre à la question dans quelle mesure votre métier est valorisé, les enseignants l'évaluent à 2.4. Cela confirme l'enquête TALIS de l'OCDE qui place la France à l'avant dernier rang de tous les pays de l'organisation pour cette question.

 

Insatisfaction sur le salaire et la  carrière

 

A la question "êtes vous satisfait de votre rémunération" les personnels donnent la note de 3.4 sur 10. 55% donnent une note inférieure à 3 alors que dans la population française seuls 7% des gens s'estiment mal payés et 30% "plutôt mal payés".

 

Diriez vous que vos conditions de travail sont satisfaisantes :les enseignants l'évaluent entre 4.7 et 5 entre 1er et 2d degré. Sur les perspectives de carrière on tombe à 3. Seuls les personnels de direction se détachent avec une plus grande fierté de leur métier et le sentiment que le métier est valorisé (4.3).

 

Un haut niveau d'épuisement

 

Les personnels signalent de manière générale un sentiment d’épuisement élevé. Sur une échelle de 0 (pas du tout) à 10 (tout à fait), les personnels déclarent que le sentiment d’épuisement s’applique à leur expérience actuelle dans leur fonction à un niveau moyen de 6,8 sur 10. La moitié des personnels attribue une note entre 8 et 10 sur 10. Les personnels exerçant dans les écoles expriment un sentiment d’épuisement à un niveau moyen plus élevé que dans le second degré (7,1 contre 6,6 sur 10), confirmant les résultats de l’enquête Talis 2018. C’est pour les directeurs d’école partiellement déchargés que la moyenne est la plus élevée (7,6 sur 10).

 

Des résultats à contre courant des décisions annoncées

 

Alors que le ministère ne considérait pas le Baromètre unsa comme une source fiable, il lui sera plus difficile d'écarter les résultats du Baromètre de la Depp. Même si ses résultats sont présentés de façon plus diplomatiques, ils sont très clairs. D'autant que la Depp a demandé aux personnels ce qu'il faut améliorer.

 

En tête de liste il y a les salaires : 57% des personnels déclarent que leur pouvoir d'achat fait partie des 3 domaines prioritaires pour améliorer leur métier. Le second point c'est la charge de travail (43%) et enfin l'aménagement des fins de carrière.

 

Ce qui est intéressant c'est que le ministère a annoncé une politique qui ne répond pas à ces priorités. La revalorisation concernera moins de la moitié des enseignants et absolument pas les fins de carrière. La seule façon d'être augmenté pour la majorité des enseignants ce sera la proposition ministérielle d'accepter de nouvelles missions dans le cadre du "nouveau pacte". On mesure à quel point cette politique est décidée dans l'ignorance de ce que disent le terrain et même les études ministérielles. La crise d'attractivité du métier enseignant ne risque pas de cesser.

 

François Jarraud

 

Etude Depp

Le Baromètre Unsa

Sur les salaires

Des professeurs épuisés

La souffrance au travail d'après une enquete FSU

Ce qu'on sait du malaise enseignant

Au coeur des malaises enseignants

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 21 octobre 2022.

Commentaires

  • Metrynaza, le 22/10/2022 à 18:46
    Bonjour,

    Cette enquête et le reportage très récent de Fr3 "L'école est finie" pourraient-il marquer le début d'un revirement ? Le renversement à opérer semble en fait bien improbable, tant un cercle non vertueux a jusqu'ici pu exténuer l'école.

    Comment expliquer, pour qu'on en arrive à un tel ressenti des enseignants, la surdité à cette souffrance de l'institution politique, et celle de la société même ? Ce n'est pas tant que la souffrance des enseignants ait été absolument silencieuse, même si leur investissement professionnel tient du sacerdoce. Le bruit de cette souffrance proferssionnelle s'est bien manifesté. Mais il me semble qu'il ne pouvait être entendu car couvert par bien d'autres bruits sociétaux. Notamment par celui d'un emballement politico médiatique autour de l'école.

    Devant la faillite du projet républicain, et du progrès social nécessairement associé, la politique scolaire est devenue un substitut symbolique du projet républicain. Plus la société a ressenti l'échec social du politique, plus elle a cherché à exercer sur l'école une pression directe ou politico-médiatique pour se donner un idéal de solution à venir. D'où un emballement épuisant à réformer sans cesse l'école, de façon descendante, jusqu'à réduire les enseignants à de simples exécutants, évaluables, corvéables à merci pour des consommateurs élèves/parents, en mode parcours individualiste.

    Dernier mirage politique, mais suffisant pour occuper une campagne électorale : la libéralisation du marché du travail des enseignants... Un emballement politico médiatique totalement non contrôlé, absurde...

    Ce que cette reconnaissance toute récente de la souffrance des enseignants doit nous apprendre, est en fait douloureux pour tout citoyen : non l'école ne peut être un substitut à l'absence de perspective d'un projet républicain social. Toutes les réformes scolaires possibles n'y parviendront pas, tant que nous n'aurons pas un véritable projet républicain social et les moyens qui vont avec.

    La souffrance des enseignants, le sentiment de perte du sens de leur travail ne pourront être inversés que lorsque le politique s'occupera de la société, et non lorsque la société fantasmera par défaut sur l'école. En ce sens, la souffrance des enseignants n'est pas une souffrance corporatiste, spécifique. Elle s'inscrit dans une véritable souffrance plus globale, politique, sociétale qui concerne chaque citoyen, isolé, à la recherche d'un salut individuel...

    Cordialement.
  • stargate, le 22/10/2022 à 17:37
    eh oui, on est crevés, révoltés ...... mais peu de collègues suivent les grèves.
    Avec la perte de pouvoir d'achat, tt le monde regarde son porte monnaie ( moi inclus).
    le "quiet-quitting" progresse de manière rapide.
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