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En parler ou pas ? C’est la question que se posent beaucoup d’enseignants devant la gravité de la situation, ses risques politiques, les peurs ou la révolte des élèves. Certains enseignants se lancent et proposent des dossiers documentaires. C’est le cas par exemple de Claude Bordes, professeur de SES qui met enligne un copieux dossier. Le Nouvel Observateur, comme d’autres médias, propose un dossier. Le Monde agrémente le sien de documents sonores. Enfin, dans Libération, les sociologues Didier Lapeyronnie et Laurent Muchielli évoquent l’humiliation des jeunes. « L’émeute et la violence urbaine charrient toutes les déviances qu’elles mêlent au sentiment d’une humiliation démultipliée. Une humiliation scolaire. L’école n’est pas vécue par une partie de ces jeunes comme un instrument de promotion mais comme le lieu d’une sélection qui transforme leur destin social en autant d’humiliations personnelles. A leurs yeux, la promotion par l’école est réservée à d’autres, qui savent tirer tous les bénéfices et qui sont généralement des «Blancs» quand eux sont généralement des jeunes issus de l’immigration. Ne serait-ce pas ces mêmes «jeunes de banlieue» qui, au mois de mars dernier, dépouillaient et frappaient les lycéens venus manifester pour défendre leur école ?… L’émeute naît ainsi d’abord du vide politique. La violence surgit quand la politique est absente, quand il n’y a plus d’acteurs sociaux ni même de conflit, quand il ne reste plus que la défense de l’ordre et de l’identité nationale. Certes, il est urgent de rétablir un minimum de politique sociale, de lutter contre les discriminations, d’en finir avec des pratiques policières indignes d’une démocratie et surtout de stopper cette ségrégation urbaine qui structure de plus en plus nos modes de vie. Mais les émeutes nous rappellent qu’il est avant tout indispensable de reconnaître et de respecter toute une population, de considérer qu’elle ne constitue pas un problème mais qu’il s’agit bien de citoyens de notre pays ». L’Ecole dans les quartiers L’état d’urgence Le gouvernement a décidé d’appliquer la loi du 3 avril 1955 instituant l’état d’urgence. Cette loi restreint considérablement les libertés individuelles. En effet elle permet sur simple décision administrative, sans contrôle de la justice, d’interdire la circulation des personnes, mineures et majeures, d’assigner à résidence, de pénétrer dans les domiciles de jour et de nuit sans limites, d’empêcher les réunions, de contrôler les médias. L’état d’urgence donne aussi la possibilité aux autorités de remplacer les tribunaux civils par des juridictions militaires. Ce dispositif peut permettre tous les dérapages et donne d’énormes responsabilités au gouvernement. Et d’abord celle de réussir puisque aucune mesure plus forte ne peut être envisagée. Les décisions annoncées sont-elles susceptibles de redonner sécurité et espoir aux banlieues, c’est-à-dire d’offrir une sortie de crise ? Le Journal officiel du 9 novembre publie trois décrets établissant l’état d’urgence à partir du 9 novembre zéro heure dans 26 départements. « A l’intérieur de ces zones, le ministre de l’intérieur peut prendre des mesures d’assignation à résidence (article 6 de la loi du 3 avril 1955) ou de remise des armes (article 9). Les préfets peuvent également prononcer la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature, ainsi que l’interdiction de réunions (article 8). Enfin, le ministre de l’intérieur ou les préfets peuvent ordonner des perquisitions (article 11) ». |
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