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” Tropes ” un outil pour l’Histoire-Géographie – Sylviane Tabarly
Quels sont les intérêts pédagogiques de ce type de logiciels et d’approche en Histoire, Géographie et ECJS ? On peut d’emblée en proposer quelques uns : Comment en assurer la mise en oeuvre pédagogique ? – une fiche guide de l’activité, sur papier, peut être remise aux élèves : elle les oriente sur quelques unes des fonctions pertinentes du logiciel seulement. Ils y relèvent des informations précises.- dans la perspective d’une étude comparée de textes, ils peuvent facilement ouvrir différents fichiers textes en utilisant les possibilités de positionner, après les avoir redimensionnées, les différentes fenêtres les unes à côté des autres. On peut sans difficulté en disposer deux (voire trois) côte à côte.- notons que le logiciel, dans sa version ” édition spéciale “, ne présente aucune difficulté de manipulation et que les élèves peuvent être rapidement à même de l’utiliser, du simple point de vue fonctionnel. Et la mise en oeuvre technique ? – Si le document est en ligne, il est donc déjà numérisé et il suffit alors de le convertir au format .txt le cas échéant.- Sinon, à moins de le saisir manuellement, il faut scanner le texte et opérer une reconnaissance de caractère (OCR) : l’opération facile, donne de bons résultats avec les scanners actuels. Quelques exemples ou pistes d’applications : Il semble plus particulièrement intéressant de privilégier les démarches comparatives (mais l’étude d’un seul document peut, bien entendu, être possible et pertinente aussi). Voir par exemple un test d’application du logiciel fondé sur l’étude comparée des appels de De Gaulle et de Pétain en juin 1940 sur le site de l’académie de Rennes à l’URL : Et, pour se familiariser avec le vocabulaire de l’analyse sémantique : D’autres analyses de discours comparées peuvent être pertinentes. Ainsi, celles de quatre textes parlementaires contemporains de la guerre d’Algérie ont pu être retenus et analysés. Ils proviennent de P. Mendès-France, président du Conseil et F. Mitterrand, ministre de l’Intérieur le 12 novembre 1954, de M. Debré, premier ministre le 15 janvier 1959 et de De Gaulle le 20 mars 1962. Ils sont cités dans l’ouvrage : “Les grands débats parlementaires de 1875 à nos jours” Les documents sont téléchargeables en ligne à partir de cette url : Ces textes (issus de débats ou de messages à l’Assemblée nationale) mettent tous en scène des personnalités de l’exécutif. Ils sont intéressants autant par ce qu’ils nous disent sur l’évolution des sensibilités et mentalités à l’égard du conflit que par ce qu’ils révèlent des modes discursifs de leurs émetteurs. En voici des aspects. Les “catégories de mots fréquentes” font apparaître le poids des verbes factifs dans le texte de De Gaulle (52 % des verbes) alors que dans le texte de François Mitterrand , les verbes déclaratifs dominent (32%). Les verbes factifs du texte de De Gaulle sont reliés sémantiquement aux mots suivants (entre autre) : confiance, autodétermination, collaboration, nation alors que les verbes déclaratifs du texte de François Mitterrand renvoient à révolte, volonté, combat, terrorisme. Dans celui-ci la “modalisation négation” représente 24 % alors qu’elle apparaît peu (3,8 %)dans le second où dominent les modalisations de temps (27 %). Et le pronom “Je” s’y impose très nettement (28,6 %). On pourrait utiliser de la même manière des corpus sur les questions de la construction européenne par exemple. Mais ces types de documents ont l’inconvénient d’être trop courts bien souvent ce qui, d’une part, ne justifie pas toujours suffisamment l’emploi du logiciel, d’autre part, n’est pas assez représentatif de l’ensemble de pratiques discursives et produit des biais statistiques. Il est donc souhaitable de trouver d’autres corpus. Ainsi, une autre application peut être proposée à partir de l’utilisation des compte-rendus analytiques des séances publiques de l’Assemblée Nationale. Par exemple pour 2000-2001 : Des études comparées entre les discours de différentes familles politiques sont pertinentes. Par exemple, si l’on compare les propos des députés DL et PCF qui ont participé au débat ce jour là, on constate que leurs “univers de référence”, la place et l’environnement sémantique des différents univers sont bien différents. L’emploi des modalisations d’intensité est aussi différent par ses proportions dans les discours (31% contre 40%) et dans leur usage (voir les graphes de relation). Ce type d’étude peut être intéressant à travers une réflexion sur les valeurs, les programmes des différents formations politiques (ECJS ou étude de la Ve République) Une analyse parallèle de l’ensemble des propos tenus par les orateurs RPR et socialistes (respectivement 1340 et 4951 caractères, il faut donc être prudent pour certaines applications) à l’occasion de ce débat fait apparaître des données intéressantes. On constate qu’ils sont assez comparables par la proportion des types de verbes : dans les deux cas, un peu plus de 50 % factifs, entre 20 et 30 % déclaratifs et statifs, peu de verbes performatifs. On peut considérer que c’est le résultat de certains invariants des discours dans ce type de situation de débat législatif à l’Assemblée Nationale. Par contre, on observe des différences sensibles sur la question des modalisations : proportions de l’ordre du simple au double pour les modalisations de temps, de manière et de négation qui semblent assez significatives … on peut alors formuler des hypothèses, proposer des interprétations relatives aux situations respectives des deux groupes dans un contexte historique donné. Vous pouvez retrouver le document correspondant à ces propos à partir de l’image cliquable sur le site des clionautes : On peut aussi très facilement étudier, dans un texte assez long, l’emploi d’un mot : par un clic à droite, on a accès à la fonction “chercher” sur ce mot ce qui permet de le retrouver à travers tout le document. On pourra alors demander aux élèves de relever toutes les circonstances d’apparition du mot, ce qui peut donner matière à des études tout à fait pertinentes. Il est aussi possible d’examiner les contenus de certains mots référents (” références utilisées “). Par exemple, ” entreprise” qui apparaît dans des proportions comparables dans les deux textes (9 et 11 fois). Dans le cas des propos des députés du RPR on constate qu’il est constitué des mots : entreprise, secteur privé, PME. Alors que dans le cas de ceux des députés ou membre du gouvernement du parti socialiste, il est constitué de : entreprise, société, délégués du personnel. On peut ainsi mettre en évidence les stabilités et les discriminations lexicales d’un type de locuteurs à l’autre. L’idéal, dans la perspective d’études historiques, serait bien entendu de pouvoir disposer facilement de corpus comparables à ces documents contemporains(textes d’au moins 1000 à 1200 caractères) avec davantage de recul historique. De la même manière, on peut envisager d’utiliser les débats du Sénat ou ceux du Parlement européen. Ces derniers sont accessibles en ligne à partir de : Certaines fonctions du logiciel semblent par contre moins pertinentes pour nos disciplines et risquent de provoquer égarement et confusion : les ” épisodes “, les ” rafales ” par exemple. Mais il faudrait peut-être se pencher davantage sur leur utilisation. Sur quels protocoles se fonder et comment sélectionner des corpus documentaires ? Ce qui pose aussi la question de l’accès à des sources textuelles numérisées : Le choix du corpus est une phase fondamentale de la démarche de préparation pédagogique de cette activité par l’enseignant. Dans la perspective d’un travail d’analyse de discours politique, on peut recommander la lecture de ce texte, diffusé dans le cadre des “Secondes Journées Internationales d’Analyse Statistique de Données Textuelles (JIADT d’octobre 1993) et consultable en ligne : “Un protocole de description de discours politique” par Jules Duchastel et Victor Armony. Prenant appui sur une analyse comparée des discours de Bill Clinton, Brian Mulroney et Carlos Menem, il pose de manière pertinente les problèmes méthodologiques En conséquence, la collecte de textes exploitables, sous une forme numérisée est une difficulté non négligeable dans l’utilisation du logiciel. Il est possible d’utiliser des textes numérisés disponibles en ligne sur tel ou tel site : quelques uns sont signalés sur le site de l’académie de Rennes. Mais notons qu’il est parfois difficile de trouver, en français, les sources primaires souhaitées. On peut ainsi prendre l’exemple d’une recherche de textes sur la construction européenne : elle oriente sur de nombreuses sources en anglais mais peu en français. La constitution d’une banque de documents, justifiant une analyse avec Tropes, adaptée aux programmes en lycée, pourrait être utile. Un autre frein à l’emploi du logiciel au lycée en Histoire ou Géographie peut provenir du morcellement des textes que les programmes et les habitudes nous conduisent bien souvent à étudier et qui sont proposés dans les manuels : petits extraits, souvent coupés (ce qui rend leur analyse un peu suspecte), sortis de leurs contextes, juxtaposés. Or, pour que l’analyse sémantique ait une signification (voir l’information donnée avec le logiciel), il est souhaitable que les textes soient suffisamment longs afin qu’il y ait un effet de “lissage” sur les propos tenus par les auteurs (ou orateurs). De ce point de vue, l’ECJS ou les TPE seraient mieux adaptés . Après avoir signalé ces difficultés, peut-être en partie temporaires, il apparaît cependant que les intérêts du logiciel sont suffisants pour justifier l’usage de ce type d’outils. L’étude empirique et traditionnelle d’un document historique, de documents socio-politiques contemporains peut bien entendu être réalisée sans informatique. Mais, dès que le texte devient long, la collecte, le dénombrement des informations deveniennent fastidieux, voire dissuasifs. Les études comparées ne sont pas toujours faciles à mettre en oeuvre. L’outil informatique est donc alors plus qu’un simple complément à l’analyse classique du document : il permet aussi de révéler des aspects cachés des textes. Sylviane Tabarly |
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