Par François Jarraud
Le CafĂ© pĂ©dagogique a partagĂ© cette rentrĂ©e avec des enseignants, sur le terrain. Nous avons passĂ© la prĂ©-rentrĂ©e au sein d’un conseil d’Ă©cole dans une ZEP. La rentrĂ©e des Ă©lèves nous a trouvĂ© Ă Gennevilliers dans un lycĂ©e tout neuf au sein d’une zone en rĂ©amĂ©nagement. Partout nous avons trouvĂ© des enseignants qui font face aux difficultĂ©s du mĂ©tier et semblent assez loin des dĂ©bats de la refondation…
PrĂ©-rentrĂ©e : A la Goutte d’or, comment l’école se remobilise…
Que peuvent bien faire des professeurs des écoles durant la journée de pré-rentrée ? Quel est leur état d’esprit face à la « refondation » de V. Peillon ? Quelles sont leurs attentes ? A l’école de la rue d’Oran, dans le 18ème arrondissement de Paris, la rentrée se prépare sérieusement mais sans illusions…
10 heures. Autour d’une grande table, la directrice, VĂ©ronique Bavière, 9 professeurs des Ă©coles, une enseignante de Rased. La moyenne d’âge est en dessous de 30 ans. Dans cette Ă©cole Eclair situĂ©e dans un quartier très populaire de la capitale, les enseignantes sont en dĂ©but de carrière. Une professeure dĂ©bute sa seconde annĂ©e d’enseignement. Elle fait partie des nouveaux enseignants lâchĂ©s sur le terrain sans formation par Luc Chatel. L’école compte 8 classes avec 21 Ă 24 enfants par classe. Trois professeurs de la Ville de Paris, chargĂ©s de l’éducation artistique et physique, deux auxiliaires de vie scolaire (AVS) complètent l’effectif.
Les pieds sur terre
Ici on a les pieds sur terre, la tĂŞte dans les Ă©toiles. Durant deux heures les enseignants et AVS vont prĂ©parer très concrètement la rentrĂ©e. Bien sĂ»r, on commence par les documents officiels. Chacune dĂ©couvre sa classe et certains noms sont dĂ©jĂ bien connus. Et parfois, en bien… Comment va-t-on accueillir les nouveaux CP dans la cour de rĂ©crĂ©ation ? Que fait-on pour les enfants qui arrivent le ventre vide ? Comment les reconnait-on ? Ceux qui sont très sales ? Que fait-on en dĂ©but d’annĂ©e quand l’accompagnement Ă©ducatif ne commence qu’en octobre…
Il faut expliquer Ă AmĂ©lie, une enseignante venue d’une autre Ă©cole parisienne, comment fonctionne l’Ă©cole. Rue d’Oran l’Ă©quipe a construit ses outils pour apaiser le climat scolaire et motiver les Ă©lèves. On fonctionne par classes de cycles. « Cela permet de limiter les redoublements », explique V. Bavière, « mais aussi de travailler au plus près du niveau rĂ©el des enfants ». C’est aussi encourager des relations d’entraide entre grands et petits. Pour les enseignantes c’est une autre façon de travailler. Mais sans complexe. « Je suis Ă l’aide en CM2 mais j’ai besoin d’aide pour le CM1 » dit l’une. AussitĂ´t la collègue se propose pour un coup de main.
Pas de « ceintures » rue d’Oran, mais des « échelons » qui vont du nouvel Ă©lève Ă l’Ă©lève rĂ©fĂ©rent en passant par 5 Ă©chelons. Chaque Ă©chelon donne de nouveaux droits mais aussi des responsabilitĂ©s. On gagne ses Ă©chelons avec l’accord du conseil d’enfants de la classe et du conseil des maĂ®tres, chaque adulte de la maison disposant d’un droit de vĂ©to. Chaque professeur sait qui parmi ses Ă©lèves est « rĂ©fĂ©rent » ou « tuteur » ou « confirmé »…
Enfin il y a l’ARR, « l’atelier de rĂ©flexion et rĂ©paration », oĂą sont invitĂ©s les enfants dont le comportement laisse Ă dĂ©sirer en dehors des heures de cours. Avec des adultes l’enfant doit s’expliquer et obtenir rĂ©paration. L’ARR est aussi un bon indicateur des tensions. Ses statistiques sont Ă©pluchĂ©es. « Il y a les dĂ©rapages des enfants », dit la directrice, « mais il y a les notres aussi » constate-elle quand les chiffres flambent Ă la fin de l’hiver. Finalement l’ARR ne sert pas qu’Ă la formation des enfants.
Vers 11h30 arrive la question des parents. « Surtout pas d’injonction envers les parents » rappelle la directrice. Mais comment les associer davantage Ă la vie de l’Ă©cole ? Les enseignantes Ă©changent sur ce quia Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© l’annĂ©e dernière avec plus ou moins de succès. Rue d’Oran on a des trucs pour que les parents dĂ©marrent la journĂ©e Ă l’Ă©cole ou viennent la terminer. On sait comment positiver les problèmes rencontrĂ©s dans un quartier très dĂ©favorisĂ©.
La tĂŞte dans les Ă©toiles
Pour ceux qui rĂŞvent d’Ă©tablir de vrais chefs d’Ă©tablissement dans les Ă©coles, la visite rue d’Oran est intĂ©ressante. Il y a bien une directrice qui est Ă©coutĂ©e. Mais comme il n’y a pas de supĂ©rieur hiĂ©rarchique, la discussion autour de la table est suffisamment libre pour que les faiblesses et les difficultĂ©s soient dites. Au final ça permet d’avancer et de trouver des solutions plus facilement. L’ambiance est Ă la confiance. Essayez de trouver cela dans le secondaire…
Et puis on discute pĂ©dagogie. Sur la table un grand classeur oĂą chacun classe les articles intĂ©ressants qu’il a trouvĂ©. On rĂ©flĂ©chit au projet Ă©ducatif de l’annĂ©e. L’Ă©cole est engagĂ©e dans un projet de partage de pratiques.
Quelle refondation ?
Que pensent ces enseignantes si impliquĂ©es de la refondation lancĂ©e par V. Peillon ? Pas grand chose. Pourtant il y a des attentes. « On aurait bien besoin d’une formation Ă l’interculturel » souligne une enseignante. « On ferait moins d’erreurs ». Tout le monde acquiesce. Tout le monde attend aussi une revalorisation du mĂ©tier. Mais la revalorisation financière divise. Ce qu’on veut surtout c’est de l’oxygène pour l’Ă©cole. « On est habituĂ© Ă gĂ©rer la pĂ©nurie. On a besoin de temps de concertation ». « Il faudrait plus de professeurs que de classes », poursuit une autre. « Je suis persuadĂ©e qu’avec une formation ce serait efficace ». « On a besoin de matĂ©riel informatique pour enseigner avec des outils modernes », demande une troisième enseignante.
« Il faudrait aussi lutter contre les ghettos. Quelle que soit l’Ă©nergie que nous dĂ©pensons, avoir 13 Ă©lèves sur 21 très dĂ©favorisĂ©s tire le niveau vers le bas », poursuit une autre enseignante. « On est toujours déçues des rĂ©sultats de nos efforts ». Rue d’Oran aussi la tâceh parait parfois immense.
François Jarraud
Lien : le projet Ă©ducatif de l’Ă©cole
http://18b-gouttedor.scola.ac-paris.fr/IMG/pdf/Projet_d_Ecole_O[…]
Rentrée : Avec les lycéens à Gennevilliers
Surprise pour les Ă©lèves de seconde du lycĂ©e GalilĂ©e de Gennevilliers. Le 4 septembre, c’est le prĂ©sident du conseil rĂ©gional d’Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, qui fait la rentrĂ©e, accompagnĂ© de la vice-prĂ©sidente en charge des lycĂ©es, Henriette Zoughebi, de la conseillère rĂ©gionale locale , Françoise Diehlmann, du maire de Gennevilliers, Jacques Bourgoin et du recteur, Alain Boissinot. Un Ă©tablissement bien choisi par sa qualitĂ© architecturale, l’engagement pĂ©dagogique des enseignants mais aussi le lien très fort entre formation initiale et dĂ©veloppement Ă©conomique local.
« C’est le plus beau lycĂ©e francilien ! » La rĂ©gion est propriĂ©taire de 470 lycĂ©es. Mais visiblement le lycĂ©e GalilĂ©e de Gennevilliers est le prĂ©fĂ©rĂ© du prĂ©sident du Conseil rĂ©gional. Et c’est sans doute un motif de lĂ©gitime fiertĂ© pour la rĂ©gion de voir cette rĂ©alisation. DessinĂ© par Jean-Pierre Lott, le lycĂ©e est composĂ© de bâtiments lumineux aux lignes pures et ondulantes, un rien lascives. Le vocabulaire architectural reste classique. Demi-sphère ou soucoupe blanche posĂ©e sur le gazon, passerelles, loggias et escaliers , tout est superbe. L’architecte a mis les ateliers industriels en vitrine. Ce sont eux que l’on remarque et de larges baies vitrĂ©es permettent d’apercevoir du dehors les Ă©normes machines de la plasturgie. Les salles de classe de l’enseignement gĂ©nĂ©ral sont plus quelconques. Si les espaces de circulation sont agrĂ©ables et confortables, l’architecte n’a pas prĂ©vu de bureaux pour les enseignants.
« Dans cet Ă©tablissement il y a une grande tradition d’accueil et de travail d’Ă©quipe », explique JP Huchon aux Ă©lève d’une classe de seconde. Pour ce premier jour de rentrĂ©e ils ont rendez-vous pour un entretien individuel d’accueil avec des professeurs. Ensuite en classe, ils rencontrent les deux professeurs principaux de chaque seconde. Le lycĂ©e illustre la volontĂ© rĂ©gionale de soutenir la rĂ©ussite de tous les Ă©lèves. SituĂ© en ZEP, dans la partie dĂ©favorisĂ©e des Hauts-de-Seine, le lycĂ©e GalilĂ©e est un lycĂ©e polyvalent,un modèle que la rĂ©gion veut Ă©tendre. ON y trouve des filières gĂ©nĂ©rales S et ES, des filières technologiques STL et STI2D ainsi que des CAP et bac professionnel plasturgie. Autre volontĂ© rĂ©gionale : dĂ©velopper des BTS en banlieue. Près de 400 des 930 Ă©lèves sont en BTS ou licence pro dans les spĂ©cialitĂ©s chimiste ou plasturgie.
Le lycĂ©e a du mal Ă remplir certaines filières industrielles alors que l’intĂ©gration dans le monde du travail y est facile. Recrutant dans une zone dĂ©favorisĂ©e, le lycĂ©e a dĂ©veloppĂ© un programme expĂ©rimental pour amĂ©liorer la rĂ©ussite en seconde. Trois secondes bĂ©nĂ©ficient d’un emploi du temps particulier. Le vendredi après midi est rĂ©servĂ© Ă des activitĂ©s culturelles, visites et confĂ©rences avec l’aide d’un mĂ©diateur culturel fourni par la rĂ©gion. De 14 Ă 16h et de 8 Ă 10h, les classes sont dĂ©doublĂ©es. Les professeurs travaillent donc en Ă©quipe. La classe dispose de sa salle. Les rĂ©sultats sont lĂ : taux de redoublement divisĂ© par deux, rĂ©orientation Ă©galement. Un nouveau projet va voir le jour cette annĂ©e : l’ouverture d ‘un internat de proximitĂ© de 125 lits qui devrait renforcer le pĂ´le industriel et bĂ©nĂ©ficier aux jeunes des quartiers.
Le lycĂ©e se situe ainsi au coeur d’un dispositif de dĂ©veloppement territorial. Très prĂ©sent, le maire de Gennevilliers rĂ©sume la situation de façon Ă©clairante. 40 000 emplois se trouvent sur le territoire de la commune. La population active locale compte 22 000 personnes. Le taux de chĂ´mage est de 16%. Le lycĂ©e est donc une carte maitresse pour pouvoir proposer davantage de main d’oeuvre locale aux nouvelles entreprises qui s’installent dans cette zone proche de La DĂ©fense. Elles n’iront pas chercher loin. Le lycĂ©e est aussi le monument autour duquel se dĂ©ploie une vaste opĂ©ration de rĂ©novation immobilière.
La visite du lycĂ©e GalilĂ©e ne marquait pas que la rentrĂ©e scolaire ou l’hommage obligĂ© aux enseignants. C’est aussi la force des politiques locales, la coordination entre commune, rĂ©gion et Etat que JP Huchon et H. Zoughebi cĂ©lèbrent Ă Gennevilliers.
François Jarraud
Liens :
Le projet pédagogique de Galilée
http://www.ac-versailles.fr/public/upload/docs/applicati[…]
Le site du lycée
http://www.lyc-galilee-gennevilliers.ac-versailles.fr/
Sur le site du Café
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