Au moment où paraît ce numéro du Café, le ministre annonce, devant 600 chefs d’établissements, l’ouverture officielle du débat national sur l’éducation. Durant les trois prochains mois, 15.000 réunions devraient avoir lieu pour échanger sur 22 thèmes relatifs à l’Ecole.
Pourtant le débat est accueilli avec méfiance. Chez les enseignants, il y a le petit groupe de ceux qui refusent tout échange sur la pédagogie et l’école, murés parfois dans un fort engagement politique, parfois dans les déceptions qui accompagnent le métier. Plus nombreux (pour ne pas dire plus) sont ceux qui l’accueillent avec scepticisme. Un récent article du Monde en inventorie les motifs. On pourrait y ajouter la lourdeur du processus sensé faire remonter les avis de la « France d’en bas » selon une pesante pyramide qui évoque bien des choses dans l’institution mais certainement pas l’ouverture au dialogue…
A ce scepticisme des enseignants, répond celui de la société sur la capacité de l’Ecole à se réformer. La méfiance des politiques envers les « experts », comprenez les enseignants, le souci d’éviter que le débat soit confisqué par eux, transparaissent dans de nombreuses déclarations. Ils sont sans doute pour quelque chose dans son organisation pesante. Ajoutons-y le refus muet d’une partie des invités et on risque d’avoir un débat mort-né. Ou pire encore. « N’engage pas de débat lors d’un dîner, a pu dire un logicien, car celui qui n’a pas faim aura le dernier mot ».
Pourtant nous ne croyons pas à ce scénario catastrophe. D’abord parce que l’Ecole a l’obligation de changer et les enseignants en sont naturellement les premiers convaincus. Ensuite parce que les organisations, syndicales mais aussi pédagogiques, qui innervent l’Ecole entendent bien y participer. En témoignent, par exemple, les propositions du CRAP ou les articles parus dans le Café pédagogique sur des thèmes du débat; par exemple, dans ce numéro, la réflexion de G. Longhi sur l’autorité. Le débat c’est aussi une opportunité pour changer l’Ecole, pour qu’elle devienne plus efficace, plus accueillante pour tous les élèves, plus démocratique.
Enfin parce que les enseignants ont bien en main les outils d’un véritable débat. A la volonté d’organiser, voir d’encadrer, le débat dans une organisation pyramidale, répond la multiplication des débats informels permis par les outils modernes de communication. On sait que les enseignants sont largement utilisateurs des TIC. Gageons que c’est là que se tiendront l’essentiel des échanges. Et cela pèsera également sur le débat national.
En Angleterre, il s’est trouvé un haut fonctionnaire du ministère de l’éducation, M. Heargraves, pour dire que « les TIC donnent la possibilité à des milliers d’écoles et d’enseignants de devenir un petit univers dans lequel la communication peut être aisée et rapide… Ainsi un professeur qui veut contacter un pair qui a plus de connaissances ou maîtrise mieux une pratique professionnelle, peut simplement le demander, il trouvera la bonne personne rapidement. Avec cette infrastructure, les enseignants ont la possibilité d’accéder rapidement aux meilleures ressources et aux meilleures pratiques ».
Est-ce à dire que les problèmes de l’école trouveront une solution simplement dans l’amélioration de la formation des enseignants à travers une sorte de Napster éducatif ? Certainement pas dans notre système national. L’Ecole c’est aussi des moyens et des structures décidés encore aujourd’hui majoritairement nationalement. Mais une partie des problèmes de l’école trouvent tous les jours des solutions dans les efforts des enseignants pour tirer vers le haut leurs élèves et faire fonctionner leur établissement.
Au scepticisme des enseignants devant la lourdeur de la consultation et la minceur des remontées, pourrait répondre la multiplication des échanges informels, locaux, sautant les échelles hiérarchiques. Ces échanges poussent l’école vers plus d’autonomie, d’ouverture, de responsabilité. Tiens, ce sont des thèmes du débat…
François Jarraud
Le site du débat sur l’Ecole
http://www.debatnational.education.fr/
Article du Monde
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-342047,0.html
Propositions des CRAP
http://www.cahiers-pedagogiques.com/actu/propocrap.html
M. Heargraves dans The Guardian
http://education.guardian.co.uk/elearning/story/0,10577,1082824,00.html
