Des pistes pour améliorer l'enseignement des langues en France 

Y a-t-il vraiment un problème d'enseignement des langues en France ?  Oui, si l'on en croit un sondage dévoilé par l'Apel, l'association des parents des écoles catholiques, dévoilé le 26 novembre, qui montre que seulement 17% des enseignants jugent cet enseignement efficace. Les parents, eux, sont un peu plus optimistes avec 43% de réponses positives. Que faire ? C'est l'Apel qui ouvre des perspectives en réunissant le 26 novembre Michèle Kail, une spécialiste en psychologie cognitive, et Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l'éducation du Québec. Un double regard qui va ébranler des idées bien établies. Surtout il va proposer des solutions concrètes pour améliorer l'enseignement des langues. Un message pour le ministère ?

 

Un consensus affligé sur l'enseignement des langues

 

Autant les Français jugent que la maitrise d'une langue étrangère est un "atout" et "une chance", autant ils jugent (à 78%) que c'est difficile. Selon un sondage Opinion Way réalisé pour l'Apel, dévoilé le 26 novembre, neuf parents sur dix jugent que les Français sont moins bons en langue étrangère que les autres européens. Un avis confirmé par une proportion équivalente d'enseignants.

 

A vrai dire les enseignants sont bien plus critiques que les parents pour cet enseignement. Seulement 17% des professeurs jugent l'enseignement des langues efficace (43% des parents). 28% des enseignants jugent qu'à la fin de la scolarité les jeunes maitrisent une langue étrangère alors que 58% des français y croient encore.

 

Des solutions réalistes ?

 

Quelles solutions ? Le sondage Opinion Way en propose. Et ce qui est bien avec les langues c'est que parents et enseignants partagent exactement les mêmes idées. Neuf parents et enseignants sur dix jugent qu'un séjour à l'étranger est positif. Huit parents sur dix croient en l'efficacité de  cours d'une autre discipline en langue étrangère. Sept parents et enseignants sur dix  souhaitent que les élèves puissent passer au moins un trimestre en fin de collège dans un pays étranger. Et huit parents et enseignants expliquent les mauvais résultats par le fait qu'avant d'apprendre une langue étrangère il faut déjà bien maitriser le français.

 

 Des idées que l'Apel soumet à Michèle Kail, spécialiste en psychologie cognitive et Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l'éducation du Québec. Ce dernier a publié en août 2014 un ouvrage sur l'amélioration de l'enseignement de l'anglais.

 

"L'idée qu'il faudrait d'abord maitriser le français avant d'apprendre une langue étrangère est fausse", dit sans détour Michèle Kail. "Ce la contredit l'idée qu'il faut apprendre précocement les langues étrangères. "Or il y a bien des compétences qui s'acquièrent tôt. Le cerveau apprend dès 6 mois à distinguer les phonèmes et pour maitriser la prosodie, l'accentuation d'une langue , il faut s'y prendre tôt".

 

"L'apprentissage d'une langue se fait toujours par rapport à la langue déjà maitrisée", poursuit-elle. "Les deux langues ne sont jamais à égalité. Le cerveau évolue au contact de la seconde langue et apprend à développer des mécanismes automatiques de controle. Mais pour cela il faut des exercices très fréquents. On ne peut pas apprendre une langue à raison d'une heure par semaine. Il faut nourrir le cerveau. C'est "Use it or lost it".  

 

L'expérience québécoise

 

 Mais comment assurer cet accès  fréquent à la langue étrangère ? C'est là que l'expérience québécoise intervient."Apprendre une langue ce n'est pas un exercice à somme nulle. Il ne faut pas interdire de parler en langue étrangère à l'école comme on interdisait le breton dans la cour de récréation", explique C Lessard. "Au contraire quand un enfant peut échanger dans sa langue avec un petit camarade à l'école, cela l'intègre plus à l'école et renforce les apprentissages." Une idée soutenue par M Kail qui cite en exemple une école maternelle luxembourgeoise où chaque aide maternelle maitrise une langue différente et l'utilise avec les enfants. "L'idée que ça nuit pour l'apprentissage de la langue de l'école est une erreur".

 

Le Québec a développé une stratégie pour renforcer l'apprentissage de l'anglais : c'est la méthode intensive. "Il faut regrouper l'enseignement de la langue étrangère sur une période courte et intense et non l'étaler sur des années". Concrètement, le CSE québécois recommande de consacrer 300 heure de cours de langues sur un semestre du CM2 et de supprimer cet enseignement les autres années.  Sur ce créneau, les cours de langues sont confiés à des professeurs spécialisés. Avec cet enseignement intensif les jeunes dépassent les blocages et apprennent à communiquer en langue étrangère. Dans le secondaire ils ne reçoivent plus qu'une centaine d'heures par an. Seulement 15% des écoles québécoises appliquent cette méthode car elle implique une réorganisation complète des enseignements.

 

Les propositions de l'Apel

 

Michelle Mergalet, chargée de l'enseignement des langues dans les établissements catholiques du Finistère,  présente les "petits assistants" de langues installés dans 110 écoles et établissements. Il s'agit de lycéens anglais qui viennent en séjour gratuit dans les écoles et collèges catholiques du département pour aider à la maitrise de l'anglais. Les écoles pratiquent des séjours croisés réguliers avec des établissements anglais.

 

 Pour l'Apel, Caroline Saliou a fait 8 propositions. Elle demande un éveil à une langue étrangère dès la grande section de maternelle,  une augmentation de l'horaire au primaire et un démarrage de la LV2 dès la 6ème. Elle souhaite une meilleure formation pour les enseignants et l'appel à des locuteurs natifs dans les établissements scolaires. L'Apel souhaite la création de ressources numériques, la diffusion de films en VO à la télévision et la reconnaissance des séjours à l'étranger. "On veut faire de l'apprentissage des  langues une priorité nationale", dit-elle. "Il faut que les enfants prennent confiance et osent s'exprimer. Le lien entre l'école et la famille est la clé de la réussite".

 

Françoise Cartron, rapporteure de la loi d'orientation de 2013, va dans ce sens en montrant la part que le périscolaire devrait prendre dans l'apprentissage des langues. Elle donne en exemple la Dordogne où des résidants anglais animent des ateliers linguistiques sur le temps périscolaire.

 

L'expérience québécoise montre que les francophones ne sont pas condamnés à un mauvais niveau de langues et que d'autre modalités d'apprentissage peuvent être plus efficaces. Voilà une perche tendue au dessus de l'atlantique vers la rue de Grenelle...

 

François Jarraud

 

Ouvrage du CSE Québec sur l'anglais

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 27 novembre 2015.

Commentaires

  • thais8026, le 27/11/2015 à 14:42
    Est-ce que quelqu'un peut dire dans quelques disciplines il n'y a pas un problème en France?????
    Et le pire, c'est qu'une fois le problème détecté, les solutions proposées et imposées empirent la situation.
    finalement, la tradition française qui consistait à casser le thermomètre en cas de fièvre avait peut-être du bon....
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