Changer les maths pour plus d'égalité entre filles et garçons en sciences ? 

Pourquoi, à niveau égal, les filles choisissent-elles moins souvent des études ou une carrière scientifiques que les garçons ? On a longtemps pensé que cela venait du poids des stéréotypes soit sur les facultés "naturelles" des filles , soit sur les métiers scientifiques. Une enquête de la Depp, publiée dans Éducation & formations n° 97, réalisée auprès de près de 9000 lycéens montre que les stéréotypes sont bien présents. Mais qu'ils ne jouent qu'un rôle marginal dans les décisions des filles. Ce qui joue c'est le goût des sciences et la confiance en soi. Deux nouveaux défis pour les professeurs de sciences, l'Ecole  et la société dans son ensemble.

 

Des orientations marquées par le genre

 

Le point fort de cette étude c'est qu'elle suit près de 9000 lycéens de la 2de à la terminale et après grâce à APB et à un fichier académique des lycéens. On peut ainsi comparer la croyance des élèves dans les stéréotypes sur les sciences ou sur leur rapport aux sciences avec les décisions d'orientation qu'ils prennent réellement. Ainsi Thomas Breda, Julein Grenet , Marion Monnet et Clementine Van Effenterre arrivent à mettre en évidence les critères les plus efficients quant à ces décisions.

 

En France comme dans les autres pays de l'OCDE  les filles s'orientent moins vers les filières scientifiques que ce soit à l'issue de la 2de que dans le post bac. Ainsi 30% des filles demandent une 1ère S contre 39% des garçons (en L c'est le contraire : 14 et 4%) et après le bac, alors qu'elles représentent 55% des bacheliers elles ne comptent que 29% des élèves des prépas scientifiques et 27% des formations d'ingénieur. Cela alors que le niveau général des filles est plutôt meilleur que celui des garçons et que l'écart en maths n'est pas très important.

 

Les stéréotypes sont bien actifs

 

Depuis longtemps on met en avant pour expliquer cette fuite des filles le poids des stéréotypes. Et l'étude montre qu'effectivement ils sont encore très présents. " Les filles déclarent beaucoup moins souvent que les garçons aimer les mathématiques, alors même qu’elles obtiennent des résultats équivalents à ces derniers. Les filles sous-estiment également davantage que les garçons leur niveau en mathématiques et ressentent beaucoup plus fréquemment de l’inquiétude vis-à-vis de cette discipline. La prévalence des stéréotypes relatifs aux métiers scientifiques et à la place des femmes au sein de ces métiers est loin d’être négligeable. Par exemple, près de 30 % des garçons et 18 % des filles de seconde générale et technologique sont d’accord avec l’affirmation « les hommes sont plus doués que les femmes en mathématiques »", précise l'étude. " En seconde, près de 80 % des garçons déclarent aimer les sciences et ils sont près de 60 % à envisager d’exercer plus tard un métier scientifique, contre respectivement 67 % et 47 % des filles".

 

Les filles sous-estiment leurs capacités en maths. " Alors que les performances réelles en mathématiques des filles et des garçons de notre échantillon sont très proches les filles déclarent nettement moins souvent avoir un bon niveau en mathématiques que les garçons (entre 11 et 14 points d’écart), ainsi qu’en physique-chimie (entre 12 et 14 points)". 

 

L'enquête montre que ce sentiment d'infériorité des filles est profondément intériorisé. " Elles ne semblent pas tant se sous estimer collectivement en tant que filles, qu’individuellement, ce qui les conduit à sous-estimer leurs compétences dans les matières scientifiques par rapport à leurs camarades, indépendamment du genre de ces derniers". Les stéréotypes sont très présents : " Entre un cinquième et un tiers des élèves considère, par exemple, que les métiers scientifiques sont monotones, solitaires, et difficilement conciliables avec une vie de famille épanouie, et une très large majorité d’entre eux associe les études scientifiques à des études longues. De la même manière, la proportion d’élèves qui déclarent être d’accord avec des affirmations telles que « les cerveaux des hommes et des femmes sont différents » ou « les hommes sont naturellement plus doués en mathématiques que les femmes », oscille entre 15 % et 30 %".

 

Mais ils n'expliquent pas les inégalités d'orientation

 

Mais quel est le poids réel des stéréotypes, du gout pour les sciences dans la décision finale d'orientation ? Les chercheurs ont réussi à séparer le poids des différents facteurs accessibles dans leur enquête.

 

" L’enseignement principal de cet exercice de décomposition est que les différences dans les goûts déclarés et dans la confiance en soi des filles et des garçons expliquent une part significative des écarts d’orientation, tandis que les différences de niveau, de prévalence des stéréotypes et de perceptions, telles que mesurées par le questionnaire, jouent peu", expliquent les auteurs. Si les stéréotypes sont toujours répandus et actifs et demandent donc à être démentis en classe, elle fait apparaitre deux facteurs principaux jusque là peu combattus.

 

Pour les auteurs, "le principal enseignement de notre enquête est que les filles et les garçons diffèrent fortement quant à leurs goûts déclarés pour les matières scientifiques, et de façon peut-être plus intéressante, quant à leur confiance en eux vis-à-vis de leurs compétences en mathématiques".

 

Voilà deux dimensions qui interrogent plus globalement l'enseignement des maths et même des sciences dans leur ensemble.

 

François Jarraud

 

Education et formations n°97

 

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 02 octobre 2018.

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