Budget 2023 : La revalorisation promise n'est pas au rendez-vous 

Les 10% promis par Emmanuel Macron, soit 6 milliards, ne sont pas au rendez-vous du budget 2023. A la place, un peu moins de 2 milliards de revalorisation inconditionnelle qui cibleront la première moitié de la carrière. S'ajoute environ un milliard pour le "nouveau pacte" et pour des mesures catégorielles, comme les 74 millions consacrés à la prime Rep qui sera versée aux AED. Le ministère parle de "choc d'attractivité" pour le métier enseignant. Mais qui fait confiance à un employeur qui promet sans tenir ?

 

Une augmentation du budget qui suit l'inflation

 

 "Revalorisation historique", "accélération inédite" : l'entourage de Pap Ndiaye ne manque pas de belle formule pour présenter la hausse du budget de l'éducation nationale. Il est vrai qu'elle est substantielle. Hors pensions, le budget de l'enseignement scolaire passe à 60 milliards, soit 3.6 milliards de plus qu'en 2022. Cela représente +6.5% d'augmentation, ce qui à première vue, est un record.

 

Cette hausse budgétaire est importante. Mais elle reste inférieure à l'effort produit entre 2016 et 2017 avec une hausse du budget de l'éducation nationale qui n'était "que" de 4.4% mais dans une période où l'inflation stagnait à 1%. Parce que 6.5% d'augmentation, au final, c'est juste le taux d'inflation à la fin de 2022.

 

635 millions pour la revalorisation

 

Permet elle au président de la République de tenir ses promesses de revalorisation ? "On a un budget qui nous permet véritablement d'aller vers une hausse conséquente", nous dit un proche de P. Ndiaye.

 

Dans cette hausse, 1.7 milliards résultent de l'augmentation du point fonction publique appliquée en juillet dernier. Environ 400 millions sont pris par le glissement vieillesse technicité, autrement dit l'évolution normale des carrières à l'ancienneté.

 

Reste la revalorisation à proprement dit. Le ministère annonce consacrer 635 millions à la revalorisation inconditionnelle des enseignants, de septembre à décembre 2023. Etalée sur 12 mois cela représente 1.9 milliard. Et 300 millions seront utilisés pour rémunérer les enseignants acceptant "le nouveau pacte" et ses nouvelles missions, voulu par E Macron soit 900 millions par an.

 

Pour qui ?

 

Qui bénéficiera de la revalorisation inconditionnelle ? Le ministère ne veut pas s'engager à la veille de discussions avec les syndicats. Elles commenceront le 3 octobre. Mais E Macron et P Ndiaye ont insisté sur des débuts de carrière à 2000€ net pour les enseignants. Cette promesse sera tenue, assure t-on rue de Grenelle. Il est vrai que les enseignants débutent à 1926€ nets (avec les primes) et cette "revalorisation" se limitera à 74€ par mois. Tous les enseignants gagnant à temps complet moins de 2000€ net seront concernés. Selon le Bilan social du ministère, cela concerne moins de 10% des professeurs.

 

Qui d'autre bénéficiera de la revalorisation inconditionnelle ? "Nous aurons une attention particulière pour la première moitié de la carrière", dit-on au ministère. On n'est plus dans les 10 premières années mais la formule laisse entendre que la majorité des enseignants ne profitera pas de cette revalorisation d'office. C'est aussi une façon de pousser les autres à entrer dans la logique du "nouveau pacte" pour obtenir quelque chose.

 

Promesse non tenue

 

Force est de constater que la promesse de la revalorisation de 10% ne sera pas tenue par le gouvernement. "Les 6 milliards seront respectés", dit-on dans l'entourage de P Ndiaye. "Les 10% c'est sur tout le quinquennat", précise t-on au ministère. "Cela dépendra de la montée en puissance du nouveau pacte", celle-ci s'accompagnant d'une hausse budgétaire au fur et à mesure. "Si on peut les atteindre dès 2024 on sera content".

 

Il ne sert pourtant à rien de rafistoler la promesse. En même temps qu'il déposait la loi de finances 2023, le gouvernement a remis au parlement une loi de programmation 2023-2027. Et les perspectives pour le budget de l'éducation nationale ne prévoient pas d'atteindre une hausse de 6 milliards. Le budget de l'enseignement scolaire passe de 56.5 à 60.2 milliards en 2023. Puis il monte à 62 milliards en 2024 : cela correspond bien à l'application sur l'année 2024 des mesures de revalorisation présentées dans le budget 2023. Ensuite le budget stagne en 2025 montant à 62.8 milliards. Sur 4 années on a une hausse budgétaire de 4 milliards pas de 6.

 

Quel choc d'attractivité ?

 

Peut-on vraiment parler d'un "choc d'attractivité" pour le métier d'enseignant ? Ce qui semble se préparer c'est une autre grille salariale. Si les 2 milliards sont réservés aux 40% des enseignants les moins âgés, on atteindrait une revalorisation à hauteur des revendications syndicales (300€ par mois net). Mais cela voudrait dire une stagnation salariale jusqu'à la fin de la carrière passées les 15 premières années. C'est un schéma de carrière qui existe dans d'autres pays européens. Mais qui ne correspond pas à notre modèle social. C'est le principe de l'avancement à l'ancienneté qui est remis en cause. 

 

On aura plus de mal à trouver du positif dans l'évolution des postes. Là aussi c'est un signal de méfiance qui est envoyé. Le ministère recrute en 2023 4000 AESH. Mais il supprime 2000 postes d'enseignants : 1000 dans le premier degré où il y aura 90 000 élèves en moins, 500 dans le 2d degré avec 10 000 élèves en moins et autant dans l'enseignement privé.

 

Le ministère ne s'étend pas sur l'évolution des postes dans l'enseignement professionnel. "Il n'y a pas de crédit supplémentaire pour la voie professionnelle", nous dit-on. "Conformément à la méthode du président qui veut mettre en place la réforme de manière progressive et concertée", la demi journée de découverte des métiers(généralisée à la rentrée 2023 au collège) et la gratification des stages des bacheliers professionnels ne sont pas budgetés pour 2023.

 

Le ministère par contre a du prévoir l'extension de la prime Rep aux assistants d'éducation. Sud a obtenu cette mesure par la voie judiciaire. Cela coutera 74 millions à l'Etat. Le ministère réévalue aussi les frais de déplacement de 10% pour un total de 5 millions.

 

Un budget représentatif du quinquennat

 

Enfin le ministère de P Ndiaye a aussi en charge le Snu et le service civique. Celui ci voit son budget augmenter de 20 millions à 519 millions. Le Snu augmente de 30 millions à 140 millions.

 

Finalement ce premier budget du second quinquennat est représentatif. Il reste largement dans le flou. Là où la promesse était simple et claire, au final on a un arbitrage en deça du promis et avec une application qui reste à définir. La promesse n'est pas tenue. Rien ne se dessine clairement dans le brouillard élyséen. Et ça ce n'est pas fait pour renforcer l'attractivité.

 

François Jarraud

 

Sur le site ministériel

Le projet de loi de finances 2023

Le projet de loi de programmation 2023-2027

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 27 septembre 2022.

Commentaires

  • Yoyoyo, le 27/09/2022 à 20:09
    Quelle belle bande de connards. Encore et toujours. À 15 ans d'ancienneté, on est payé 22% de moins que la moyenne de l'OCDE (contre 7% de moins en début de carrière). Et à ce stade là de la carrière, ils considèrent qu'on n'est plus importants, qu'on doit juste attendre la retraite (diminuée de 30% avec leur réforme) tranquillement ... Vivement qu'on se lève et qu'on se casse. À la fin des fins, on sera toujours payés 25% de moins que les autres cadres A de la FPE, et 2 FOIS moins que les collègues allemands.
    • Yann G, le 28/10/2022 à 08:49
      Pour la paye des collègues allemands, j'en suis revenu. Leurs missions n'ont rien à voir avec les nôtres.

      De toute façon, pas besoin de regarder à côté pour voir comment on n'avance pas. Avec plus de 20 ans de carrière (dont 4 en tant que contractuel), j'ai juste vu le salaire minimum me grignoter du terrain. Et les autres branches (public et privé) avancer pépère. Et nous, stagner. Depuis le gel du point d'indice (on va pas prétendre à un dégel vu les miettes distribuées), l'avancement à l'ancienneté est lui aussi grignoté par l'inflation.

      Ils comptent simplement sur le fait qu'on soit captifs. Professionnellement le prof bashing (dans la société, mais aussi chez les politiques) a pour effet d'en faire fuir certains, mais pour la grande majorité ça fait rentrer la tête dans les épaules. Beaucoup se sentent incapables de faire autre chose. Mais on est aussi captifs géographiquement. Et ça c'est le meilleur pour eux. Ils ont la main sur les mutations et c'est un levier énorme. Si on pouvait bouger plus facilement, on serait plus libres et plus à même de revendiquer notre valeur professionnelle.

      C'est exactement la même logique libérale pour les impôts et taxations. On tape sur l'immobile. C'est plus facile de taper une PME qu'une grande entreprise qui diffuse ses recettes et dépenses à droite et à gauche. Plus facile de taxer la consommation des ménages que les dividendes des grands groupes.
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