Mensonge ou pas du premier ministre ? « Oui, le Premier ministre a varié dans ses versions. Oui, il a menti. » pour le co-rapporteur Paul Vannier (LFI). Non pour sa collègue Violette Spillebout (EPR) « Il a dit ses vérités ». Fatiha Keloua Hachi (PS) présidente de la commission qualifie l’étape d’« importante et de pénible ». Jeudi 15 mai 2025, la commission d’enquête parlementaire sur les violences a voulu afficher son unité malgré des divergences de style et de jugement politique sur le cas Bayrou. Le rapport final est attendu fin juin.
Si tous les membres affichent le souci du travail et de l’esprit qui les rassemble, les divergences politiques se sont aussi invitées cette semaine.
L’audition du Premier ministre François Bayrou. dans le cadre de la commission d’enquête sur les violences, a constitué un moment charnière des travaux parlementaires entamés il y a deux mois. Une audition jugée « importante » et « pénible » par la présidente de la commission, qui a rappelé que « la même méthodologie a été utilisée pour toutes et tous ». Pourtant, selon elle, le chef du gouvernement a « remis en cause plusieurs fois cette commission d’enquête, la méthodologie qu’on utilise, les rapporteurs Paul Vannier et Violette Spillebout, ma présidence, et même les services de l’Assemblée nationale ».
Malgré ces tensions, la commission poursuit son travail. Avec plus de 200 personnes auditionnées, une mobilisation constante de la commission, la présidente précise que « ce n’est pas fini ». Le rapport final est attendu pour la fin du mois de juin.
Deux lectures d’un même moment politique
Si Paul Vannier a qualifié cette audition d’« exceptionnelle », il l’a aussi présentée comme « une audition comme les autres ». Mais à l’issue de l’exercice, ses conclusions sont claires : « Oui, le Premier ministre a varié dans ses versions. Oui, il a menti. » Il dénonce une « culture de la violence sur les enfants » portée par un responsable politique qui relativise les faits, qualifiant une gifle de « geste éducatif ». Pour lui, cette relativisation est un symptôme grave : « Il s’agit d’un continuum de violences».
Il pointe également une responsabilité politique du Premier ministre, qui aurait, selon lui, lu « uniquement la conclusion » du rapport de l’institut catholique Notre-Dame-de Bétharram: « Lire partiellement un rapport, c’est aussi renoncer à agir pleinement pour protéger les enfants ».
Une défense saluée par l’autre rapporteure : « dire ses vérités »
Sa co-rapporteure Violette Spillebout macroniste n’a pas la même lecture. Elle retient une « défense extrêmement offensive, d’un homme attaqué politiquement par mon collègue Paul Vannier », tout en saluant le fait que le Premier ministre « ne s’est pas dérobé ». « Il a pu répondre, dire ses vérités, parfois dans des échanges douloureux et tendus. » La formule « dire ses vérités » a du être pesée et soupesée par la députée : dire ses vérités, élude la question délicate du mensonge, du parjure, de « la » vérité, enjeu essentiel de l’affaire Bétharram.
La députée insiste sur plusieurs avancées obtenues à l’issue de cette audition : un engagement du Premier ministre pour un soutien renforcé aux associations, une ouverture à la réflexion sur l’imprescriptibilité des plaintes, et la création d’une autorité indépendante avec une place dédiée aux victimes. Elle évoque, et de la sorte affiche, son soutien à la politique du gouvernement avec la mention de la mission confiée à Sarah El Haïry, dans la continuité du plan « Brisons le silence » de l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne.
Elle reconnaît les tensions et affirme avoir conservé son impartialité, son indépendance mais aussi son duo avec Paul Vannier : « Nous avons des styles différents. Je peux regretter que l’audition ait tourné au duel politique. »
Un rapport attendu fin juin, soutenir les lanceuses d’alerte et protéger les enfants
Pour le député, les attaques lancées contre Françoise Gullung sont graves : « en s’attaquant à l’une d’elles, François Bayrou envoie un message terrible à la société. Il entretient l’omerta, et tente d’intimider celles et ceux qui parlent […]. Mais ni l’outrance, ni la violence, ni les agressions verbales du Premier ministre ne nous feront reculer. »
Violette Spillebout a également rendu hommage au courage des femmes lanceuses d’alerte, rappelant que ce sont « encore trop souvent des femmes qui brisent le silence ». Pour la commission transpartisane, « un trio uni » selon les mots de la députée Spillebout, sa mission reste inchangée : protéger tous les enfants.
« Cette audition a été une étape nécessaire, certes tendue, mais essentielle pour comprendre les silences et les blocages institutionnels » a déclaré la présidente de la commission. Cette question inclut celle de la connaissance des faits, de l’inaction, et de la responsabilité politique tout comme celle de l’indépendance des institutions et de la séparation des pouvoirs. A suivre.
Djéhanne Gani
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
