Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
Echos du premier forum mondial de l'éducation et de la formation tout au long de la vie
Le mot de la fin revient à Yves Attou

Yves Attou a été l'organisateur du 1er Forum mondial de l'éducation et de la formation tout au long de la vie. Il faut beaucoup de foi et d'énergie pour réunir les partenaires, trouver les financements, coordonner l'action d'une cinquantaine de bénévoles, accueillir des intervenants et des participants venus du monde entier, veiller en permanence et régler une foule de détails. Yves Attou est un homme précieux…

Plus de 1000 participants, des tables rondes de haut niveau, ce 1er forum a été une parfaite réussite. De tout ce qui a été dit, sur quoi le Forum s'est il mis d'accord ?

Yves AttouL'ensemble des intervenants conviennent qu'il faut revisiter le rapport Delors. En 1996, il avait affirmé : "Le concept d'éducation tout au long de la vie apparaît comme l'une des clés d'entrée dans le XXIème siècle".Mais, ce rapport n'avait pas intégré la dimension économique de la formation. De plus, la mondialisation et le développement des technologies de la communication modifient les systèmes d'éducation et de formation.

De nombreuses questions posées par le public n'ont pas eu de réponse faute de temps. Que deviendront-elles ?

Elles feront l'objet de réponses sur le site du forum : www.3lworldforum.org


Quelles vont être les suites concrètes de ce 1er Forum ?

Les questions soulevées lors du forum seront intégrées dans un rapport qui sera présenté à la CONFINTEA VI (6ème conférence internationale de l'éducation des adultes de l'Unesco) - Mai 2009 au Brésil.


Paul BélangerPar ailleurs, la création du Comité scientifique international annoncée lors du forum sera mis en œuvre afin d'approfondir le concept d'éducation et de formation tout au long de la vie. Il sera présidé par Paul Bélanger (Canada), Président du Conseil international de l'éducation des adultes.



Et Yves Attou que va-t-il faire maintenant ?

Le succès du 1er forum et les félicitations qui nous été adressées m'encourage à poursuivre dans la même voie et préparer le 2ème forum mondial. Tout le réseau du Café pédagogique sera associé à ces travaux.

Et maintenant ?


Les différentes interventions du premier forum l’ont souligné : l’entrée dans la société du savoir, la montée du concept d’éducation et de formation tout au long de la vie implique pour les enseignants des évolutions fortes dans leur métier, leurs pratiques, leur établissement, leur système. Comment enseigner ce que le rapport Delors considérait comme les piliers de l’apprentissage : apprendre à apprendre, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble, apprendre à être ? Comment favoriser l’acquisition de l’autonomie, de la responsabilité ? Comment transmettre les valeurs liées au pluralisme, à la démocratie ? Comment répondre aux incitations à développer des partenariats hors les murs de l’école, à prendre en compte besoins individuels et nécessité de socialisation, à développer des contrats éducatifs ?


Tout d’abord, en ayant un véritable système d’éducation et de formation intégré mais, comme le rappelle Christian Forestier, administrateur général du Cnam, « il ne faut pas faire un alibi de l’éducation et de la formation tout au long de la vie pour désengager la formation initiale de ses responsabilités sur l’acquisition d’une qualification ». Ensuite, l’ont suggéré plusieurs intervenants, en incitant les enseignants à se placer eux-mêmes comme apprenants dans une perspective d’éducation et de formation tout au long de la vie. Chiche ! Il faut alors imaginer, mettre en place un système de reconnaissance des savoirs informels et non formels acquis pas les enseignants dans et hors situation de travail, ou encore intégrer leurs observations, réalisations dans l’évolution du système, bref, placer l’école dans la société du savoir, collaborative, évolutive, réactive aux évolutions du système environnant tout en veillant aux fondamentaux, aux savoirs de base, au socle commun… Et bien, il y a de la révolution copernicienne dans l’air !


Car, comme l’a si clairement exprimé le directeur de l’Unesco, Koïchuro Matsura, l’éducation et la formation tout au long de la vie, ce n’est pas seulement une addition de la formation scolaire et la formation permanente mais cela devient une façon globale d’envisager notre rapport au savoir. « Ce n’est plus le savoir qui tourne autour de la société mais la société qui tourne autour du savoir » ; une véritable révolution copernicienne. Dans la nécessaire émergence d’une société du savoir « inclusive, participative, ouverte et globale», les enseignants ont un rôle moteur. Cela concerne les enseignants déjà en exercice mais aussi les enseignants à recruter, en particulier dans les pays du Tiers Monde à forte démographie.



A l’exemple du contexte de l’Afrique du Sud, décrit par Catherine Odora Hoppers, où l’éducation et la formation tout au long de la vie est un moyen de promouvoir les droits humains, la tolérance et le respect des autres, des autres cultures. En valorisant la reconnaissance des savoirs informels, on s’appuyant à la fois sur les cultures communautaires et sur les valeurs universelles, on s’ouvre aux autres. Apprendre, c’est aussi comprendre comment pensent, rient, comment s’habillent les êtres humains dans d’autres cultures, ouvrir son regard pour voir les autres européens. Pour Catherine Odora Hoppers, l’Afrique doit avoir confiance en elle, confiance dans son capital social, culturel, humain. Le savoir est une arme pour la tolérance, les compétences morales ses outils.


Cette ouverture constructive sur les valeurs universelles clôture de belle façon le premier forum mondial sur l’éducation et la formation tout au long de la vie. Elle est possible car les organisateurs du forum, et en premier lieu, Yves Attou, ont ouvert la tribune à des mondes qui se côtoient finalement peu dans les débats sur l’éducation : monde de l’entreprises et monde de l’éducation, pays du Sud et pays du Nord, formation scolaire et éducation permanente. Les points de vue différents se sont complétés dans un camaieu de l’éducation dominé par les valeurs humaines. Nombre d’intervenants l’ont souligné : la nécessité d’une éducation accessible à tous est criante en ces temps de crise, pour construire le monde de demain sur des valeurs universelles mais aussi pour éviter des réponses individualistes et intolérantes à la situation immédiate.

Dans la société du savoir, les enseignants et tous les éducateurs possèdent (retrouvent ?) une place centrale. Il reste à la reconnaître à la valoriser et à accompagner les mutations. Et aujourd’hui est ce d’actualité politique ?

Plaidoyer


Paul Bélanger, Président du Conseil International de l’Education des Adultes, a proposé en guise de conclusion une synthèse des différentes interventions, un plaidoyer percutant et convaincant en faveur de l’éducation et la formation tout au long de la vie. En voici un résumé.

Un des facteurs de la crise économique, à la suite de la crise alimentaire et de la crise énergétique, est sans doute la dissociation entre le capital et le travail, un oubli du travail, des hommes et des femmes qui travaillent dans les entreprises. Or, il n’y a pas de productivité sans producteurs, sans hommes et femmes qui produisent et cherchent à augmenter leurs compétences. Dans ce contexte, l’éducation et la formation tout au long de la vie est une clé de la productivité.

Le droit à l’éducation et à la formation tout au long de la vie est un droit non négociable, un droit universel ; il constitue un moyen de corriger les effets de l’inégalité, un outil de développement économique et social mais aussi pour la santé, l’interculturalité, la société et l’inclusion. Il s’agit d’une perspective de développement pour les sociétés, englobant toutes les formes d’éducation, initiale et continue, pour tous les âges, y compris la petite enfance.

Aujourd’hui encore, beaucoup d’enfants n’ont pas accès à la scolarisation, plus encore ne bénéficient pas d’une éducation pré-scolaire ; nombre d’adultes n’ont pas droit à la formation, nombre de citoyens ne bénéficient pas de l’éducation populaire. Des efforts doivent être faits en direction de la petite enfance, des petites entreprises et de la main d’œuvre peu qualifiée.

Le droit d’apprendre est un droit de survie pour l’humanité. Il faudra veiller que ce droit existe pour tous, et ne pas laisser la crise approfondir encore le fossé entre pays riches et pays pauvres.

Gouvernance sans frontières

Depuis le début du forum, la focale de notre objectif oscille entre local et global, entre commune, continent, monde. L’impact de l’éducation se constate à tous les niveaux de notre environnement du plus proche au plus lointain, les effets se mesurent aussi bien au niveau individuel que collectif. Alors, quelle instance politique est la plus à même d’impulser, de gérer l’éducation et la formation tout au long de la vie ? A quelle échelle devons-nous mettre en œuvre des actions, coopérer pour les rendre efficientes ?



Alain Rousset, président de la Région Aquitaine et président de l’Association des Régions de France, plaide pour le niveau régional. C’est là où, selon lui, le monde économique et le monde de la formation sont le plus complémentaire et où la rétroaction entre évolutions du contexte économique et formations est la plus efficace. La région gère déjà la formation professionnelle continue pour les demandeurs d’emploi, les formations sanitaires et sociales, les lycées, l’apprentissage et contribue fortement au développement économique. De quoi amoindrir l’étanchéité entre formation initiale, formation continue, et environnement économique, de quoi faciliter les réflexions communes. Pour mieux coordonner l’ensemble, Alain Rousset souhaite la création d’un service public régional de l’emploi et de l’orientation. L’orientation est une étape clé. Pour lui « il n’y a de bonne formation s’il n’y a pas une bonne orientation au préalable ».


Le niveau régional semble également pertinent pour faciliter les coopérations entre pays, ou plutôt entre régions de pays différents. L’Aquitaine collabore ainsi avec le Québec pour le partage de contenus éducatifs en ligne, avec l’Aragon et la Catalogne pour élaborer des référentiels de qualifications communs, avec plusieurs régions d’Afrique dans le cadre de formations sanitaires et sociales. Ces coopérations s’inscrivent dans une volonté de développer les mobilités, en particulier des jeunes, apprentis ou lycéens. Elles s’accompagnent de mesures en faveur du plurilinguisme, avec le développement par exemple de sections européennes dans les lycées.


La stratégie de Lisbonne, et ses déclinaisons, les programmes européens pour faciliter les coopérations et les mobilités, comme Erasmus, E-twinning ou encore Grundtvig, sont autant de traductions d’une volonté européenne de s’emparer de l’éducation et de la formation tout au long de la vie comme d’une thématique partagée par les 27 pays membres. Jamos Sz Toth, président de l’Association européenne pour l’éducation des adultes a cité des exemples d’actions réalisées grâce aux programmes européens, sur la qualité des formations pour adultes ou la validation des apprentissages informels.

Le rôle de la commission européenne pour développer l’éducation et la formation tout au long de la vie est indéniable. Anders Hingel, a rappelé que développement de l’éducation et de la formation tout au long de la vie est une stratégie pour l’Europe incluant un objectif de développement de compétences et une ouverture au delà des frontières des pays membres

Les objectifs fixés concernent à la fois les performances scolaires, le taux d’illettrisme pour les jeunes et le taux de participation des adultes à la formation continue. D’autres indicateurs sont pris en compte comme le taux de scolarisation en maternelle (ou équivalent) ou la maîtrise d’au moins une langue étrangère. A ce jeu, la Suède, le Danemark, le Royaume Uni, la Norvège et l’Islande sont au-delà des indicateurs européens fixés à 86% pour la pré-scolarisation, 60% pour le secondaire et 10% pour la participation des adultes à la formation. Sur ce dernier critère, on atteint même 25 % pour les cinq pays les plus performants. Ce sont des pays qui sont déjà rentrés dans la logique de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. La France est à la hauteur des critères européens mais sans plus. Dans cette diversité des performances des systèmes éducatifs, dans l’appropriation variable d’un pays à l’autre du concept d’éducation et de formation tout au long de la vie, les coopérations impulsées par les programmes européens favorisent les partages de bonnes pratiques et la capitalisation des expériences.



Au niveau mondial, la mobilisation de l’Unesco témoigne d’une préoccupation partagée sur tous les continents. L’existence de ce premier forum, le nombre de participants et la diversité de leur pays d’origine en témoignent également. L’entrée dans la société du savoir engendre à la fois une crainte de renforcer les inégalités entre les pays, les citoyens et un espoir de s’appuyer partout sur l’éducation pour mieux construire ensemble et dans une vision humaniste l’avenir. Un sommet mondial se tiendra en juin au Brésil, permettant aux différents gouvernements et acteurs de l'éducation de dresser un état des lieux et de projeter des politiques d'avenir.


Et au niveau national me direz-vous ? Placé sous le haut patronage du Président de la République, la France était représentée par la conseillère de Laurent Wauquiez, secrétaire d’état chargé de l’emploi qui s’occupe également de la formation professionnelle. Devant l’absence de ministre et l’angle pris par l’intervention, celui quasiment exclusif de la formation pour adultes, on s’interroge sur l’existence d’une vision globale du thème. Les régions et l’Europe se sont déjà emparés de l’éducation et de la formation tout au long de la vie, le niveau national serait il le maillon faible de la nécessaire gouvernance de la société du savoir ?

Apprendre...en trois dimensions

La matinée nous fait voyager dans toutes les dimensions de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. Du salarié du groupe laitier Bongrain, au paysan bolivien, les vertus de la société du savoir sont invoquées, qu’elles soient sociales, économiques ou culturelles. Car, avec l’éducation et la formation tout au long de la vie, on se trouve au confluent des trois dimensions.


Pour les entreprises, l’enjeu de la formation est de garantir un niveau de qualification, une employabilité, pour adopter le jargon en vigueur, suffisants pour favoriser un développement des compétences des salariés, et donc de l’entreprise qui les emploient. Pour un groupe international, le défi est d’autant plus grand qu’il intervient dans des contextes éducatifs et culturels différents.


L’alliance de l’entreprise et de l’économie solidaire favorise l’apprentissage. Le projet de Danone, en collaboration avec l’association de Muhammad Yunus au Bangladesh tend à le prouver. Le modèle économique spécifique est basé sur le micro-développement à partir de la fabrication d’un produit diététique. Une micro-usine est créée, employant 60 personnes sans qualification qui ont appris à gérer eux-mêmes et localement l’entreprise avec un système local de distribution. Le yaourt produit, le Shokti Doi, est plus nutritif qu’un yaourt normal et est vendu deux fois moins cher. Ce sont les femmes qui distribuent le produit. La micro expérience doit être réplicable de façon à amener éducation et nutrition au plus près des réalités locales car ce sont les 20% de la population la plus pauvre qui sont visés. Muriel Pécinaud, de Danone précise que pour que le projet réussisse, il faut que l’éducation soit intégrée au micro-développement. C’est ainsi que l’usine bengalie est reconnue comme un lieu d’apprentissage et d’expériences. Des salariés de la micro entreprise ont d’ailleurs déjà été recrutés dans d’autres entreprises.


Barbara Ischinger, de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques), l’a rappelé, l’accessibilité des systèmes éducatifs est une clé du développement économique et sociale. « Plus on apprend, plus on aime apprendre » précise t’elle et dans cette spirale vertueuse de l’apprentissage, l’avantage va aux systèmes privilégiant une scolarisation à la fois précoce et prolongée.


Et lorsque le système est défaillant, des mouvements de l’économie solidaire, de l’éducation populaire prennent bien souvent le relais. Pedro Pontual, Président du conseil de l’éducation des adultes d’Amérique du Sud souligne le rôle de ces mouvements dans son continent. Les enjeux du développement durable induisent des changements de comportements que seule l’éducation peut susciter, bien souvent par le biais de l’éducation populaire, qui agit au-delà de l’école. De façon plus large encore, l’accès pour tous à des emplois dignes passe obligatoirement par un accès à l’éducation par tous. Cet aspect est d’autant plus sensible en Amérique du Sud que la succession du colonialisme et de l’autoritarisme a gommé toute approche respectant les diversités culturelles. Or, l’agriculture familiale est une voie de progrès économique et social intéressant. Apprendre à mieux produire, mieux gérer l’exploitation agricole se fera plus facilement dans la proximité, linguistique, géographique et culturelle. Pour Pedro Pontual, l’éducation et la formation tout au long de la vie est une composante des droits de l’homme. L’arrivée des nouvelles technologies permet l’émergence de l’e-inclusion, un vecteur de lutte contre les discriminations sociales par la création de communautés virtuelles, l’apprentissage en ligne collaboratif.


La commune peut être un autre acteur clé de la formation et de l’éducation tout au long de la vie, comme en Polynésie, territoire isolé et parsemé dans le Pacifique, avec une population jeune entre traditions ancrées et modernité véhiculée par les voies des nouvelles technologies. La formation est un enjeu majeur pour la population jeune mais aussi pour les élus locaux, les agents communaux qui assurent un rôle de service public et veillent à la cohésion au sein du territoire. Le bilinguisme est une réalité en Polynésie. Il faut à la fois préserver l’usage de la langue polynésienne et renforcer la maitrise de la langue française. Les formations sont donc assurées en polynésien et en français, avec un glossaire bilingue. La diversité des communes, par leur taille et leur situation géographique implique une équité face à l’accès à la formation. 250 formations sont dispensées par an complétées par l’organisation de congrès et de séminaires Elles favorisent le partage d’expérience et de connaissances mais aussi la solidarité entre les élus comme une garantie d’un dynamisme harmonieux sur tout le territoire.

Christian Forestier : La formation continue peut changer la pédagogie

Administrateur général du CNAM, membre du HCE, ancien recteur, grand expert du système éducatif français, Christian Forestier animait dans l'après-midi une table ronde sur la prospective de l'éducation et de la formation tout au long de la vie. Il a bien voulu répondre aux questions du Café.

La France est dans une position moyenne en ce qui concerne l’éducation et la formation tout au long de la vie. Comment expliquez vous cela ?

C ForestierEn France on a une haute idée de notre système éducatif et une trop grande confiance dans la formation initiale, au moins pour les élites. L’idée qu’on puisse avoir besoin de la formation continue pour former nos cadres est une idée récente. Elle était dans la loi de 1971 mais malheureusement elle est sortie au mauvais moment, celui du premier choc pétrolier.

L’éducation et la formation tout au long de la vie est là pour aider les personnes peu qualifiées. Mais, en France, on a du mal à inverser la réponse : on a d’autant plus de chance d’avoir une seconde formation que la première a été bonne…

Comment inverser les choses ? L’idée de droit individuel à la formation va dans le bon sens.

En France, on a deux défis à relever. Le premier c’est les sorties sans qualifications, 150 000 jeunes, soit 20% d’une génération, qui sortent du système éducatif sans diplôme, c'est-à-dire dans notre société , sans qualification reconnue.

Soit on y répond par la formation initiale en articulation avec la formation tout au long de la vie. Soit il faut faire appel aux entreprises. L’école est-elle capable de former 100% des jeunes ? Ce n’est pas sîr.

Le second défi c’est d’amener 50 % d’une tranche d’age à un diplôme d’enseignement supérieur. On va l’atteindre si on n’y regarde pas de plus près. Mais s’agit-il de diplôme de niveau bac +2 (BTS, DUT) ou de licenciés ? Dans le premier cas on y arrivera sans difficulté. Mais si l’on souhaite 50% de jeunes ayant un diplôme supérieur long, il faudra faire appel à la formation continue.

Que peut apporter la formation continue à la formation initiale, au prof ?

La pédagogie. Quand on est confronté à l’enseignement à des adultes, il faut un grand travail sur soi. On n’enseigne plus de la même façon, on a pas les mêmes exigences. Or 37 ans après la loi de 1971 on a très peu de services d’enseignement partagés entre formation initiale et continue. On pensait que les Greta allaient accélérer les choses on s’est trompé.

Qui serait le plus à même de diriger cet effort ?

A coup sûr ce sont les régions. Même si elles même reproduisent souvent les fractures de l’éducation nationale dans leur fonctionnement.


entretien par F Jarraud

Coupe Fil

Victime de son succès sans doute, la conférence est ce matin inaccessible, du moins si on souhaite échapper à une attente d’une heure dans le froid matinal. Réfugiée dans un café, pariant sur une fluidité des entrées ultérieure, je me fais ma conférence sur l’éducation et la formation tout au long de la vie, devant un expresso, bien sûr !

Quand François Jarraud a diffusé la nouvelle de ce forum parmi l’équipe de rédacteurs, je me suis immédiatement portée volontaire. Bien que ce soit les vacances, que je mérite bien, je vous assure, un peu de farniente, le thème m’a attirée vers la capitale, loin des grasses matinées.

Sans doute parce que dans les établissements d’enseignement agricole publics, ma chapelle, les publics adultes, scolaires apprentis se côtoient, l’éducation et la formation tout au long de la vie me semble une réalité qu’il faut essaimer, souligner, valoriser. Et puis, l’idée que l’on apprend tout le temps à tout âge, que les fondements acquis lors de la formation scolaire s’enrichissent à l’âge adulte, par nécessité, (il faut bien s’adapter aux contraintes nouvelles, aux environnements nouveaux) ou par goût, me ravit.

L’éducation et la formation tout au long de la vie touche tout un tas de thématiques. Comment apprend-on ? Qu’apprend-on ? Qu’a-t-on besoin de savoir pour apprendre ? Ces trois questions concernent tous les âges d’apprendre, toutes les formes d’éducation et de formation. A l’école, on s’attache d’abord au savoir formel. On évalue ce qui a été compris par les élèves à partir de ce que l’on a enseigné. Mais tout ce qu’il y a à côté ? Toutes ces choses que les élèves savent sans passer par le prof, qu’ils acquièrent dans leurs activités extra scolaires, avec leurs parents, dans des associations sportives et culturelles, avec leurs copains ou seuls devant l’ordinateur ou même la console de jeux. Comment prendre en compte ces savoirs, ces talents, ces apprentissages ? Peu importe leur nom puisqu’il s’agit de les reconnaître.

Pour les adultes, il existe la validation des acquis de l’expérience. A partir de l description d’expériences de la vie professionnelle, sociale ou personnelle, un jury établit la maîtrise ou nom des compétences décrites dans le référentiel professionnel du diplôme considéré. Des pratiques pédagogiques s’appuient aussi sur des portfolios recueillant les preuves et retraçant les habiletés, les expériences mises en œuvre par l’apprenant. Ces portfolios sont aussi utilisés en formation scolaire, par exemple pour le B2i, comme dans les pratiques mises en place par Bruno Devauchelle et le Cepec.

La prise en compte des savoirs informels dans un cursus scolaire nécessite un lien avec les contenus didactiques. Or, en dehors de l’école, on réfléchit, on agit rarement dans le cadre stricte d’une discipline ou une matière. On voit poindre la nécessité de travailler en équipe, de développer une approche pluridisciplinaire, des passerelles entre les contenus pour amoindrir les cloisons. Plus facile à dire qu’à faire pour l’enseignant, ce changement de posture mérite mieux que des injonctions, mais un véritable accompagnement au niveau de l’établissement et de l’institution en général.

Qu’apprendre pour pouvoir apprendre tout au long de la vie ? Que doit on enseigner, comment doit on enseigner pour former de futurs citoyens aptes à s’adapter, à se mouvoir facilement dans les contours flous de la société du savoir ? Si l’on admet maintenant qu’un adulte ne fera pas le même métier toute sa vie, changera d’entreprise, de région, en quoi l’école peut l’armer, l’aider à réussir dans un monde plein d’incertitudes ? Ces questions percutent là aussi le métier d’enseignant, le rôle de l’école.

Après deux expressos, devant cette multitude de questions posées sur l’écran de mon ordinateur, le temps est venu d’assister aux conférences, ne serait ce que pour vous apporter quelques éléments de réponses.

Car, avec toutes ces pistes dessinant une carte de l’éducation de demain, celle adaptée aux réalités de notre monde ouvert et perturbé, le Café Pédagogique prouve une fois encore toute son utilité : celle d’aller à la rencontre des penseurs et des praticiens de l’éducation pour avec vous mieux comprendre et constater.

« L’encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr ».

Adama OUANE


Pour Adama OUANE, directeur de l’Institut de l’Unesco pour les apprentissages tout au long de la vie, « apprendre tout au long de la vie devient une nécessité » quelque soit le lieu où l’on vit. Or, malgré une véritable expansion de l’éducation, y compris dans les pays émergents, il subsiste de fortes inégalités générant des exclusions de la société du savoir.

« L’encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr ». Pourtant, l’alphabétisation n’est pas encore universelle, et rend hypothétique l’acquisition par tous d’un véritable socle commun favorisant un accès à la société du savoir. Doit-on pour autant considérer l’éducation et la formation tout au long de la vie comme une utopie pour les pays émergents, ou les publics illettrés des sociétés occidentales, comme un concept éloigné des préoccupations triviales d’un monde en temps de crise ? Non répond fermement Adama Ouane, car écarter une partie de la population mondiale de la portée de ce concept, c’est lui interdire l’accès à la société du savoir, donc aux qualifications et métiers de demain.

Alors, comment se focaliser sur l’éducation tout au long de la vie pour les pays pauvres où les savoirs de base ne sont pas dispensés ou encore pour des populations dont l’échec scolaire empêche toute insertion ? Pour Adama Oaune, ce sont des politiques à la fois sociales et économiques qui incitent à améliorer les qualifications et l’accès aux formations. Il cite l’exemple de la Finlande, du Japon, de la Corée ou de la Suède. A Séoul, tous les ans a lieu le festival des apprentissages. Progressivement, toute la population participe à cette célébration du savoir. Toute la population car il faut également promouvoir l’éducation et la formation pour tous quelque soit l’âge, le genre ou les besoins spécifiques.

Alors que la majorité des apprentissages se fait par l’informel, les politiques et systèmes reconnaissent principalement les apprentissages formels, cette reconnaissance des apprentissages informels constitue un autre axe de progrès. La réponse aux besoins et aux demandes éducatives peut se faire par différents vecteurs, institutions comme modalités : familles, école, entreprise, livre, technologies, les moyens pour apprendre sont nombreux. Bref, les pistes de développement et de réflexion sont nombreuses.

Et pour Adama Ouane, le forum mondial de l’éducation et de la formation tout au long de la vie constitue le lieu opportun au moment opportun, pour échanger, réfléchir ensemble à la mise en musique au niveau local d’un concept devenu nécessité mondiale.

Séance d’ouverture : l’éducation une valeur sûre

Avec des parrains internationaux et français mobilisés, 350 personnes présentes pour la soirée d’ouverture et 1200 attendues demain pour la journée de conférences, le premier forum mondial de l’éducation et de la formation tout au long de la vie s’annonce comme un évènement mobilisateur.

Maire Laure Meyer

  Marie-Laure Meyer

Le contexte, rappelé par les différents intervenants, et en premier lieu par Marie-Laure Meyer, élue de la région Ile de France et représentant Jean-Paul Huchon, ne suffirait à lui seul pour expliquer ce signe d’intérêt. Certes, face à la crise financière qui s’étend et à la crise sociale que l’on redoute, l’éducation apparaît comme une valeur sure qu’il faut préserver et développer.

Michèle Gendreau-Massaloux, conseillère d’état en charge de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, plaçait quant à elle la formation comme le levier possible d’une réponse structurante à la crise. Et puis, en écho aux trésors enfouis dans l'éducation que Jacques Delors dénichait dans son rapport il y a douze ans, elle souligne : «  l’éducation a des effets concrets, y compris sur le produit intérieur brut ».

Roger Belot, président de la MAIF, autre parrain de la manifestation, le rappelait simplement « vivre c’est apprendre ». Et c’est sans nul doute dans ce processus que les barrières de l’âge ne sauraient interrompre, qu’il faut rechercher la cause d’un intérêt pour le thème de l’éducation et la formation tout au long de la vie.

Au fil des rapports, des constats et des succès rencontrés par d’autres systèmes éducatifs, l’évidence s’impose : l’éducation initiale et la formation continue composent une continuité et doivent être stimulées comme telles par les politiques. La nécessité d’adapter en permanence ses compétences aux nouvelles technologies, aux nouveaux environnements, de changer de métier parce que de nouveaux apparaissent tandis que d’autres n’ont plus cours rend crucial un apprentissage tout au long de la vie.

En France, c’est souvent l’échelon régional qui embrasse le mieux cette vision globale. En Ile de France, le schéma de l’éducation et de la formation tout au long de la vie vise à réduire l’insécurité professionnelle quel que soit le public : scolaires, apprentis, salariés ou demandeurs d’emploi. L’acquisition d’une qualification est perçue comme un moyen de se construire aussi comme citoyen responsable. Il s’agit alors de lutter à la fois contre le décrochage scolaire et contre l’exclusion du marché de travail en veillant à ce que chacun puisse accéder à une qualification quitte à établir des passerelles entre les différents dispositifs d’éducation et de formation et à gommer les frontières entre les différents lieux de formation.

A travers le prisme de l’Union Méditerranéenne, Michèle Gendreau-Massaloux a rappelé la nécessité d’un socle commun pour les pays européens dont la population vieillit comme pour les pays du sud à la démographie galopante. L’éducation et la formation tout au long de la vie pourrait alors être un véritable enjeu de la solidarité internationale pour garantir à tous un développement des compétences en lien avec les besoins futurs de notre société, de nos sociétés. « Apprendre ensemble », construire ensemble, et « que le monde politique soit un monde d’apprentissage tout au long de la vie. » a-t-elle conclu.

Et cette belle conclusion, nous aimerions la reprendre en chœur, si un pincement ne venait réveiller notre raison. Les slogans du 19 octobre nous reviennent comme un refrain et avec eux, toutes les inquiétudes du monde éducatif français sur le devenir des élèves en difficulté pour qui accéder à l’éducation et à la formation tout au long de la vie risque de devenir une bien lointaine utopie.

Ouverture du forum

Le premier forum de l'éducation et de la formation tout au long de la vie s’ouvrira ce soir, mardi 28 octobre, dans les locaux du Conseil Régional d'Ile de France. Les conférences débuteront demain avec un programme aussi copieux que prometteur.


Parmi les intervenants, Koïchiro MATSUURA, Directeur général de l’Unesco, Jacques ATTALI, Edgar MORIN, Jean-Paul HUCHON, Abdul Waheed KHAN, Sous-directeur général de l’Unesco pour la communication et l’information, Nicholas BURNETT, Sous Directeur général de l’Unesco pour l’éducation ou Barbara ISCHINGER, Directrice de l’éducation de l’OCDE, contribueront aux réflexions et aux débats.

“ Le concept d’éducation tout au long de la vie apparaît comme l’une des clés d’entrée dans le XXIème siècle ” affirmait déjà Jacques Delors en 1996. Le forum visitera le concept à travers systèmes éducatifs et innovations pédagogiques qui favorisent son émergence.


le site du forum