Les référents RAR : positionnement et formation 

Par Françoise Solliec

Dans l’académie de Créteil, l’accompagnement des nouveaux enseignants, dont beaucoup viennent d’ailleurs, est une tradition bien établie. Depuis l’an dernier, un accompagnement spécifique, formation et animation, s’adresse aux 84 professeurs référents des 21 réseaux ambition réussite pour les aider à clarifier leurs missions et travailler leur positionnement dans le réseau et l’établissement.

Un positionnement complexe mais une intégration pas si mal réussie.
L’an dernier, le recrutement des référents n’a pas été sans poser problèmes. Entre les prises de position de certains établissements de Seine-Saint-Denis et le manque de candidats expérimentés, c’est seulement au cours du premier trimestre 2006-2007 que les postes ont été pourvus, avec une proportion importante de néo-titulaires ou de titulaires remplaçants et de professeurs des écoles. Cette année, il n’y a eu que 20 remplacements à effectuer, ce dont se réjouissent les cadres académiques, habitués à un taux important de rotation dans les équipes éducatives, notamment celles du 93, département dans lequel se situent 16 des 21 collèges ambition réussite. La fonction de professeur référent semble mieux perçue et le recrutement des nouveaux a été beaucoup plus aisé : il y a eu à cette rentrée un peu plus de candidats que de postes à pourvoir. Dans l’ensemble, les référents sont relativement jeunes (3 à 10 ans d’expérience) et prêts à expérimenter. Les professeurs des écoles en représentent un peu plus du quart, mais ce sont incontestablement eux qui, confrontés « au choc des cultures » 1er et 2nd degrés et à un changement de statut, connaissent le plus de difficultés à l’arrivée.


Le 18 octobre 2006, une rencontre nationale des professeurs référents organisée par l’observatoire des zones prioritaires, l’OZP, montrait des situations assez contrastées quant aux conditions de recrutement et d’accueil des professeurs référents et donnait lieu à de nombreux échanges sur le travail et les missions, la continuité école-collège et les relations avec les assistants pédagogiques.

Faire le point, une étape nécessaire
A Créteil, deux réunions bilan, très riches, ont permis en mai dernier de tirer les leçons de la première année de fonctionnement, au cours de laquelle les professeurs référents avaient été accompagnés tant par l’inspection que par des formateurs.


Dans la première réunion, organisée en interne, Martin Dufour, IPR, correspondant académique éducation prioritaire, notait une évolution positive de la perception des professeurs référents. « La bonne entente entre les référents, le développement de relations d’entraide, la circulation d’informations et d’outils entre eux, y compris dans les situations où la relance de l’éducation prioritaire est mal perçue, voire ostensiblement refusée par des collègues, a dans tous les réseaux favorisé l’avancement du travail… Les assistants pédagogiques apparaissent un levier privilégié de l’adhésion des collègues. Là où la relation de confiance a pu se créer entre professeurs référents et assistants pédagogiques, les progrès des élèves suivis constituent un bon moyen de faire intégrer le dispositif auprès de l’ensemble des collègues », même là où l’accueil a été carrément glacial « goudron et plumes, le mot a été lâché… ».


« La stratégie des « petits pas » s’est avérée payante en de nombreux RAR où la reconnaissance du rôle des professeurs référents et des assistants pédagogiques a progressé au cours de l’année. Là où de grandes difficultés existaient au moment de la mise en oeuvre à la rentrée, l’appui ferme et volontariste de l’équipe de direction, parfois élargie au binôme Principal-IEN conforté par l’IA-IPR, a également porté ses fruits pour une meilleure acceptation des missions des professeurs référents et des assistants pédagogiques. Cependant, pour un petit nombre de RAR, le rejet de l’EP1 continue et les conditions de travail des professeurs référents demeurent fort difficiles ».


Il a pourtant fallu que les professeurs référents se fabriquent une identité. Privés pour au moins la moitié de leur temps de l’exercice traditionnel du métier dans la classe, il leur a fallu surmonter des difficultés récurrentes, énoncées par Martin Dufour dans la deuxième réunion, celle du bilan académique :

« La légitimité des référents du 1er degré à intervenir en collège : que viennent donc faire en collège des professeurs des écoles ? Est acceptée, reconnue, l’intervention auprès d’élèves en grande difficulté et dans des dispositifs de remédiation.
Chez les référents du 2nd degré, la difficulté à être perçu, connu et reconnu en dehors de sa discipline… Tout se passe comme si l’enseignant référent de maths par exemple était une ressource supplémentaire pour les seules équipes de mathématiques – et non un apport à l’enseignement de toutes les disciplines scientifiques, voire des différentes équipes pédagogiques du réseau.
Entre référents, la rencontre des cultures ne va pas de soi : entre 1er et 2nd degré, la collaboration passe par une nécessaire explicitation des mots, des démarches et des pratiques.
Les référents RAR sont venus se surajouter au coordonnateur REP, devenu «  secrétaire du comité exécutif ». Certaines missions confiées aux référents recoupent / redoublent les tâches traditionnellement imparties aux coordonnateurs (liaison avec le 1er degré, partenariats locaux…). Ajustements et clarifications sont indispensables ».


Dans cette même réunion, Anne Armand, IGEN, présentait le bilan du suivi par l’IG des 249 réseaux ambition réussite à l’échelle nationale, en commençant par trois points positifs, le travail en commun des personnels d’encadrement, IPR, IEN et principaux, une plus grande réalité de la liaison école-collège et une meilleure prise en compte de la dimension enseigner en milieu scolaire difficile dans les programmes de formation initiale et continue. Le bilan de l’IG fait cependant apparaître quatre points négatifs qui interpellent directement le système au niveau de ses pratiques pédagogiques.


Tout d’abord le rôle des assistants pédagogiques n’est pas assez cadré, ils « ont été chargés de tâches très variées, allant du « tout » au « rien ». Du côté du « tout », prendre en charge les élèves les plus en difficulté, comme si le propre du métier d’enseignant, et ce qu’il a de plus exigeant, pouvait être confié à des personnes non formées. Du côté du « rien », surveiller une étude, faire faire un exercice sans savoir pourquoi il a été donné, à quel cours il répond, dans quel programme de classe il s’inscrit, en dehors de toute réflexion didactique (« je leur fais apprendre leurs conjugaisons », nous a confié un assistant pédagogique ; un autre faisait devant nous travailler la vitesse de lecture sans aucune formation sur l’apprentissage de la lecture …) ». Par ailleurs le risque est grand de voir dans certains établissements les enseignants « externaliser » le traitement des élèves en difficulté auprès des professeurs référents et des assistants pédagogiques.


Le deuxième constat négatif est celui « d’une quasi absence d’expérimentation. Des expérimentations sur la composition des classes, sur les horaires des élèves, sur les programmes, sur les modalités d’intervention des enseignants et leurs horaires …étaient attendues. Très peu ont été recensées … Peut-être faut-il plus d’incitation nationale autour de l’article 34 donnant droit à l’expérimentation ».

Noté comme un troisième point négatif, le contrat : « Il n’y a pas eu de réels changements dans la rédaction des projets et des contrats depuis la mise en place des réseaux ambition réussite … Surtout, les contrats sont encore très axés sur le périphérique, comme si l’aide et la remédiation étaient naturellement inscrites à l’extérieur du cours et de la classe ».
Enfin, contrairement à l’implication des IEN, celle des IPR dans le suivi des réseaux ambition réussite est très variable d’une académie à l’autre. A Créteil, les IPR ont été dans l’ensemble très présents (5 à 6 visites en moyenne) et ont pu dénouer maintes difficultés aussi bien dans le positionnement des référents que dans le traitement pédagogique des élèves.

En conclusion, l’inspection générale recommande « un effort accru en formation pédagogique » 
« Les enseignants ont besoin de conduire une réflexion pédagogique à partir de leur expérience quotidienne. C’est pourquoi on devrait favoriser des moments d’observation, que l’on ferait suivre de temps d’échanges animés par un formateur. Ce formateur n’est pas « celui qui sait », ni « celui qui dit », mais celui qui permet le dialogue, le questionnement sur les pratiques de chacun, l’émergence de conclusions ». Quelques situations paraissent particulièrement propices à une telle réflexion, notamment pour les professeurs de 6ème la visite des élèves de CM2 dans leur classe en fin d’année « Qu’est-ce qui se joue donc à l’entrée au collège, pour que les enseignants puissent avoir l’impression que les entrants en sixième ont tout à apprendre des attitudes sociales et scolaires ? » ou la visite de « ses » élèves dans la classe d’un collègue « pourquoi tel élève a-t-il dans ce cours cette attitude ? pourquoi réussit-il, pourquoi est-il en difficulté dans ce cours et pas dans le mien ? »


Pour l’année 2007-2008, les référents RAR de l’académie de Créteil suivent une formation obligatoire qui se déroule en discontinu sur 5 demi-journées. Prenant en compte l’expérience de l’année dernière, les axes en ont été définis pour apporter des éléments de réponse aux préoccupations des référents. Elle a démarré fin septembre par une matinée commune à tous, au cours de laquelle une conférence de Maryse Hesterle Edibel, maître de conférences à l’IUFM Nord-Pas de Calais, sensibilisait les participants à la problématique du décrochage scolaire : prévention et repérage à partir des notions de « métier d’élève » et de « rapport au savoir », analyse des processus de décrochage, solutions mises en place par l’institution (changer de regard, maintenir le lien) et démarches alternatives supposant une mobilisation collective de tous les acteurs impliqués. L’après-midi débutait le travail en ateliers qui se poursuivra sur les autres journées. Les nouveaux référents suivent un atelier d’analyse de pratiques où l’on aborde également les missions et le positionnement. Les autres se répartissent entre PPRE et accompagnement des élèves en difficulté, conduite de projet en partenariat, travail en équipe et co-intervention et relations avec les assistants pédagogiques. Dans ce dernier atelier, une journée commune est organisée avec les assistants pédagogiques pour aborder la question de leur positionnement. Les différents modules sont inscrits au PAF au chapitre formation de formateurs, car il s’agit de bien ici de personnes ressources qui constitueront certainement un vivier important d’experts tant pour la formation et l’accompagnement d’autres enseignants que pour le recrutement de personnels d’encadrement. Dans la mesure des places et de leur temps disponibles, les professeurs référents ont accès à d’autres stages du PAF, notamment ceux des chapitres transversaux.


Rôles de chacun : à travailler pour arriver à comprendre ce qui différencie les spécificités des métiers…
Maintenant que la phase initiale de mise en place est pratiquement achevée et qu’il n’est plus nécessaire de travailler autant dans l’urgence, les questions proprement pédagogiques vont se poser avec plus d’acuité. Comment évaluer les progrès des élèves suivis ? Quel rôle jouent les PPRE ? La co-intervention apporte-t-elle ce qu’on en attend ? Mais d’autres questions vont également se poser, comme par exemple de savoir si la répartition des moyens supplémentaires correspond bien à un projet mûrement réfléchi ou encore de définir qui assure dans le RAR la nécessaire coordination : l’IEN, le coordonnateur ZEP, le principal du collège ? Par ailleurs des évolutions sont à attendre au niveau des missions des professeurs référents telles la prise en charge par d’autres de la formation initiale différée des néotitulaires. Enfin on peut se demander quel impact auront sur les réseaux ambition réussite les actions multiples des collectivités envers les élèves en difficulté.


Même si les réseaux ambition réussite et l’éducation prioritaire en général ne semblent plus être une priorité ministérielle, l’inspection générale continue à suivre ce chantier de très près. Dans un entretien accordé aux Cahiers pédagogiques, Anne Armand revenait d’ailleurs sur « des réussites trop mal connues » mises en lumière dans un rapport de l’IGEN de 2006 et précisait les modes d’intervention futurs auprès des RAR, « cette année, un groupe d’inspecteurs généraux se constitue dans la logique d’un groupe ressource pour animer et accompagner la réflexion des corps d’inspection territoriaux, premier et second degré. La liaison nécessaire entre les cycles et entre les disciplines, que nous préconisons sur le terrain, nous la mettons en œuvre au sein de l’inspection. Nous allons travailler en collaboration avec les chercheurs et les formateurs, en « formation de formateurs ». En un mot, nous ne refermons pas le dossier pour passer à une autre question ; nous sommes convaincus de la priorité absolue que représente pour l’ensemble du système scolaire français le champ de l’éducation prioritaire ».



http://ww2.ac-creteil.fr/zeprep/rar.htmlhttp://ww2.ac-creteil.fr/zeprep/bilan_rar_07.pdfhttp://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3372http://www.association-ozp.net/article.php3?id_article=3202




Par ppicard3 , le samedi 01 décembre 2007.

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