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Le blog du Forum des Enseignants Innovants et de l'Innovation Educative 2009
A bientôt, à tout de suite

Roubaix + 6. Le forum c’était hier, mais la tête est encore pleine des enthousiasmes partagés et des panneaux colorés par l’ingéniosité pédagogique.

La vie continue et les échanges aussi. Des traces du forum, nous en trouvons de ci de là, sur Facebook, sur twitter, sur les sites des associations organisatrices. A chaque fois, un refrain commun, partageons, partageons encore, continuons la découverte des projets qui en deux jours n’ont pu totalement s’exposer, dont nous n’avons qu’effleuré la richesse.

Et les ateliers, ces fameux ateliers où les participants ont par groupe illustré « Donner à voir une Ecole qui n’est pas immobile, qui cherche à progresser », s’expriment encore sur le net , ou encore ici, entre autres.

Alors, utilisons à plein les Tice pour ne pas fermer tout à fait les portes de Roubaix. Une liste de discussion forum09@listes.cafepedagogique.org a été ouverte. Pour s’abonner, il suffit d’envoyer un message à sympa@listes.cafepedagogique.org avec  pour objet « sub forum09 ».  Le groupe « forum des enseignants innovants » sur Facebook grandit de jour en jour. Des photos et des vidéos sont déjà en ligne. Sur Twitter, les liens fleurissent.

A bientôt, à tout de suite.

Vous avez le bonjour d'Alcide

Alcide Longuepige a quitté son village d’ANVIE La Corbelline pour venir à la rencontre des enseignants innovants. Plus d’un siècle de voyage depuis le monde virtuel, c’est long mais Alcide n’en est pas à une prouesse près pour combler les lecteurs de sa « feuille de chou ». Oui, monsieur Longuepige est un confrère et il est peu avare de scoops. Qui a annoncé le premier la grossesse de Henriette ? Qui a su que le chien avait mordu Gaston ? Paris Match ? Le Monde ? France 3 Normandie ? Mais non ! C’est la « feuille de chou » d’Alcide. Et puis, tous ces organes de presse n’existaient pas en 1866, l’époque de La Corbelline.

Depuis Anvie (Apprendre sur le Net avec les Villages Interactifs Educatifs), village de 241 âmes (dont Manon, la fille de Henriette), Alcide et une vingtaine de personnages correspondent avec des classes, principalement du primaire. Les sujets ne manquent pas pour raconter, comparer la vie à deux époques éloignées. Un élève d’un village des Landes touché par la dernière tempête constate auprès de son correspondant la difficulté de vivre sans électricité. Il lui demande comment il fait pour laver son linge, faire sa toilette quand l’eau vient à manquer.

Dans la correspondance, la première compétence mobilisée est liée à la communication écrite mais de nombreuses autres sont sollicitées, dans tous les domaines étudiés à l’école, selon les questions traitées. Le jeu de rôle s’il est intégré dans les pratiques pédagogiques permet d’aborder différemment les apprentissages. A chaque classe de construire autour de ses échanges avec Anvie la Corbelline son propre projet. Les enseignants disposent sur le site Internet d’un certain nombre d’éléments, y compris historiques, pour les aider. Un abonnement d’un euro par élève et de cinq euros par enseignant est demandé pour symboliser l’engagement.

Le village est né en 1998, reprenant l’idée des villages Prologue nés au Québec, avec le soutien de la direction de la technologie du Ministère de l’Education Nationale. Ses habitants ne quittent jamais l’année 1866. Vers le mois de mai, un phénomène étrange efface la mémoire immédiate des villageois et, imperturbablement, en septembre, la vie reprend début 1866. Derrière chaque habitant se cache un bénévole qui choisit son personnage en fonction de ses envies. Telle petite fille est en fait un inspecteur à la retraite, et Alcide Longuepige s’appelle Thierry Lacheray dans la vie réelle. C’est lui qui veille à la cohérence des correspondances, au respect du canevas, du cadre. Autour, chacun brode en fonction des questions ou des réflexions des enfants. Les relations se nouent tout au fil de l’année, une certaine complicité se développe. Il arrive même que les élèves demandent à rencontrer leurs correspondants. Avertis dès le début de l’année de la virtualité du village, ils ne sont pas trop surpris de retrouver en face d’eux des contemporains. Un participant de la première heure a même demandé à animer un personnage, le même que celui avec qui il correspondait jadis. Car un même personnage peut vivre sous la plume et le clavier de plusieurs personnes. Pour Thierry Lacheray, le rôle des animateurs est celui de montreurs de marionnettes.

La généralisation des accès à Internet a permis d’impliquer les familles dans le projet. La feuille de chou est diffusée dans les boîtes aux lettres électroniques, les échanges se font par courriel. Les parents peuvent ainsi consulter les informations et suivre les évènements qui se déroulent à Anvie. Le projet a fait l’objet d’une recherche universitaire menée par Thierry Piot de l’Université de Caen.

Victime d’une amnésie, Alcide, résident de l’année 1866, taira surement son passage éclair au forum des enseignants innovants 2009. Mais les enseignants innovants qui l’ont rencontré ne sont pas près d’oublier un si imaginatif projet et son éloquent animateur.

Monique Royer

Voyages, voyages

 

Sans doute plus présente que l’an dernier, la notion d’ouverture internationale était au cœur de différents projets et nous aurons l’occasion de revenir sur certains d’entre eux, notamment sur le projet primé de Laurence Russo, Voyages en terre lointaine.

 

 

 

Au hasard des rencontres devant les posters, j’ai croisé Thérèse Savino qui a décidé d’emmener ses 24 élèves de CM1 de la ville de Guise en Picardie passer une journée à Canterbury. Un projet somme toute banal, quels qu’en soient la préparation et l’impact pour ces élèves de milieu rural, qui ont sans doute vécu là l’une des grandes journées de leur vie, mais qui a la particularité d’avoir également mobilisé 12 élèves du CAP petite enfance du lycée voisin, qui ont eu pour mission d’accompagner et d’encadrer les jeunes voyageurs. Le trajet en autocar, puis en bateau, la découverte de la ville au travers d’un jeu de questions réponses ont alors pris une dimension toute autre, née non seulement de la découverte d’un milieu étranger et de l’intérêt d’en pratiquer la langue, mais aussi d’une relation originale qui a permis aux élèves de CAP d’exercer leurs compétences dans une mise en situation professionnelle.

 

A la suite d’une rencontre avec une collègue italienne, Séverine Talmetier s’est lancée dans l’aventure Comenius. Le projet, qui a démarré cette année, est de faire travailler de manière croisée près de 900 élèves de 6 à 12 ans dans 5 pays différents (France, Italie, Royaume Uni, Finlande et Norvège). Grâce à des échanges TICE ou papier, les élèves apprennent à se découvrir, dans leurs environnements respectifs, à écouter et comprendre des communications en anglais et à se familiariser avec divfférents aspects de l’Europe (culture, traditions, modes de vie, système éducatif, histoire, géographie). De nombreux partenaires ont été impliqués au niveau local et le soutien de l’inspection académique a permis à l’école de bénéficier d’un des 2 000 équipements de viso-conférences.

 

De manière très différente, c’est à un voyage virtuel en Indonésie que Jean-François Tavernier, professeur d’histoire-géographie dans un collège d’Alsace, invite ses élèves de 5ème dans le cadre du chapitre de géographie sur l'Asie. Ceux-ci doivent alors se transformer en touristes et réaliseer au travers d’un parcours mi-libre, mi-imposé, une "étude de cas". Différents modes sont utilisés pour trouver les ressources nécessaires : Tableau blanc interactif, sites web, recherches documentaires, etc. Devant le succès rencontrée par cette formule auprès des élèves, en termes de travail et de motivation, le voyage devrait connaitre bientôt d’autres prolongements disciplinaires, notmment avec l’écriture sur blog et la tenue de « carnet de route ».

 

 

Françoise Solliec

Une école qui progresse ... fois 13
 

 

Si les participants aux ateliers se sont mis au travail avec une bonne heure de retard, due à l’excellence du déjeuner gastronomique auquel ils étaient conviés au lycée Lavoisier, ils ont quand même tous satisfait à l’exercice imposé et ont réussi à produire treize documents multimedia sur le thème donner à voir une école qui n’est pas immobile, une école qui progresse.

 

Avec des chaussures ou des roues, en noir ou en couleurs, raide ou souriante, on découvre au travers de ces productions une école qui réussit à propulser ses élèves vers le soleil de l’humanité ou dans le vaste ciel étoilé. Sur fond de musique classique ou de slam, sur la corde raide en ou le long d’un fleuve plus ou moins tranquille, au travers des projets présentés dans les posters, l’école progresse, décolle … ou court jusqu’en 20047 pour enfin se débarrasser des préjugés auxquels on l’associe.

 

En procédant par essais et erreurs pour jouer avec les concepts philosophiques, en fabriquant un mobile pour symboliser l’équilibre et porter les feuilles de l’innovation, en jouant avec les mots et les lettres qui évoquent les transformations incessantes de l’école, en semant enfin la graine d’arbor novo, dont les racines font éclater le terrain souvent miné des certitudes et de la routine, et qui mérite bien d’être porté en pleine lumière, surtout lorsque mûrit son fruit, l’élèvacteur, les enseignants invités au forum ont, avec humour et justesse, largement prouvé leurs capacités de créativité et l’intérêt qu’ils portent à la réussite de l’école et de leurs élèves.

 

Et si vous restez sur votre faim pour savoir à quoi ces productions peuvent bien ressembler, un peu de patience, elles seront bientôt accessibles sur un site ou sur un autre.

 

Françoise Solliec

 

Le sport différencié

De loin, le panneau de Damien Lebègue et ses à côtés ressemblent à un joli bazar, une version pédagogique de la maison du facteur Cheval. Un mur d’escalade est projeté sur le panneau avec à côté la démarche pédagogique dessinée à la main sous forme de cercle. Un gilet « pour non voyant » est installé sur une chaise. Des game boy sont posées sur une autre. Damien Lebègue, volubile, ordonne tous ces éléments par des explications qui fascinent les visiteurs.

Damien est enseignant d’EPS du côté de Reims. Il n’envisage pas que des élèves puissent subir la double punition d’un handicap et d’une dispense de cours qui en découle. Il imagine alors des ateliers auxquels tout le monde pourrait participer pour peu qu’ils leur soient adaptés. Par exemple, sur le mur d’escalade, sont disposés des repères qui lorsqu’on les touche avec un gant interactif distillent des sons. Un élève en fauteuil roulant peut aussi participer, car il s’agit tout autant de force et d’agilité que de raisonnement pour trouver des prises. Damien a pris soin d’en placer quelques unes à hauteur de cet élève, il peut ainsi à l’aide de ses bras et de ses réflexions participer sans être pénalisé par son handicap. Mais pour pouvoir garantir la sécurité des élèves, Damien doit garder toute son attention. Il mise alors sur une organisation de ses cours en ateliers avec pour consigne donnée aux élèves de rechercher par eux-mêmes des réponses à leurs questions avant de venir échanger avec lui. Chacun progresse à son rythme, réalisant des activités adaptées à ses capacités du moment.

Côté didactique, les élèves, qui travaillent par groupe, ont à disposition des fiches techniques, des schémas et des consignes, transposées sous forme d’animation sur de vieilles game boy qu’ils ont ressorti de leurs placards pour les donner à leur enseignant. Ils peuvent se filmer en train de réaliser leur activité et comparer ainsi leur prestation à celle indiquée par les animations. Pendant le cours d’EPS, tout le matériel informatique et numérique est mis à disposition des groupes. L’entraide, l’autonomie, le travail de groupe sont fortement sollicités et en utilisant au maximum les possibilités offertes par les nouvelles technologies, Damien favorise un renforcement de la motivation. Il veille toutefois à conserver un équilibre entre la motivation liée à l’utilisation de ces outils et la motivation intrinsèque à l’activité.

D’ailleurs, les technologies sont venues progressivement. Au départ, les fiches étaient sur papier, leur gestion et leur amélioration étaient plus difficiles. Elles s’imposent progressivement pour enrichir la pédagogie différenciée que Damien a pris le soin de réfléchir d’abord, posément.

En quittant le stand de Damien, on comprend mieux toute l’importance d’une discipline comme l’EPS dans l’école. Et la recette qu’il propose, mêlant didactique, pédagogie et créativité, fait le pont entre innovation et inclusion.

Monique Royer

Echec et maths

Michel Lacage organise des tournois de mathématiques pour des classes de CM1, CM2 et 6e dans le quartier de la Mosson à Montpellier. 547 élèves se sont déjà confrontés lors de rencontres qui ont lieu trois fois dans l’année. Six problèmes sont répartis dans chaque classe. Les groupes ont pour consigne de résoudre collectivement le problème et d’expliquer la démarche, car c’est elle qui compte bien plus que le résultat.

Ici les mathématiques constituent une façon d’entrer dans des apprentissages liées à la communication et aux langues pour des élèves qui ne maitrisent pas tous les bases de la langue française. Michel intervient dans le cadre d’un réseau ambition réussite, dans un quartier où la population gitane est importante. Inclure les langues dans le tournoi permet à des enfants issus de cette communauté de recourir à l’espagnol pour leurs démonstrations, utilisant là une compétence valorisante pour le groupe.  

Il s’agit donc d’un tournoi de maths et pas d’un tournoi exclusivement matheux où le jeu convoque de multiples savoirs, favorisant la socialisation et l’estime de soi. L’expérience existe depuis l’an passé et déjà, Michel constate des effets positifs. Les élèves osent affronter la difficulté et n’ont pas peur de se tromper puisque c’est la démonstration qui est le support principal des barèmes de réussite  et non la justesse du résultat. Lors des dernières évaluations de CM2, les élèves impliqués dans le projet ont rarement laissé des items sans réponse, essayant pour chacun quelque chose même s’ils n’avaient pas encore vu le thème en classe.

Michel souligne l’importance du réseau pour réussir un tel projet, lui donner une ampleur suffisante pour que le concours ait un sens. Associer plus d’enseignants du collège, provenant de disciplines autres que les mathématiques, pourrait lui donner une dimension encore plus importante et encourager les liens entre école et second degré.

Monique Royer

Construire et émanciper

 

En ouverture, Philippe Meirieu, président du forum, souligne tout l’intérêt qu’il y a à fédérer les énergies et à accroître l’impact des activités réciproques de ceux qui veulent valoriser l’innovation, témoin cette association entre le forum des enseignants innovants et le prix de l’innovation éducative, organisé par la ligue de l’enseignement. Il estime important « en ces temps de fausse réforme, voire de contre réforme » que les enseignants innovants réalisent que la réforme, ce sont eux qu la portent. Travailler l’invention au quotidien, lier en permanence les apprentissages des élèves et leur capacité à se construire et à s’émanciper, sont les deux axes selon lesquels se construit l’école démocratique. Car si Jules Ferry a bien rendu l’instruction obligatoire, avec tout un contexte marqué par une volonté forte d’encadrement, c’est sa collaboration paradoxale avec Ferdinand Buisson qui a potentiellement inscrit l’école française dans un processus de libre accès au savoir, tout droit hérité de la pédagogie protestante. Pourquoi, en effet, la qualité de l’enseignement devrait-elle être liée à la présence de médiateurs ayant seuls accès aux documents et au savoir ?

 

En plaçant l’école républicaine dans une double démarche, expérimentale et de recherche documentaire, c’est bien la construction et l’émancipation de l’élève que prône Ferdinand Buisson. L’élève formule des hypothèses, il a droit à l’erreur, il apprend à distinguer entre savoir et croire. Pour l’instituteur, exercer une démarche expérimentale, c’est se faire professeur de vérité et non seulement de savoir. Nous sommes les continuateurs de Ferdinand Buisson, affirme Philippe Meirieu et il n’est pas question de laisser kidnapper la conception de l’école de la république, mais bien de poursuivre un double objectif de construire et d’émanciper. L’innovation n’est pas un exostisme de pacotille, c’est le cœur de notre activité et la routine est à la marge.

 

 

Françoise Solliec

 

Roubaix, une ville où l’éducation innovante est une longue tradition
 

 

C’est à René Vandierendonck, maire de Roubaix et vice-président du conseil régional Nord Pas-de-Calais, qu’il revient de jouer le rôle de l’hôte. Il le fait avec d’autant plus de chaleur et de sincérité que dans cette ville multiculturelle métissée par des vagues d’immigration successives, l’éducation est une préoccupation de premier plan. Jean Lebas, qui fut longtemps maire de cette grande capitale du textile et ministre du travail du front populaire, a marqué fortement cette relation avec la place qu’il donna à l’école dans la cité. De même le choix de l’ENSAIT comme lieu d’accueil du forum répond bien au choix de l’annovation qu’a fait cette école. Alors que les emplois se ferment par milliers dans les industries textiles, son ouverture internationale et sa capacité de développement de recherche appliquée continuent à assurer de multiples débouchés à ses ingénieurs.

 

Roubaix comprend 100 000 habitants, dont une grande partie en situation de précarité (7 000 Rmistes). Les équipes enseignantes, hypermotivées, ont appris à prendre en compte cette situation et construisent des stratégies d’éducation territoriale qui leur permettent de répondre au souhait de la ville d’articuler l’humain et l’urbain. Ici, on ne demande pas à l’école d’être le substitut d’une société qui a besoin de consolidation, mais on lui reconnaît pleinement son rôle d’indispensable lieu de socialisation.

 

Si le partenariat avec l’éducation nationale est une des grandes priorités de la ville de Roubaix, c’est qu’il s’agit de donner aux enfants des repères le plus précocément possible et, inlassablement, de tenter de faire participer les parents aux conseils et à la vie de l’école. La présence du forum des enseignants innovants et de l’innovation éducative nous apparait comme un véritable encouragement, déclare le maire, et les participants au forum, séduits par son allocution, lui retournent bien volontiers ce sentiment.

 

Françoise Solliec

 

Le train de l'innovation

Le forum est fini. Dans le train stationné dans la gare de Lille, j’énumère mentalement les histoires à écrire, les portraits de projets jetés à la va vite sur mon bloc notes, les impressions laissées dans une poche de ma besace, et surtout les innovations que je n’ai pu visiter, faute de temps. La Rochelle, c’est loin, six heures de voyage, de train et d’attentes, mais mon périple ferroviaire ne pourra à lui seul rattraper les instants perdus. Alors, je reprends le roman entamé à l’aller pour retrouver doucement le cours des choses, poser à nouveau le pied dans la vie ordinaire.

Côtoyer durant deux jours des personnes dont la qualité première est le goût d’avancer, d’apprendre et de partager, est un véritable bain de jouvence, une plongée dans la belle humanité. Lundi, à nouveau reviendront le quotidien, les craintes sur l’an prochain et l’arrivée du Bac Pro en trois ans, les effets des restrictions budgétaires. Bref, l’heure est au blues sur le quai de Lille la festive. Et puis, le wagon s’anime. Deux enseignants du forum s’installent de l’autre côté de l’allée. Monique Argoualc’h passe et je l’interpelle. Un prof qui vient de la Martinique, nous prend en photo, mon appareil a perdu toute son énergie. Le forum continue dans la voiture 19…

 

Le projet de Monique fait partie de ceux que je n’ai pas eu le temps de visiter, le hasard des réservations va réparer l’oubli. Monique est encore dans la surprise d’avoir obtenu le grand prix, il ya trois heures à peine. Depuis, les interviews s’enchainent, les manifestations et SMS de félicitation arrivent. Elle rit, malicieuse, d’avoir été gentiment accompagnée par Luc Cédelle jusqu’à la gare pour l’aider à porter son prix, dont une Xbox ; cadeaux qui garnissent un volumineux carton. « Jusqu’à midi, j’étais déjà ravie, là je suis encore surprise ». Elle a apprécié durant le forum de ne plus être une extraterrestre, d’oublier les doutes et de rencontrer des regards bienveillants. L’atelier a été un temps fort, plein de fous rires et de créativité. Du grand prix, elle est encore toute étonnée, tant son projet ne lui paraît pas extraordinaire.

Monique anime une classe relais à Brest. Elle accueille par demi journées des collégiens repérés comme en grande difficulté dans l’institution et présentant des problèmes de comportement. 10 à 15 élèves de 6e, 5e et 4e sont inscrits dans sa classe où ils viennent par groupe de 4 à 5. Dans le Finistère, le choix a été fait de ne pas les retirer du collège complètement mais de miser sur un changement progressif pour augmenter les chances d’insertion. Ces élèves ont souvent une image dégradée d’eux-mêmes, ils se considèrent comme des nuls. « Ils ne sont pas capables de construire, donc ils détruisent » analyse Monique. C’est pourquoi, le travail sur l’estime de soi est primordial.

A l’occasion d’une rencontre avec un directeur de maison de retraite, son envie de développer un projet intergénérationnel commence à prendre une forme concrète en partant du constat que les jeunes et les « vieux » n’ont pas d’endroit pour se rencontrer dans la vie. Le lieu sera la maison de retraite et l’objet des ateliers Internet, outil que maîtrisent les jeunes. Le projet bénéficie d’un contexte favorable, celui de la ville de Brest qui lance fréquemment des appels à projets pour contribuer à la réduction de la fracture numérique. Retenu, et donc bénéficiant d’un financement, il peut s’appuyer sur l’association Infiini en tant qu’intervenants extérieurs.

 

Intergénér@tions est dans sa sixième année. 70 élèves ont déjà participé à l’animation des ateliers d’une heure dont bénéficient une à deux fois par semaine des groupes de quinze personnes âgées dépendantes. Un club de retraités a aussi demandé à se joindre à eux, et désormais ce sont trois publics qui se côtoient : les jeunes, les personnes âgées et les retraités. Avant de devenir animateurs, les élèves suivent une formation en deux étapes proposée par l’association Infini. Dans un premier temps, ils revisitent Internet pour acquérir les bases nécessaires afin d’expliquer le fonctionnement et les usages. Ensuite, ils reçoivent une formation de formateurs pour maîtriser les bases de la pédagogie adaptées au public des personnes âgées, et à leurs possibles difficultés d’apprentissage ou de maniement de la souris liées à la surdité ou à des problèmes moteur par exemple. Pendant les séances, Monique et une animatrice de la résidence sont présentes pour suppléer les élèves en cas de problèmes. Mais ce sont les jeunes qui animent, expliquent, jouent le rôle du formateur.

 

Les premières trente minutes de la séance sont consacrées à des activités d’apprentissage : correspondre avec le courrier électronique, découvrir des sites, allumer et éteindre l’ordinateur, etc. Les élèves ont rédigé un certain nombre de fiches techniques pour outiller les séances. Ensuite, jeunes et personnes âgées écrivent ensemble, en prenant soin de traduire leurs propos dans les deux langues pratiquées : le français normalisé des personnes âgées et le français « Sms » des jeunes. Car, ce sont de véritables échanges culturels qui se développent ente les deux générations, dont les langages et les références sont à priori éloignés. Une dame ancienne sténo dactylo retrouve dans le langage Sms des similitudes avec sa pratique professionnelle passée. Un monsieur demande à un jeune de l’aider à trouver les termes justes pour répondre à son petit fils dans un courrier électronique. Le travail de traduction se prolonge en classe et donne lieu à d’autres apprentissages.

 

 

Les échanges interrgénérationnels sont riches de qualités relationnelles. Ils ne se limitent pas aux temps des ateliers et se poursuivent par des envois de mail. Les personnes âgées s’approprient Internet même si pour eux « sans les ados, c’est moins intéressant ». Ils considèrent les jeunes comme de véritables formateurs, allant même jusqu’à les vouvoyer, une marque de respect qui va droit au cœur d’élèves ayant perdu toute estime de soi. Tout le monde est ravi et le bouche à oreille fonctionne jusque dans les collèges fréquentés par les jeunes. Un reportage vidéo a été réalisé sur leur expérience. Le réalisateur, également auteur compositeur a même écrit une chanson.

 

Monique est très heureuse d’avoir reçu autant de regards bienveillants et encourageants sur son projet. Heureuse pour elle et surtout pour ses élèves. Elle ne sait pas encore comment elle va leur annoncer la bonne nouvelle du prix, et de la récompense, cette volumineuse X Box qui deviendra surement un nouveau support d’échanges entre les générations. Elle est aussi contente pour tous ceux qui contribuent à la réussite de l’expérience à commencer par la ville de Brest et sa politique éducative et culturelle impulsée par son maire Francçois Cuillandre et l'élu en charge de l'expression multimédia Michel Briand. « Sans l’aide de la ville, j’aurais fait du bricolage et nous n’aurions pas bénéficié de telles formations ».

L’intervention du maire de Roubaix, René Vandierendonck, pour l’ouverture du forum avait ému l’assistance par la clarté des propos et la conviction dans le rôle de l’éducation pour surmonter les difficultés économiques et sociales. L’expérience brestoise désigne à nouveau les collectivités locales comme un soutien possible et efficace de l’innovation pédagogique, un ballon d’oxygène qui, s’il est au diapason des partenaires de l’éducation, fait naître et vivre les projets.

Et des projets, Monique en a plein d’autres, autour de la vidéo, du wiki, avec des élèves, avec des gens du voyage. Tiens, des gens du voyage ! Comme un clin d’œil à Annie Girard, une réponse à son message de bienvenue, dans le train qui s’approche de Paris, le blog se termine sur une note nomade. D’un grand prix du forum des enseignants innovants à un autre, deux femmes innovantes et souriantes se passent le relais. Merci les filles et encore bravo !

Monique Royer

Le palmarès

Comme l’explique son président Philippe Meirieu, le jury a eu pas mal de difficultésà définir les lauréats des prix remis au Forum. Beaucoup d’autres projets sans doute auraient mérités d’être ainsi valorisés. Mais les organisateurs ont bien promis de continuer à s’employer à une telle tâc he ; en alimentant ce blog tout d’abord, puis en exploitant les tournages réalisés par Cap Canal, qui seront complétés par d’autres reportages au cours des prochains mois et probablement aussi accessibles en partie sur curiophere.tv, au salon de l’éducation prochain enfin, où certains des participants au forum seront invités aux tables rondes ou aux animations.

 

Les deux prix de la ligue de l’enseignement (anciennement prix de l’innovation éducative) ont été décernés à Denis Pichot pour le projet Défitec, qui met en liaison des élèves de collèges et l’ENSAM pour des réalisations technologiques (par exemple des monte-charges) et à Catherine Lavauzelle pour le festival Zep’dit, qui tous les deux ans réunit dans une importante manifestation artistique et culturelle les élèves de la ZEP, d’autres jeunes et leurs parents (voir l'article qui lui est consacré sur ce blog).

 

Le projet de Vincent Bouilliez, Triangle, a été considéré comme méritant les qualificatifs « chaud » et « global » et a séduit « parce qu’il prend les enfants dans toutes leurs dimensions » en cherchant à répondre à plusieurs aux grandes difficultés, passagères ou permanentes, d’élèves.

Pour le projet collectif, Défi Internet du Pas-de-Calais, présenté par David Ducrocq, ce sont le nombre d’élèves impliqués, la valorisation du patrimoine au travers des outils TICE et la liaison écoles-collèges qui ont été appréciés.

Faire de la géographie numérique, le projet d’Olivier Dupuy, a été récompensé pour ses aspects très pluridisciplinaires et la connaissance de leur environnement qu’il apporte aux élèves.

Avec Un cerf-volant au bout des doigts, de Caroline Dutreux, les enfants vivent une construction complète d’u objet, de la conception à l’utilisation et acquièrent en même temps des compétences diverses, y compris informatiques.

Pour Pauline Fleury, le projet Dansymétrie permet d’offrir aux élèves un contexte différent pour aborder des concepts mathématiques souvent abstraits.

Avec, selon les activités, des moyens technologiques conséquents ou plus restreints, mais toujours avec une remarquable vision pédagogique, Damien Lebegue a été récompensé pour son projet de pédagogie différenciée en EPS.

Le projet de Laurence Russo, Voyage en terre lointaine, a été remarqué pour sa fonction de développement de l’imaginaire et de réduction de la fracture sociale.

Le jury n’a pas non plus résisté au côté humanitaire du projet Une valise : avec l’entr’aide tout est possible de Marie Verkindt.

 

Le grand prixdu forum a été attribué à Monique Argoualc’h pour son très beau projet, Intergénér@tions la rencontre qui, au travers de l’outil informatique, fait rejoindre et dialoguer deux catégories « d’exclus », des élèves de classes relais et des personnes âgées.

 

Enfin, c’est Jean-Luc Davagle, un enseignant belge, qui a reçu le prix du public, pour son Projet international d’écriture pour adolescents dans lequel chaque récit, écrit par un jeune de 11 à 18 ans selon des conditions qui changent chaque année est lu par d’autres adolexscents faisant fonction de jury.

 

 

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