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Le Café en direct de Ludovia
        Pascal Nodenot, formateur TICE. Portrait.

Pascal, tu es actuellement formateur TICE en primaire dans la circonscription de Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées. Tu travailles en équipe avec Virginie Paillas depuis quelques années déjà, et vous venez régulièrement à Ludovia. Vous avez également participé au 3ème Forum des enseignants innovants de Dax avec un projet intitulé « Un outil pour indexer et mutualiser les productions des enseignants ». Depuis ta formation à l’Ecole Normale d’instituteurs de Tarbes (avant dernière promotion avant l’avènement des IUFM), peux-tu me dire quel a été ton parcours ?

 

A ma sortie de l'école Normale, j'ai pris un congé sans solde de 2 ans pour des études de mathématiques à l'Université de Pau. C'était en 80. J'ai commencé alors à découvrir l'informatique,  la  programmation en Fortran, avec d'énormes ordinateurs et des cartes perforées… Un peu le temps des pionniers…
Après avoir réintégré mon poste dans les Hautes-Pyrénées, on a fait appel  à moi  pour accompagner les enseignants dans le cadre du Plan IPT (Informatique pour tous). Epoque de pionniers également, période exaltante où malgré les nombreux problèmes liés au matériel et  malgré les critiques de beaucoup…, on pressentait  qu'on était acteur d'un changement de société et que l'école participait à cette révolution.

Le matériel a évolué, plus puissant, plus fiable et avec lui sont arrivées  des notions nouvelles, l'hypertexte, le multimédia….

Je me suis alors particulièrement  intéressé à l’intégration de pratiques innovantes et des Nouvelles Technologies de Communication dans l'Éducation et j'ai souhaité me former dans le domaine de "la technologie éducative".

Pendant plusieurs années, en autodidacte.

Mais comme j’éprouvais de plus en plus de difficultés à mener à bien certains  projets et avais besoin d’une formation théorique dans les différents domaines de l'ingénierie des projets multimédia, j'ai soumis un projet de formation à l’Inspecteur d’Académie des Hautes-Pyrénées qui m’a encouragé dans cette démarche et m’a octroyé un congé-formation pour passer une licence professionnelle "Ingénierie des projets multimédias".

Parallèlement à mes missions de formateur Tice, j'ai par la suite été chargé de cours à l'Université de Bayonne et  me suis orienté vers la formation des enseignants instrumentée par le numérique, auto-formation, formation à distance…Je suis concepteur de parcours de FOAD ( dispositif Pairform@nce )  proposé dans le cadre la formation des enseignants et membre du groupe national 1° degré chargé d'adapter le dispositif Pairform@nce aux contraintes du 1° degré.

Le travail de réflexion que j'ai eu à mener sur la conception de ces parcours a eu des incidences sur mes pratiques de formation en présentiel : désormais, dans le cadre du Plan ENR notamment, j'essaie de doter les enseignants d'outils de veille, de partage de mutualisation et de communication pour que la salle de formation soit exclusivement le lieu de la transmission et de la confrontation entre pairs.


Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour les nouvelles technologies, puisque tu es devenu instituteur avant même que l’on ne parle du Minitel ?
Mes études universitaires,  l'arrivée de l'informatique à l'école ont bien sûr joué un rôle dans mon orientation professionnelle. Mais je dois avant tout cet intérêt pour les nouvelles technologies dans l'enseignement et plus particulièrement dans la formation, à des rencontres qui m'ont profondément marqué.
Rencontre avec un Inspecteur de l'Education nationale, M Dupetit , qui a été parmi les premiers à percevoir l'importance de ces technologies nouvelles pour les enseignants. Malgré bien des embûches et beaucoup d'incrédulité autour de lui, il avait réussi à doter sa circonscription d'un serveur Minitel !

Et chaque semaine, les enseignants de la circonscription recevaient des informations administratives et pédagogiques ; certains ont même produit des ressources pour alimenter cet "ancêtre de site de circonscription".

C'était à la fin des années 80, avant l'avènement du Web ! J'étais le webmaster avant l'heure d'un système  rudimentaire mais efficace puisqu'une dynamique de communication, d'échanges, d'entraide a été instaurée dès ces années-là : le besoin de discussion, le besoin que chacun a de produire, la formation entre pairs, la valeur créée par le partage, tout cela cet inspecteur l'avait compris bien avant le web2.0. 

Et pendant une vingtaine d'années, j'ai travaillé avec cette philosophie.

Rencontre aussi avec 2 collègues, retraités à présent, l'un du Gers Jean-Pierre Laguerre, l'autre des Hautes-Pyrénées, Jean-claude Pomès, deux "formateurs-innovants", considérés un peu comme marginaux par l'Institution mais dont la profondeur de la réflexion,  le regard toujours porté sur les incidences pédagogiques de telle ou telle nouveauté technique m'ont beaucoup apporté.
Rencontre enfin avec Virginie Paillas, entrée comme aide-éducatrice à la circonscription de Lourdes,  avant de devenir professeur des écoles puis formatrice Tice et qui est depuis peu responsable de formation pour le premier degré au CNED. Rencontre très importante pour moi car cela m'a relancé à un moment où je doutais de la pertinence de mes choix. Je me suis senti  moins seul dans mes réflexions ; j’ai retrouvé chez elle la même curiosité, le même dynamisme, ce même souci constant d'aider les enseignants à intégrer de manière pertinente les Tice dans leur pédagogie, que j'avais rencontré quelques années auparavant chez mes anciens collègues.

Nous travaillons ensemble depuis 12 ans, avons constitué un petit laboratoire d'idées,  développé quelques ressources pour la classe, essayé de formaliser par des écrits tout ce qui nous paraît important pour que les enseignants progressent dans leurs pratiques pédagogiques à l'aide du numérique…

Nous avons souvent douté,  peu soutenus localement ces derniers temps mais cette année nous aura permis de prendre confiance et d'être confortés dans nos choix : l'invitation au salon des enseignants innovants en juin à Dax, à une table ronde et à un atelier de  l'explorcamp 1° degré à Ludovia, les échanges que nous avons eus avec des enseignants de tous horizons lors de ces journées nous ont  redonné confiance. Reconnaissance et  confiance, voilà ce dont on avait besoin !

 

Peux-tu dire en quelques mots ce qui te paraît essentiel dans ton rôle de formateur Tice auprès des enseignants de ton département?
Face à la profusion de contenus en ligne, on voit émerger de nouveaux usages qui demandent aussi de nouvelles compétences. 

Certaines étaient d’ailleurs déjà identifiées par le C2I2e.

Tout récemment le B.O n°29 du 22 juillet 2010 réaffirme la nécessité d’un usage quotidien et transversal des TIC. 

La compétence 8 de ce référentiel : « Maîtriser les technologies de l’information et de la communication » mentionne notamment que le professeur « actualise ses connaissances et compétences au cours de son exercice professionnel » tandis que la compétence 10 : « Se former et innover »  souligne qu’il « s’inscrit dans une logique de formation tout au long de la vie, notamment via les réseaux numériques».

Pour actualiser ses connaissances, pour s’inscrire dans une logique de construction d’un réseau, support d’une démarche de formation, l'enseignant doit désormais savoir :

Identifier des réseaux, des personnes ressources (au niveau institutionnel, comme au sein d’une communauté de pratique).

Organiser la collecte de l’information

Organiser l’archivage des informations qui sont considérées utiles.

Organiser la diffusion des informations qu’il semble pertinent de partager.
De plus, il doit trouver des outils qui lui permettront d’optimiser ses temps de recherche,  de veille informationnelle et de préparation de la classe.
Il me semble que le formateur Tice doit  absolument l'accompagner dans ces nouvelles démarches.

 

Virginie et toi avez développé plusieurs outils pratiques et ingénieux d’accompagnement des enseignants dans l’usage du numérique. Quelle est votre démarche dans cette recherche ?

Elle part d'un constat .

Les enseignants sont demandeurs, les instructions officielles rappellent les nécessaires évolutions du métier d’enseignant, Educnet encourage les nouveaux usages…Or, aucune formation n'est prévue pour aider les enseignants dans ce changement  de pratiques et d'attitudes.

J'essaie de les aider dans ce sens.


Peux-tu présenter votre dernière contribution ?

Nous avons voulu apporter un témoignage de pratiques basé sur l’utilisation, dans le cadre de la formation des "enseignants ENR",  d’un trio d'applications en ligne constitué d’un service de micro-blog (twitter), d’un agrégateur de contenus (netvibes) et de services de partage de signets (diigo - pearltrees).

Notre objectif était  de décrire les fonctionnalités que nous avons identifiées et les usages qui en découlent,  d'expliciter en quoi elles sont utiles à un formateur.

 Nous avons décrit également comment cette articulation nous permet d’accompagner à distance des enseignants face à des nécessaires changements de pratiques, et en quoi ces nouveaux outils permettent interaction, mutualisation et partage…

schéma

Qu’as-tu pensé de la 7ème édition de Ludovia ?
Comme tous les ans, je suis revenu de Ludovia  enchanté,  riche de découvertes et de rencontres. Une excellente pré-prérentrée.
Jusqu'à l'année dernière, j'y allais avant tout pour assister au colloque scientifique ; j'y trouvais là un rare lieu d'échanges et de réflexion autour du multimédia dans les pratiques éducatives.

Les contributions des universitaires sont parfois difficiles à appréhender mais les thèmes des 2 dernières années ( "Do it yourself "en 2008 et "Espace(s) et Mémoire(s)" en 2009 ) étaient proches de mes préoccupations, ont nourri ma réflexion et ouvert des pistes de travail nouvelles avec des enseignants du département.

Cette année, j'ai été peu présent  au colloque scientifique. Je le regrette car le thème retenu "interaction/ interactivité" m'intéressait beaucoup. J'ai néanmoins pu assister à quelques communications et la lecture des actes du colloque ou de certains articles sur le web atténuent un peu mes regrets.
Mais un autre fait m'a marqué lors de cette édition de Ludovia.

Je parlais tout à l'heure de rencontres … J'en ai fait de nouvelles cette année mais d'un nouveau type ! J'ai rencontré des gens que je n'avais jamais vus auparavant mais que je connaissais par les réseaux sociaux et pour avoir travaillé avec certains à la rédaction via Etherpad  d'un article collectif pour les Cahiers Pédagogiques.

Des enseignants innovants, créatifs, curieux, enthousiastes, gourmands…Je trouve que la présence des bloggueurs a apporté un dynamisme incroyable à cette édition. Nous avons été immergés dans une ambiance de travail et de recherche durant 3 jours avec l'apport à distance, via twitter notamment , d'autres personnes qui ont suivi le colloque,  participé aux discussions et qui ont eux aussi alimenté la réflexion commune. Extraordinaire !

Et puis les échanges poursuivis depuis sur twitter ainsi que les contributions de certains sur leurs blogs prolongent encore actuellement ce moment magique qu'est Ludovia.

 

Es-tu satisfait d’avoir quitté la classe au quotidien pour devenir formateur Tice ?

Oui. Je crois qu'avec l'avènement du web 2.0, on vit  à nouveau une époque charnière dans l'Education.

L’information a changé de statut : elle n’est plus produite par des entités supérieures et n’est plus traitée comme une matière rare et précieuse.

 Nous assistons à un changement dans les usages : l’information devient la matière première que l’on peut « travailler », « récupérer », annoter … partager et échanger au sein d’un réseau de pratiques.

Il faut aider les enseignants à maîtriser ces changements fondamentaux. Et cela me passionne !

 

N’as-tu pas envie d’expérimenter toi-même les outils que tu mets à disposition des enseignants ?

Je l'ai fait. Je le fais.

 Et c'est avoir expérimenté longuement ces outils et choisi ceux qui à nos yeux pourraient le mieux être adoptés par nos collègues voire transférés en classe avec les élèves, que nous avons décidé avec Virginie de les présenter lors de nos formations en présentiel.

 

Comment sont accueillies ces innovations par les enseignants, l’institution ?

Les enseignants que nous avons formés ont très bien accueilli ces nouveautés.
Une enquête, envoyée en fin d'année scolaire nous a permis de les classer en trois familles : les consommateurs, les utilisateurs et les "utilisacteurs" qui, eux, ont déjà transféré ces nouvelles pratiques dans leur classe.

De nouveaux enseignants seront formés cette année dans le cadre des formations ENR.

On parle beaucoup du rôle de l'école pour réduire la fracture numérique chez les élèves, je crois qu'il est du rôle de l'Institution de former les enseignants en poste.

On a parlé pour eux de C2i2e ; cela se met en place progressivement.
Trop lentement à mon avis.

Ce sujet a été abordé à Ludovia  lors de la table ronde sur les réseaux sociaux : on a parlé du manque de formation des cadres, de leur frilosité face à ces nouveautés ;  parfois par crainte d'une certaine perte de pouvoir ? Je ne sais pas. Ce qui est certain c'est que l'accompagnement en formation initiale et continue est crucial : les enseignants ont un réel besoin de s'approprier ces outils nouveaux, les problèmes d'identité numérique, d'éducation aux médias doivent être abordés dès l'école. 

Ils ont un urgent besoin d'être formés !

 

 

Quels sont tes projets d’avenir, tes espérances, tes désillusions ?

Mon premier projet est de terminer l'outil que nous avons présenté au salon des enseignants innovants. Là aussi une histoire de rencontre : un projet initié par un IEN désormais à la retraite et qui n'a pu se faire localement.
 Nous travaillons désormais Virginie et moi avec des étudiants de l'IUT de Bayonne pour qu'ils nous aident à développer rapidement les dernières fonctionnalités.

Un autre projet en lien avec l'histoire des arts est en cours.  J'espère pouvoir l'expérimenter dans les classes avant la fin de l'année.

Des désillusions, je n'en ai plus.

Des moments de doutes ?  J’en ai encore.

Et à ce moment là, je les "confie" au "réseau" ; parfois quelqu’un répond, une nouveau sujet de discussions s'instaure  et je progresse par l'apport des autres.

Et,  puis je repense alors à  l'expression de mon ancien Inspecteur qui doutait lui aussi de temps en temps et qui me disait à ces moments-là "  Monsieur Nodenot,  nous aurons raison parce que nous avons raison !"

 

        Nathalie, directrice d’une ENR ariégeoise

 

 

Nathalie, vous êtes directrice d’une Ecole Numérique Rurale de l’Ariège. Parlez-nous de votre parcours.

Je suis nommée sur une petite école rurale de deux classes de cycle 3 (RPI avec la commune voisine). Elle est  située dans la vallée d’Ax les Thermes. Pour ma part, j’enseigne depuis 13 ans,  j’ai enseigné sur des postes particuliers (CLIS et CLIN) pendant plusieurs années, ainsi que sur différents niveaux et dans différents départements (92,91, 31 et…09). Je suis en Ariège depuis 3 ans.

 

Votre école a été sélectionnée, avec une école d’Ax-les Thermes, dans le cadre de la mise en place des ENR, sur la base d’un projet d’échanges culturels avec l’Andorre et l’Espagne. Qui est à l’origine du projet ?

Le projet (DONEP) a été conçu par des universitaires toulousains (prof et étudiants de M2 IFSE de  l’université de sciences sociales Toulouse I et de l’ENFA).

 

Savez-vous sur quels critères s’est basée la sélection de votre école ?
Notre IEN souhaitait choisir une petite école afin de favoriser l’ouverture.

Vous m’avez dit que des obstacles internes à l’organisation des écoles avaient empêché une mise en œuvre du projet satisfaisante ?

Les obstacles sont venus, dans un premier temps, de la gestion très lourde, puisque cela concernait trois pays. Nous avons eu des difficultés à nous rencontrer entre enseignants des différents pays.

D’autre part, ce type de poste (celui de l’enseignant chargé de la classe partenaire du projet) devrait être considéré comme spécifique, puisque sans engagement à court comme à moyen termes, il ne peut y avoir de résultats positifs.

 

Vous nous dites donc que, dans la concertation initiale, les enseignants des classes ont été oubliés…

Vous êtes une adepte de l’usage du numérique à l’école. Quelle place accordez-vous aux nouvelles technologies dans votre pratique quotidienne ?

Une très grande place, le Net permet d’échanger et de trouver des idées plus qu’intéressantes pour sa pratique de classe (mine d’idées, gain de temps, pas de déplacement) …C’est très important quand on habite Bonascre J. Dans mes différentes classes, j’ai toujours essayé de créer  un blog  ou un site, afin que le B2i soit validé d’une manière concrète… De nombreux projets ont pu voir le jour grâce à la Toile (échange avec une classe sénégalaise en maternelle, avec une classe de la Réunion en cycle3)…

 

Les équipements dont a été dotée votre école sont-ils suffisants pour mener à bien vos projets ?

OUI, tous les enfants sont équipés d’un micro ordinateur avec casque et caméra, la classe a son TBI…nous sommes très chanceux.

 

Avez-vous bénéficié d’un accompagnement tout au long de votre parcours professionnel ou êtes-vous « auto formée »?

Je me suis formée toute seule (mais j’ai toujours été baignée dans les nouvelles technologies, car je viens d’une famille très à la pointe dans ce domaine) ; sinon, j’ai pu bénéficier de  quelques animations sur des thèmes très spécifiques : animation en 3 D par exemple…

 

Quel doit être, selon vous le rôle des conseillers pédagogiques TICE ?

Il faut différencier, faire des animations TICE en fonction des niveaux, car les besoins seront bien entendus complètement différents, nous fournir des ressources pour les TBI, nous organiser des temps de rencontres entre collègues bénéficiant d’une classe numérique, afin de booster au mieux les projets…

 

Vous avez été invitée à Ludovia pour la journée du jeudi 26 août, consacrée à l’école primaire - « Journée Premier Degré – L’Ecole au Coeur du territoire numérique».

Notre IEN, fin juin, nous a proposé de venir. J’ai assisté à la table ronde sur les usages numériques dans les écoles en Ariège et j’ai fait un passage sur les différents stands (TBI), j’ai aussi écouté le retour sur les pratiques norvégiennes.

J’ai trouvé le colloque très intéressant, même si les réponses sont un peu conventionnelles… la présentation des différents outils donne plein d’idées. C’était la première fois que je venais à Ludovia, mais j’y retournerai sûrement.

 

Quels sont vos futurs projets, vos espoirs, vos craintes ?

Mener à bien cette rentrée scolaire en utilisant au mieux tout cet équipement numérique : il est prévu un échange avec l’école française d’Helsinki (très en avance sur les nouvelles technologies), donc cela ne peut être qu’enrichissant !

    En guise de conclusion : Digital natives et profs geeks

Le prof aurait-il peur des digital natives ? Peur de ne pas en savoir plus que l’élève, peur de perdre son prestige, son pouvoir, l’identité confortable que lui confère la supériorité que donne un savoir non partagé et dans laquelle il se blottit ? Peur de ne pas savoir « faire » ?

Est-ce là la raison de sa réticence à utiliser les outils numériques en classe ?

La question n’est ni nouvelle, ni originale, tous les blogueurs en éducation ont écrit là-dessus.

Et à Ludovia, elle est encore sous-jacente, non résolue. On ne peut s’empêcher d’y penser tant tout va lentement, tant le sujet n’évolue guère d’une année sur l’autre. Et l’ENT qui arrive…

Et de fait, les retours d’expérience sont parlants : équipez une classe de TBI, distribuez des portables équipés de ressources et manuels numériques aux élèves, et, si le prof est laissé libre…il l’utilisera au mieux une fois par semaine. C’est le grief qui revient sans cesse de la part des pourvoyeurs, les collectivités locales, vis-à-vis de l’Education nationale : nous achetons du matériel qui dort dans les armoires !

Si le prof est tenu de participer à une expérience évaluée par sa hiérarchie, il commence par utiliser le tableau blanc interactif, et revient au cours frontal, dans la posture qui le rassure : il va tout maîtriser. C’est lui qui dirige la navigation, c’est lui qui projette en collectif, au mieux demande t’il à un élève de prendre la main pour entourer un objet.

Alors, les décideurs locaux s’écrient : « Ils manquent de formation ! », et les inspecteurs de l’éducation disent : « Il faut mutualiser les pratiques, communiquer, échanger ». Entre profs s’entend. Notre hiérarchie a-t’elle peur de ne pas savoir faire ?

 

Mais pour mutualiser, il faut d’abord que quelqu’un maîtrise les outils et innove dans ses pratiques de classe. Or, nous l’avons vécu, il n’y a pas eu de plan de formation à l’échelle nationale digne de ce nom, et nous l’avons entendu encore à Ludovia 2010, dans le non-dit à ce propos, il n’y en aura pas. Il y a des tentatives d’accompagnement sur le terrain, notamment à distance, par manque de personnel dédié, et une mise à disposition d’outils de mutualisation. « Auto-formez-vous, nous sommes là ! », dit l’institution.

 

Le prof geek maîtrise les outils, il est à l’affût des nouveautés, il pense pédagogie, application pratique, il a son blog (par exemple http://profgeek.fr/), il expérimente, il conseille. Il est lu par les autres profs geek.

L’enseignant innovant a des idées, il n’a pas peur, ou plutôt il aime ressentir l’excitation et le petit frisson qui précède l’expérimentation en temps réel, avec de vrais élèves et qui va s’inscrire dans le vrai programme. S’il loupe, point de pardon de la part de la hiérarchie, il prend le risque seul. Et le plus souvent il reste seul, dans un bonheur qu’il ne partage qu’avec ses élèves, un petit bonheur confidentiel. L’enseignant innovant est modeste : oui, ça a marché, l’objectif est atteint, on a partagé un super moment, les élèves ont touché quelque chose de nouveau, de plus grand, de plus. Mais ça n’intéresse ni la direction de mon établissement, ni mon inspecteur.

Parfois, l’enseignant innovant est aussi un prof geek. Et il monte son projet avec ses élèves digital natives. Et au travers de sa pratique, les digital natives apprennent à manier les outils numériques d’une autre façon, ils sortent de l’intuitif pour formaliser de vraies compétences, organisées et transférables.

Il est seul, alors le Café lui a fait un salon  (http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2010/default.aspx), parce que sans reconnaissance, on n’est rien, et on s’épuise. Parce que sans partage, la pédagogie ne vaut pas la peine. Alors les enseignants innovants se retrouvent entre eux, et découvrent avec émerveillement l’inventivité de leurs pairs. Ils savent ce que ça coûte de persévérance.

 

Alors voilà. Notre institution va t’elle enfin sortir de sa peur du prof geek et de l’enseignant innovant ? Va-t-elle enfin organiser la mutualisation dans une vraie formation à destination de tous ? Nos inspecteurs ont eux-aussi à formaliser et organiser le partage des pratiques, à créer le cadre de l’échange entre tous, et la formation de base de ceux qui ne viennent pas au numérique d’eux-mêmes.

Le prof non-geek, non-innovant, a besoin qu’on lui montre que lui aussi peut organiser la mutualisation des pratiques au sein de la classe. On l’a vu dans les retours d’expériences : les collégiens sont prêts à aider les profs en suggérant des solutions et en véhiculant les bonnes pratiques entre eux. Le rôle du prof est de conceptualiser, de faire analyser, d’organiser. Il ne peut pas cantonner sa mission à la transmission du savoir. Nous attendons aussi cette attitude de notre hiérarchie.

Tribus, totems et tabous

A laisser traîner ses oreilles dans les conférences, le colloque scientifique, les travées et sur les tweets, on discerne de ci de là des gammes d’us et de coutumes, de mots et de gestuelles, des rituels mêmes, des traces de tribus dans le monde de Ludovia.

La tribu des bloggeurs est sans nul doute la plus bruyante. Amis sur facebook, compagnons sur twitter, il existe entre eux une réelle connivence, celle des messages nocturnes de cogitation pédagogique. Mario Asselin venu du Québec en est la figure emblématique. A la fois innovateur dans l’usage des blogs en éducation et fin observateur des systèmes éducatifs, il fédère autour de ses publications, nombre de promoteurs d’une éducation active et inventive.

 Les blogueurs ont ici une place reconnue, des places réservées au premier rang de l’amphi pour pouvoir tweeter à leur aise. Une tente leur est dédiée, tout près de la fontaine. Reconnaissance suprême, leurs tweets s’affichent sur l’écran derrière les conférenciers et s’immiscent dans les débats. Ils établissent également le pont avec des participants externes qui suivent Ludovia à travers le mur de tweets du compte #ludovia2010. La tribu des blogueurs manie parfois un langage qui lui est propre et propre à les ranger dans le clan plus large des geeks. Elle manie aussi le sens de l’humour et égaye les conférences de ses commentaires.

Le totem de la tribu des blogueurs c’est . S’exprimer en 140 caractères maximum demande un style et une habileté particuliers. L’exercice se transforme rapidement en jeu, une partie de ping pong collective où le bon mot sera repris et diffusé de Rt (retweet), en Rt. Le tweet oscille entre nombrilisme et médiation, égocentrisme et médiatisation. Raconter ce qui se passe en toute subjectivité, penser à la fois à ceux qui sont sur place et ceux qui sont ailleurs, ceux que l’on connait en vrai et les connaissances virtuelles. Plus on tweete, plus on est lu et plus on devient une personnalité numérique, reconnaissance virtuelle de ce que l’on laisse paraître dans une succession de brefs messages.

Ce voyage entre le nombril et le réseeau se lisait sur le mur de tweets de Ludovia. Les participants étaient parfois spectateurs d’un entre soi intimidant, parfois complices de réflexions ou de vérités exprimées sur le vif. Empêcheurs de conférer en rond ? Les conférenciers eux, mur de tweets dans le dos, ne pouvaient prendre en compte les remarques des bloggeurs. La formule reste à perfectionner mais cette entrée des réseaux sociaux dans les tables rondes est une première à explorer. Elle favorise l’intrusion de paroles impertinentes dans des débats souvent trop policés, dans l’entre soi aussi. L’entre soi s’immisce dans un autre entre soi, une interaction à la limite de la superposition.

Le silence est sans nul doute le tabou des bloggeurs. Coupez la connexion wifi et vous les verrez rechercher une clé 3G. Le silence réduit le bloggeur à son existence réelle, le prive de son identité virtuelle, du moins le croit il. Car ce n’est pas bien grave après tout. Les bloggeurs de Ludovia, à l’heure des pauses et du repas, heures de la vie réelle avaient plein de choses à dire, preuve que la virtualité, on peut s’en passer, tout geek que l’on soit.

 

La tribu des chercheurs se rassemble autour de sa tente, lieu du colloque scientifique. Les participants sont reconnaissables à leur langage, abscons de temps à autre pour le commun des mortels qui ne fréquente pas assidument les couloirs des universités. Pourtant, les chercheurs ont beaucoup à apporter au débat autour des Tice. L’école du XXIe siècle, forcément numérique, ne se construira pas sans fondations solides, qu’elles soient cognitives, sémiologiques ou linguistiques. Et puis, ne forçons pas la caricature. Les chercheurs puisent aussi du côté de la pratique. Michel Lavigne a travaillé avec un enseignant de Clis pour observer les effets de l’interaction sur les difficultés d’apprentissage. Patrick Mpondo Dicka utilise activement les Tice dans ses cours à la fac. Ce n’est sans doute pas un hasard si tous les deux dirigent culture numérique, association organisatrice du colloque scientifique. Christophe Batier, classé dans la tribu des bloggeurs, développe Spiral à l’Université Lyon 1. Virginie Paillas et Pascal Nodenot, formateurs Tice, et animateurs d’un Explor Camp, ont fructifié les connaissances acquises sur les bancs de la fac pour développer les usages du web 2.0 dans la formation des enseignants. Alors d’où nous vient cette impression d’une cloison de verre entre les chercheurs et nous ?

De leur totem peut-être, la présentation powerpoint qui égrène sur des lignes touffues vocabulaire et références  obligatoires dans l’entre soi mais si peu vulgarisateurs. La vulgarisation ne constituait pas l’objectif premier de ce colloque scientifique. On ressent toutefois une certaine frustration tant les apports auraient pu être encore plus éclairants sur l’interactivité et le lien entre goût d’apprendre et numérique, motivation et multimédia. Et si l’an prochain on contraignait les chercheurs à utiliser twitter ? Formuler une idée en 140 caractères les contraindrait à une certaine simplicité.

Et puis, si je voulais être caustique, j’attribuerai le trophée du tabou au mot pédagogie. La  pédagogie n’est pas une valeur dominante dans le système universitaire d’où peut être cette difficulté à extérioriser simplement. La question de l’usage des Tice à la fac a été débattue à plusieurs reprises à la fin des présentations. La comparaison avec le Québec, où la mise en ligne des cours est quasiment obligatoire, est largement défavorable à la France. Et l’on parvenait à la conclusion que la non prise en compte de l’innovation pédagogique, ne serait ce qu’avec des décharges horaires, était fortement pénalisante.

 

La tribu des institutionnels pourrait améliorer les choses. Composée de politiques et de représentants de l’Education Nationale, elle se distingue elle aussi par un langage qui lui est propre. Isolée, elle entame rarement un dialogue ouvert avec les autres tribus. La tribu des institutionnels arrive peu avant le débat et part rapidement, pressée par le temps, happée par d’autres occupations. Il faut toutefois nuancer le propos en fonction des sous-catégories. Lors des tables rondes, les politiques nous ont paru plus au fait de ce que pourrait être l’école numérique, plus impliqués dans son implantation. Le numérique, dans les Landes et ailleurs, a fait ses preuves en matière de développement des territoires. Le contraste entre le discours clair de la vice-Présidente de Région Nicole Belloubet et celui beaucoup plus compassé du recteur Olivier Dugrip est assez significatif sur la maîtrise de ce que sont le numérique et le web 2.0. Lors de la table ronde sur l’école numérique rurale, on a vu d’un côté un inspecteur ravi et de l’autre un élu local beaucoup plus circonspect sur la réalité de la réussite.

Le totem de la tribu des institutionnels, clan du Ministère de l’Education Nationale est le référentiel. Véritable panacée universelle, il a pour vertu de figer dans le marbre les débordements créatifs liés aux usages du numérique et comme inconvénient d’être toujours en retard d’une longueur innovatrice au moins.

Le tabou c’est l’interactivité. On rêve de voir un jour le Ministère de l’Education Nationale se convertir au web 2.0. La manie de vouloir absolument contraindre les usages du XXIe siècle à des normes et des fonctionnements issus du siècle dernier confine à l’obsession paralysante. Clamer la nécessité de l’école numérique et dans un même temps, proclamer le cours de 55 minutes comme un cadre intangible a quelque chose d’à la fois pathétique et de totalement schizophrène. Dommage que ce soient les apprenants qui risquent d’en pâtir. Dommage aussi que cette immobilisme, en se répercutant à toutes les strates de l’administration éducative, épuise les acteurs de terrain.

Du tabou de l’interactivité découle celui du travail collaboratif. Il pose aussi question sur la gouvernance de l’innovation pédagogique. Le dialogue plutôt haché entre institutionnels, entre collectivités territoriales et éducation nationale est plutôt préoccupant. Il est affaire de sous, en temps de crise c’est logique. Mais il est aussi question de partage de compétences, de délégations et d’égalité entre les territoires. Vu de Paris, l’école numérique est peut-être un dossier à caser coûte que coûte dans une politique générale. Vu d’Ax les Thermes, comme de tous les territoires ruraux, elle revêt un caractère obligatoire, elle constitue un facteur chance pour assurer un avenir aux jeunes concitoyens mais aussi au territoire même.

La dernière tribu composant le peuple de Ludovia 2010 est celle des commerciaux. L’évènement ne pourrait avoir lieu sans le soutien financier des industriels venant en complément des subventions institutionnelles. A Ludovia pour convaincre les décideurs d’acheter leurs produits, ils étaient là aussi pour rencontrer des enseignants et faire des démos. Fournisseurs d’ENT, de tableaux interactifs, de boitiers de votes et autres, ils présentaient leurs outils dans des stands et tentaient, de façon souvent maladroite, d’intervenir dans les débats. Le commercial se reconnait à sa tenue soignée, estampillée de temps à autre du logo de sa société, à son langage parfois décalé pour un univers pédagogique frileux face aux tentatives d’incursion de l’industrie dans l’école.

Le totem du commercial est le goodie. Stylo, clé USB, porte clés, ou même bonbon, les goodies deviennent des outils transactionnels, des objets de séduction.

Son tabou c’est la réclame. Comment ne pas faire passer une information pour une réclame, une véritable gageure que l’on a vécue à l’heure des barcamps. A l’inverse, la présence de l’industrie dans l’école est un véritable tabou qu’il nous faudra bien un jour soulever. Les armes sont souvent inégales face au peu de réactivité de l’institution éducation nationale en matière de numérique. D’autant que de plus en plus de commerciaux sont issus de l’enseignement.

Le peuple de Ludovia se compose aussi de personnes inclassables et si au premier abord, les cloisons semblent étanches entre les différents univers, une fréquentation approfondie montre qu’elles pourraient s’estomper voire disparaître pour peu que le dialogue soit facilité.

C’est sans doute là le principal mérite de Ludovia, favoriser la rencontre entre des univers différents qui se retrouvent autour de l’école numérique, faire évoluer nos représentations, nos totems et nos tabous. L’évènement demande à être renouvelé et à se prolonger sous d’autres formes, par les réseaux sociaux notamment.

        Explorcamp

Le principe de l’explorcamp est celui du speed dating. Vous avez  15 minutes pour tomber amoureux d’un outil original développé à l’usage des enseignants, d’une expérience pédagogique innovante, ou… des personnes qui vous les présentent. Puis vous passez à l’atelier suivant, sauf si affinités particulières, auquel cas on vous permet quand-même de rester poser des questions, voire de passer carrément votre tour pour écouter une deuxième fois.
Ce qui explique que je n’ai pas tout vu, car j’ai un cœur d’artichaut…
Mercredi, la chaleur est de retour (après une journée de répit). La salle du casino est bien aérée, il y fait bon. Jeudi, on ne trouvera de salut que dans les profondeurs de la salle de conférences, qui n’ouvre pas sur l’extérieur.
Les élèves de collège, mercredi, et ceux du primaire, jeudi, qui font une démonstration de « classe numérique » au fond de la galerie font preuve d’un grand courage. Le peu de visiteurs intéressés par les fonctionnalités du tableau blanc et la navigation en temps réel ne remarquent pas combien les enfants ont envie d’être ailleurs, et surtout pas de faire un exo de maths, même sur ce beau tableau interactif. Les visiteurs ont chaud. Il ya du bruit, on n’entend pas ce que dit l’intervenant, on n’entend pas les réponses.

 

A l’intérieur.

 

Michel Saint-Martin, de la société Kosmos, présente le mode d’emploi du cahier de texte de l’ENT dont sont/seront équipés les établissements secondaires de Midi-Pyrénées. Le cahier de textes est la pièce centrale de l’ENT, en lien avec toutes les autres rubriques (le porte-documents, le classeur pédagogique…)

En 2008, la solution du cahier de textes n’était pas encore trouvée (voir le blog Ludovia 2008

http://www.cafepedagogique.net/
communautes/Ludovia2008/Lists/
Billets/Post.aspx?ID=3
)

Il est à la fois le cahier de texte de la classe et celui du professeur par matière. L’accessibilité est bien-sûr différente selon l’utilisateur connecté, prof, parent, élève. Les parents verront les cahiers de textes de toutes les classes de leurs enfants, l’élève uniquement celui de sa classe, le professeur a un accès réservé.

Le professeur reçoit les devoirs rendus en ligne, peut en faire le compte pour relancer les retardataires, les corriger en ligne s’il le souhaite.

L’intervenant nous assure qu’il ne faut pas plus de temps pour remplir le cahier de textes en ligne que sur papier…une fois l’ordinateur allumé, précise t’il.

Moi, j’ai observé les collègues entrer les appréciations la veille des conseils de classe… le cours, parfois, durera moins de 55 minutes.

 

Retour d’expérience d’utilisation en établissement du manuel numérique

2 collèges en Ariège et 5 collèges en Aveyron ont participé à l’expérience, en classe de 6ème, en Lettres / Histoire-Géographie / Techno / éducation civique / Mathématique/ Anglais.

Un Inspecteur d’histoire et géographie de l’Ariège nous parle du  collège Pasteur de Lavelanet.

L’ENT de l’établissement était abonné à la plate-forme de l’éditeur KNE (Kiosque de l’Education Numérique) (voir le blog Ludovia 2008 http://www.cafepedagogique.net/
communautes/Ludovia2008/Lists/
Billets/Post.aspx?ID=6
)

L’équipement comprenait un TBI par classe, un vidéoprojecteur, un ordinateur par élève, les meubles ergonomiques.

Les points positifs :

Les professeurs se sont approprié le TBI, et ont mené très rapidement des réflexions pédagogiques collectives. Ils ont apprécié la qualité des images sur les manuels et en projection. Les élèves se sont montrés très coopératifs, servant de vecteurs entre les professeurs, faisant circuler les bonnes solutions. 70% des élèves ont utilisé les manuels numériques hors de la classe via l’ENT.

Les points négatifs :

Ils sont d’ordre technique et concernent l’interruption des connexions, la lenteur de la manipulation des manuels. Personne ne sait encore comment améliorer cela, le rectorat de Toulouse s’emploie à déterminer si le problème vient du site de l’éditeur, du débit ou de l’ENT.

Les pratiques pédagogiques n’ont pas évolué et il y a eu un retour massif au cours frontal, le professeur restant sur le mode de projection collectif sur le TBI.

Encore une fois, ce n’est pas l’outil qui doit créer la pratique, mais la pratique qui doit amener à chercher le bon outil. Si je fais un cours frontal et cherche à projeter une image, je peux avoir besoin de projeter une page numérique et les liens auxquels elle renvoie. Si je fais de la recherche en groupes sur documents, je peux demander aux élèves de se connecter sur le manuel numérique et d’approfondir un thème, c’est plus facile qu’une recherche sur encyclopédies au CDI. Il m’est expliqué que seule la peur cantonne les professeurs près du TBI. Je ne suis pas convaincue que cette peur soit liée aux machines.

 

Observatoire des usages de l’ENT Midi-Pyrénées (Base de connaissance et d’usage en réseau mutualisé)

La mission TICE du rectorat de Toulouse présente un outil à direction des enseignants pour les aider dans leurs usages des ENT. Il s’agit d’une banque d’usages, recueillis auprès des utilisateurs, triés et validés par l’inspection. Chaque projet fait l’objet d’une fiche descriptive détaillée. Un tableau récapitulatif permet une recherche par discipline (ou transversale), par niveau, par thème, par objectifs du socle. Les coordonnées de l’initiateur du projet sont accessibles pour communiquer.

On regarde par exemple un projet d’écriture collaborative en classe de français, mettant en relation des élèves de niveaux différents (3ème et 5éme), en binômes. Les usages peuvent aussi concerner le domaine de la gestion administrative ou de la vie scolaire.

Les soutiens TICE espèrent ainsi faciliter la prise en mains de l’ENT au travers des usages basique, qui figurent également dans le catalogue), et motiver les utilisateurs confirmés à varier et enrichir leurs pratiques.

Cette base, qui est très récente, comprend déjà une centaine d’usages différents décrits.

Une bonne idée, sans doute, mais nous savons combien il est difficile de s’approprier les pratiques d’autrui sans un accompagnement réel (en présence ou à distance, mais dans un dialogue). Il n’est pas sûr que l’on ose solliciter le créateur du projet, ni que ce dernier ait du temps pour assurer le soutien des nouveaux).

 

Utilisation des TBI couplée à l’ENT

Un professeur d’histoire et géographie en collège nous fait partager ses pratiques de classe (en salle informatique).

Exemples : de l’ENT vers le TBI

Créer un blog sur l’ENT (textes et photos), avec la fonction d’ajout de pièces jointes, ou ouvrir directement une page Internet par l’ENT, et l’afficher sur le TBI. Les outils du TBI permettent d’agir sur le document (annoter, par exemple).

Créer un formulaire sur l’ENT (par exemple un QCM), et analyser collectivement les réponses en les affichant sur le TBI.

Exemples du TBI vers l’ENT

Enregistrer le cours affiché sur le TBI et le mettre en lien sur le cahier de textes de l’ENT. L’élève pourra le revoir à la maison, et même le retravailler en l’enregistrant sur son disque dur et en le rechargeant une fois modifié sur l’ENT.

Si le professeur le projette ensuite au cours suivant sur le TBI, la boucle est bouclée !

Bon, là, il aurait fallu un atelier en suivant pour pratiquer soi-même. Ceux qui n’ont pas besoin de pratique à ce niveau, ont déjà compris tout seul et imaginé cet usage (auto formés!)

 

Zoom sur un trio au service du formateur 2.0

Pascal Nodenot et Virginie Paillas, le duo d’animateurs TICE le plus populaire de Ludovia, nous montre comment ils ont conçu un portail à l’attention des enseignants du premier degré, regroupant 3 logiciels pour en optimiser les fonctions : Netvibes, Twitter et Diigo. C’est un portail d’informations, personnalisable selon la maîtrise des outils par chaque enseignant, mais pouvant être consommé tel quel. Parmi les fonctions remarquables : une sélection de liens pédagogiques ; un mur Twitter regroupant les brèves concernant les nouveautés pédagogiques, les nouvelles des écoles du canton, les remarques et pistes de réflexion ; les documents institutionnels surlignés par l’animateur Tice pour une lecture en diagonale et une appropriation rapide.

Virginie fait une présentation orale très claire de l’outil. Pascal assure le côté technique et affiche les pages sur l’ordinateur. Leur complémentarité est évidente. Le public est conquis, en témoignent les innombrables tweets qui plébiscitent leur enthousiasme et leur investissement. A Ludovia, on cherche du concret, des idées immédiatement applicables, et le détournement pédagogique de ces logiciels est un vrai bonheur.

Patrick Mpondo-Dicka : un passeur à Ludovia

Pour embrasser le thème de l’interactivité dans sa totalité, il fallait à Ludovia comprendre deux langages, deux visions, celle des chercheurs, et celle des praticiens, une gymnastique harassante à moins qu’un passeur, véritable bilingue ne nous facilite la tâche. Et dès les premières heures de l’Université d’été, Patrick MPONDO-DICKA a endossé ce rôle lors de l’ouverture du colloque scientifique. La limpidité de ses propos tranchait singulièrement avec les exposés touffus et parfois abscons de ses confrères. Tout au long de Ludovia, ses interventions ont fait mouche par leur pertinence et l’éclairage qu’elles apportaient au débat. Curieuses de découvrir le parcours d’un tel gymnaste de l’esprit, nous lui avons proposé de discuter à bâtons rompus le temps d’un repas.

 

Patrick Mpondo-Dicka est maître de conférences au Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA) de l’Université de Toulouse Le Mirail et vice-président de culture numérique, l’association organisatrice du colloque scientifique. Sémiologue, il s’intéresse au langage et à toutes les formes d’expression du sens spécialement dans le domaine de l’audiovisuel, du multimédia, du numérique. C’est à ce titre qu’il intervenait à la conférence inaugurale du colloque scientifique.

 

La démarche de Patrick Mpondo-Dicka se nourrit du métissage entre sa formation universitaire et son parcours au sein de l’éducation populaire. Du mélange des deux résulte une approche dénuée de langue de bois et de jargon, ouverte vers toutes les formes d’apprentissage. Diplômé en lettres modernes, son expérience du pionnicat l’a détourné des chemins de l’enseignement. Surveillant dans un établissement technique, il a perçu l’institution comme un « éteignoir d’enthousiasmes », dressant des obstacles devant les initiatives les plus simples pour améliorer la vie scolaire. Ce qu’il pouvait faire au sein des Céméa, mouvement d’éducation populaire, en animant des ateliers vidéo, s’avérait complexe à implanter dans un établissement scolaire, souvent pour des raisons tenant au bon vouloir du chef d’établissement ou du conseiller principal d’éducation.

 

Patrick a donc poursuivi ses études universitaires en sémiotique et est devenu maître de conférences à Toulouse Le Mirail. Pour lui, sa chance est d’investir des champs peu explorés en réunissant sémiotique, audiovisuel et numérique. Au départ, il distribuait des photocopies couleurs à ses étudiants en sémiotique de l’image, le procédé s’avérait coûteux. L’utilisation d’un logiciel de présentation est arrivée un peu plus tard après avoir vu un spectacle de théâtre à Avignon qui utilisait des présentations pour simuler des décors. Jusque là, se basant sur les usages courants de powerpoint dans les colloques scientifiques, l’outil n’était pour lui qu’un prolongement des transparents trop chargés et trop nombreux. Curieux des nouvelles technologies, il effectue une veille constante qui lui permet d’enrichir son dispositif, de trouver l’outil qui lui permettra de le faire évoluer.

Rapidement, il a souhaité mettre en ligne ses présentations pour préparer et prolonger ses cours. Une semaine avant le cours, Patrick met en ligne le contenu qui permettra de démarrer les travaux dirigés correspondants. Puis, après le cours, le corrigé du TD est posté sur le site. Le numérique est ici complémentaire du présentiel, permettant de relier le temps scolaire et le hors temps scolaire, loin de la dichotomie supposée entre formation à distance et formation présentielle.

Patrick Mpondo-Dicka a longtemps développé son dispositif dans l’indifférence générale. La pédagogie est sa préoccupation, mais elle est loin d’être la préoccupation dominante des universitaires. Les travaux de recherche, les publications entrent plus fortement en ligne de compte dans la notation et l’avancement que les aspects pédagogiques. Et la pédagogie n’est pas une matière obligatoire pour les aspirants à l’enseignement universitaire. Pour se sentir à l’aise dans ce métier, Patrick confie s’être libéré du carcan des représentations de ce qu’est un enseignant universitaire. Son expérience de l’éducation populaire a ancré chez lui le goût de la pédagogie et du décloisonnement entre savoirs formels et non formels.

Pour sortir de cet isolement et s’appuyer sur des compétences techniques, Patrick s’est rapproché de la DTICE (direction des Tice) de l’Université du Mirail à l’occasion du nouveau contrat quadriennal. Partir des besoins des enseignants et des étudiants pour créer des outils et non contraindre les usages à des outils pré-conçus, Patrick, en tant qu’administrateur a accompagné la DTICE dans cette évolution. Durant son mandat, il a aussi aidé à concevoir le prêt d’un portable aux étudiants de première année n’ayant pas les ressources pour en acquérir. Les grèves très suivies à Toulouse Le Mirail ont contribué, il faut bien l'admettre au developpememnt les usages des cours en ligne. Patrick Mpondo-Dicka voit d’un bon œil ces développements même s’il craint aujourd’hui une trop forte normalisation qui l’obligerait à intégrer une plateforme aux fonctionnalités contraignantes.

 

Tout s’explique alors. Enseignant en sémiologie de l’image, Patrick Mpondo-Dicka investit tout autant la recherche que la pédagogie, animateur dans le domaine de l’éducation populaire et prof de fac, il visite aussi bien les savoirs formels qu’informels. S’il fallait un traducteur, un médiateur, un passeur pour faciliter les échanges entre chercheurs et pédagogues, nous, nous choisirions celui là.

Béatrice Crabère et Monique Royer

Ludovia sur la toile

Nous l’avons signalé dans plusieurs billets, les blogueurs avaient une place de choix, relayant en direct l’évènement sur twitter.

Ils alimentaient également leur blog d’impressions et de compte-rendus. Pour compléter votre balade virtuelle de Ludovia, nous vous invitons à leur rendre visite.

Le blog de Jean-Paul Moiraud, enseignant à Lyon

http://dmacostumier.wordpress.com/2010/08/25/ma-premiere-journee-du-temps-de-reflexion/

Mario Asselin, Mario tout de go

http://carnets.opossum.ca/mario/archives/tags/ludovia_2010/

Jean Bernatchez, professeur à l’Université du Québec

http://ludovia2010.blogspot.com/2010/08/version-non-officielle-de-la-table.html

Numéricole de Annabel Saint-Paul

http://www.numericole.fr/

Pedagotic

http://www.pedago-tic.be/2010/08/ludovia2010-day-1-ou-les-blogueurs-se-renomment-influenceurs/

Caroline Jouneau Sion, enseignante en histoire-géographie

http://pedagotice.blogspot.com/2010/08/ludovia-2010-preparatifs.html

Lyonnel Kauffmann, enseignant d’histoire en Suisse et collaborateur du Café Pédagogique

http://lyonelkaufmann.ch/histoire/2010/08/26/en-ludovia-me-deuxieme-journee-25-aout/

Lucielle Donnat pour l’agence de presse Infobourg a couvert l’évènement :

http://www.infobourg.com/tag/ludovia/

Présentation des blogueurs par Christophe Batier et Mario Asselin

http://www.dailymotion.com/video/xdqoxv_ludovia-2010-les-blogueurs_school

Le site de Ludovia

http://www.ludovia.org/2010/

Les twwets postés le 26 et le 27 aout compilés par Virginie Paillas

http://www.tweetdoc.org/View/4318/Ludovia-2010

Liens vers les billets et les blogs sur Ludovia, liste établie par Eric Delcroix

http://leszed.ed-productions.com/retour-sur-ludovia-2010/comment-page-1/#comment-12633

 

               Table Ronde Ressources, Manuels , livres et jeux Numériques

A l’heure où les manuels scolaires des nouveaux programmes de seconde tardent à paraître et où seule leur version numérique sera disponible à la rentrée, il est encore plus urgent de s’intéresser aux ressources numériques.

Définitions

Gilles Braun, SDTICE, attire d’abord l’attention sur le fait que le mot « ressources » n’est pas défini lorsqu’il s’applique à la pédagogie ou au numérique. Mais en admettant cette dénomination, il faut distinguer deux sortes de ressources : les ressources d’utilisation (tout matériau détourné de sa destination initiale pour l’enseignement) et les ressources de destination (celles effectivement conçues pour l’enseignement).

 Les ressources varient également selon leur processus éditorial, qu’il soit local ou international via le web.

Quel est le manuel numérique idéal ?

Les adeptes du web2.0 le désirent à l’image du livrescolaire.fr, c'est-à-dire comprenant à la fois une ligne éditoriale, mais permettant l’adaptabilité, la modification des éléments par le professeur ou les élèves. (Voir le blog http://www.cafepedagogique.net/communautes/Ludovia2010/Lists/Billets/Post.aspx?ID=8)

Julien Llanas, d’EduGameLab, souligne la dicotomie du modèle du livrescolaire.fr, qui est à la fois de ce fait une ressource d’utilisation mais offre une possibilité de détournement. La tendance est au détournement, et pas seulement celui des ressources classiques. Celui du  jeu vidéo, par exemple, qu’il soit brut, découpé, intégré dans une séquence, programmé spécialement. Julien cite le jeu Donjons et radons qui intègre les notions du programme : il faut par exemple changer les états de l’eau pour progresser dans le jeu.

Jean Baille, de Maxicours, confirme la politique éditoriale de la société dans le même sens : les ressources de destination, uniquement pensées pour le numérique, offrent une possibilité d’interactivité : les fiches sont modifiables par les professeurs, qui demandent de plus en plus de travail collaboratif.

 (Voir le blog

http://www.cafepedagogique.net/communautes/Ludovia2008/Lists/Billets/Post.aspx?ID=8)

Pour Pierre Garnier, du  Kiosque Numérique de l’Education, qui parle des éditeurs institutionnels, la priorité n’est pas de créer mais de produire de l’usage autour des contenus. De plus en plus les destinataires ne sont plus directement les élèves, mais les professeurs. En tous cas les éditeurs sont très réactifs.

Les conditions de la mise en œuvre, retours d’expériences

Gilles Braun parle de retours d’expérience auprès d’enseignants non spécialistes, confrontés à l’utilisation des manuels numériques en classe de 6ème par l’intermédiaire des ENT (700 enseignants, 15000 élèves). Très intéressés par l’expérimentation, beaucoup ont déploré des problèmes techniques (sans préciser s’ils venaient du TBI ou du manuel numérique lui-même). Tous se sont montrés très critiques sur l’offre des manuels. Le retour est cependant positif en ce qui concerne l’attitude des élèves, leur attention s’est accrue. Par contre, l’utilisation est frontale, par projection collective sur le TBI. Les enseignants manquent de formation pour diversifier les usages. L’usage du manuel par les élèves hors de la classe reste un problème (même si 98% sont connectés, que proposer aux 2% restants ?) ; ils possèdent en outre le manuel papier à la maison. Les enseignants par contre se servent de la forme numérique pour préparer le cours.

Jean-Louis Attané, du Conseil Général de l’Ariège confirme les retours d’expérience positifs

pour deux collèges ambition réussite de lavelanet (150 élèves de 6ème). Les professeurs ont éprouvé un besoin de mutualisation disciplinaire et même interdisciplinaire. L’expérience se poursuit cette année en 5ème, mais son coût est très élevé (30000 euros par classe, pour un équipement de qualité).

Le problème du changement de salle se pose : professeurs et élèves trouvent chacun un intérêt à rester dans leur salle équipée…il n’y a pas de solution.

Dans les Landes, des ordinateurs équipés de 14 manuels numériques ont été attribués aux élèves de 3ème, relate Pierre-Louis Ghavam, du Conseil Général. Les manuels sont cependant gravés sur le disque dur, pour un accès égalitaire à la maison et éviter les lenteurs d’utilisation. Malgré ça, seuls les manuels de LV sont utilisés à domicile (pour les sonorisations). Comme tous les décideurs locaux, P.L. Ghavam déplore l’usage des ressources par les enseignants, par manque d’incitation de la hiérarchie.

De l’accompagnement à la bonne utilisation des ressources

Alain Séré - IGEN-MEN  et Julian Alvarez, de Ludoscience mettent en garde contre le détournement des ressources. Les auteurs suivent des lignes éditoriales ou des objectifs précis qui ne sont pas forcément atteints dans un usage libre ou détourné. C’est ce que nous prouve Julian Alvarez, qui, ayant conçu le serious game Technocity (académie de Toulouse) pour inciter les élèves de «3ème à choisir un métier industriel, a vu la ressource détournée par des élèves de 6ème en CDI, dans un but purement récréatif, sans même éveiller les soupçons des documentalistes. Il est vraiment nécessaire d’accompagner les utilisateurs. Une autre solution, très efficace du point de vue pédagogique, est d’impliquer l’utilisateur dans la conception même de la ressource. En créant eux-mêmes un nouveau jeu, les élèves ont assimilé le parcours pédagogique.

De la même façon, les lycéens souhaiteraient être davantage acteurs et impliqués dans l’activité numérique du lycée (enquête auprès de 5000 lycéens élus).

Quelles transformations ?

Force est de constater que l’apparition du manuel numérique n’a pas entraîné une pédagogie active. Ce n’est pas l’outil qui génère les usages, ce sont les usages qui poussent à trouver les bons outils.

L’école elle-même sera-t-elle transformée ? Le modèle du cours de 55 minutes, de la salle de classe sont-ils adaptés aux évolutions numériques ?

Ces questions ont été posées maintes fois pendant ces rencontres, mais aucune imagination n’a été assez fertile pour proposer des modèles nouveaux et crédibles.

 

Jeux d'roles

Néophyte et souvent ignorante des termes et des références consacrés, entre deux phrases énigmatiques pour mon cerveau de praticienne, j’ai butiné avec plaisir au colloque scientifique des idées éclairantes.

Et de plaisir, il en a été question avec Nicole Pignier Ceres de l’Université de Limoges. Le plaisir incite à l’usage des objets numériques pour peu que le design de l’interface nous y invite. Il se prolonge dans l’action. La notion de plaisir est une donnée essentielle dans le e-design, surtout dans le domaine du jeu.

Mais l’esthétique, les performances et les fonctionnalités ne sont pas les seuls facteurs de plaisir. Nicole Pignier-Ceres s’est intéressée à l’aspect gestuel, au rapport du corps et du jeu. Pour elle l’interaction ne se vit pas seulement dans la relation entre l’opérateur et la tâche, elle s’exprime aussi dans l’ajustement du corps de l’individu et de l’objet. La proximité entre le corps et l’objet virtuel est facteur de plaisir. Elle est effective par l’analogie qui s’opère entre le geste du joueur et l’action sur l’objet virtuel. Réduire le rôle de l’individu à un « presse bouton » affaiblit cette proximité corporelle et amoindrit le plaisir.

La conception des interfaces prend en compte la dimension du plaisir, en particulier pour l’aspect gestuel. A chaque type d’interface correspond un rôle différent pour l’usager. Elle peut être transparente, comme avec la Wii, proposer un mimétisme, nécessiter une interaction technologique. Le plaisir ne sera pas le même. Certains joueurs apprécient que l’interaction soit technologique car elle implique un apprentissage et la résolution de problèmes. D’autres préfèrent une interface transparente où l’immersion dans le monde virtuel est quasiment immédiate.

Ce qui s’applique au jeu, s’applique t’-il à l’apprentissage avec les Tice ? Sans nul doute, la notion de plaisir est un facteur de motivation pour apprendre. A écouter Nicole Pignier-Ceres, on comprend mieux pourquoi des outils numériques au design alléchant conviennent à certains apprenants et pas à d’autres. Utiliser les Tice c’est aussi un acte corporel, dimension que l’on ignore souvent.

 

Michel Lavigne, de l’Université de Toulouse Le Mirail, a mené une expérience de création numérique avec une classe en difficulté d’apprentissage. Maitre de conférences, spécialisé dans la création audiovisuelle, il s’est associé à un enseignant en Clis pour montrer comment une approche particulière de l’informatique peut développer leurs capacités d’apprentissage et observer la combinaison entre interactivité avec la machine et interactions sociales.

Michel Lavigne s’est appuyé sur les travaux de Saymoour Paypert et son projet pogo. Les objectifs de l’expérience avec la classe Clis étaient de développer les compétences de repérage dans l’espace, de favoriser l’apprentissage de l’abstraction dans un processus participatif. L’idée était également de sortir ces enfants de la résignation de l’échec en leur offrant un rôle actif valorisant.

La classe devait participer activement à la création d’un logiciel de dessin. Les enfants ont eu plusieurs rôles : prescripteurs pour les développeurs, testeurs du logiciel puis formateurs à l’utilisation. Le produit obtenu permet de dessiner des figures à partir de lettres indiquant une direction. Son design est très sobre. Au préalable pour parfaire la maîtrise des déplacements dans l’espace, l’enseignant a proposé aux élèves des exercices sur le déplacement en éducation physique et sportive. Ces exercices faisaient également le lien entre le réel (si on me demande d’aller à gauche puis en haut puis à droite, quel déplacement je produis) et le virtuel (si j’appuie sur la lettre A qui fais aller à droite puis sur la lettre D qui dessine un trait vers le haut, ça donne quoi).

L’interactivité a favorisé les interactions sociales, source principale de motivation pour des élèves exclus de la course à la réussite scolaire. La machine ne donne pas de retour négatif, ce qui renforce l’estime de soi et favorise une revalorisation personnelle. L’expérience était basée sur un travail collectif incluant l’enseignant, les élèves et l’informaticien et donnant lieu à de nombreuses interactions. La démarche était une démarche ouverte, de confiance et laissant une grande part à la créativité.

Pour Michel Lavigne, l’approche créative dans l’enseignement de l’informatique à l’école est trop absente, pourtant elle génère de fortes interactions et favorise une plus forte motivation à apprendre.

 

Le jeu comme source d’apprentissage et de motivations ? En écoutant Jean Caelen du-Cnrs, Université de Grenoble, nous le comprenons mieux.

Il est allé voir du côté de la théorie des jeux chère aux économistes pour expliquer ce qu’est l’interaction. Pour Jean Caelen, dans l’interaction, le langage possède un rôle important. Or, le langage est un bricolage permanent, un jeu de rôles à deux dimensions : la dimension transactionnelle et interactionnelle. Pour interagir, il faut deviner, comprendre la stratégie des autres pour trouver la meilleure stratégie à mettre en œuvre. Dans les jeux de rôles et les jeux d’action, la recherche de la stratégie est dominante. Elle guide les choix pour maximiser son gain ou le gain de son collectif. Le jeu possède ses règles, implique un nombre d’acteurs, des types d’actions, des étapes, des rétributions, des répétitions.

La rationalité est la limite du recours à la théorie des jeux pour observer l’interactivité puisque cette théorie suppose que les joueurs sont rationnels et intéressés. Or, dans la relation pédagogique, les deux conditions sont rarement rassemblées. Les notions de stratégie et de satisfaction du but sont toutefois des notions fort intéressantes pour construire des séquences et des outils pédagogiques.

Le référentiel « Collège et Etablissement Numérique » proposé par le Ministère de l’Education Nationale et son implication dans les interactions avec les collectivités locales (financières et techniques).

Jean Cazanave, président de la commission éducation au Conseil Général de l’Ariège, rappelle en préambule les interrogations des élus locaux par rapport aux politiques de recentralisations, qui ne définissent pas clairement les compétences de chacun dans le partenariat de demain. La crainte qui s’exprimera dans toutes les tables rondes est celle du transfert des compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales avec une diminution des budgets.

Benoit Ducange – SDTICE, nous présente le référentiel « Collège et Etablissement Numérique », proposé par le Ministère de l’Education Nationale. C’est un outil destiné aux chefs d’établissements. C’est un référentiel d’auto-positionnement, accessible, non normatif, facile à utiliser. Il est destiné, une fois fait l’état des lieux, d’optimiser le fonctionnement du collège numérique, à communiquer avec les partenaires dans un but de valorisation. Il est aussi destiné à mettre en avant les marges de progrès internes grâce à une aide méthodologique.

Ce référentiel comporte plusieurs volets qui listent les ressources matérielles et techniques de l’établissement, les ressources humaines disponible, les usages de l’enseignant et des élèves en classe et hors temps scolaire.

D’après les retours et l’évaluation qui en a été faite, il s’avère que le poste le plus pauvre est celui du travail de l’élève hors temps scolaire. Après la phase expérimentale, ce référentiel doit être distribué dans tous les établissements fin septembre 2010.

Benoît Ducange demande aux intervenants de réagir par rapport à ce référentiel, pour éventuellement y apporter des modifications.

Sur quoi sont-ils d’accord ?

Les projets qui fonctionnent sont ceux mis en place en partenariat entre les collectivités locales et les établissements (Sylvie Leloup, de la Caisse des Dépôts et Consignations.)

Le  diagnostic doit permettre, pour progresser, une communication avec tous les acteurs de la communauté, y compris les parents. Il est indispensable aussi de se positionner par rapport aux autres établissements, d’après Anne-Marie Gros, CTICE au Rectorat de Toulouse.

L’objectif premier est la réussite des élèves. Ce référentiel doit donner les clés du changement aux chefs d’établissement, sans oublier leurs adjoints, en prenant en compte les parents. Les enseignants suivront, d’après François Jollivet, Directeur de l’Education et du Sport Conseil général du Val d’Oise.

Et surtout, il faut accompagner les équipes de direction.

C’est dans ce sens qu’A. M. Gros et  Sylvie Leloup,  présentent les deux outils mis en place en partenariat. Le dispositif de marquage des plates-formes ENT mesure effectivement, non par déclaration sur le référentiel, l’utilisation des ENT par les différents acteurs. Il ne s’agit pas cependant d’une mesure qualitative et les visites non connectées ne sont pas comptabilisées (page d’accueil des ENT et informations générales). Le site Projets.fr permet la présentation des usages, leur mutualisation, l’échange entre les établissements.

Le rectorat de Toulouse a mis à la disposition des chefs d’établissements une cellule d’accompagnement dans leur développement numérique. Un pôle d’appui dans chaque bassin de formation incite également les établissements à mutualiser les pratiques et à communiquer

François Jollivet, préconise de généraliser le plan numérique des collèges du Val d’Oise, nommé ensemble/séparément. Partant d’un état des lieux de la variabilité des moyens et des projets, partenaires région/Etat partageant des objectifs communs, il faut travailler à renouveler la gouvernance des établissements (en mettant en place un accompagnement des équipes de direction), à développer l’attractivité, à développer les échanges avec les parents.

Quelques points de discorde.

F.  Jollivet  rappelle que la formation des enseignants est dévolue à l’Etat. De plus, le besoin en ressources numériques va s’accroître : qui va gérer les contenus fournis par les enseignants, qui va les payer ?

Un échange s’ensuit sur le partenariat des établissements et des collectivités locales autour du projet d’établissement. A en croire messieurs Jollivet et Cazanave, les attitudes sont très variables d’un département à l’autre, les uns étant débordés par les demandes de subvention (Val d’Oise), les autres par le manque d’ambition des projets (Ariège).

 

Nous verrons que la Norvège a aussi mis en avant des équipes de direction fortes et très impliquées, sans qui le numérique ne peut se développer dans les établissements. Pour ce qui est du partenariat avec les collectivités locales, il semble bien fonctionner (surtout du côté des collectivités…) On regretterait presque qu’elles ne prennent pas en charge la formation des enseignants…

 

Retrouvez les présentations de chaque intervenant, ainsi que la synthèse de Lyonel Kaufmann, du café Pédagogique,  sur le site de Ludovia

http://www.ludovia.org/2010/2010/08/24/1400-%e2%80%93-16h00-table-ronde-evaluation-des-politiques-numeriques-%c2%able-referentiel-numerique-%c2%bb-interactions-collectivites-editeurs-enseignants/

 

 

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