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Colloque IREA 2010 : socle commun




Tous
les colloques ne sont pas passionnants. Celui organisé par
l’IREA, institut de recherche du SGEN-CFDT, les 3 et 4
décembre 2010 l’a été. Notamment parce
que l’IREA a fait le choix de ne pas rester « entre-soi », et d’inviter
plusieurs spécialistes ou acteurs qui ont osé la
controverse. Socle commun, compétences,
élèves en difficulté et pilotage
éducatif ont été
décryptés avec exigence, à la
satisfaction manifeste des auditeurs qui avaient bravé la
météo peu clémente…



ouverture« Le socle commun est une
auberge espagnole »
,
introduit Jean-Michel
Zakharchouk
en ouvrant le cinquième colloque de
l’IREA : selon les lectures, part du pauvre, reconcement à
l’ambition, « fondamentaux » pour les élèves en
difficulté, logiques d’opposition binaire entre le
« lire-écrire » et le culturel, autant de « caricatures » que
refuse Zakhartchouk, soulignant que le point de vue sur le socle ne
clive pas selon les répartitions politiques habituelles.
« Avancée ambiguë », complète Françoise Clerc
qui rappelle que la notion de socle oblige à
retravailler des notions à définition
variable : accompagnement, compétences, parcours… « Le recentrage du
système éducatif sur les curricula, les
parcours et les processus autant que sur résultats, me
semble
indispensable. Mais le socle commun ne fait que recycler la vieille
« pédagogie par objectifs », conception faible de la
compétence qui ramène à la scinder en
« éléments de ressources » à
évaluer sans construire les liens entre eux. Les livrets des
élèves enflent de lignes à cocher, et
ne disent pas grand-chose des processus, ni de l’écart
légitime entre la compétence prescrite et la
compétence réelle. Or, la compétence
n’est qu’un modèle théorique, cela n’existe pas
dans la réalité sous cette forme. S’il y a
compétences, c’est toujours face à une situation
(ou une classe de situation). Or, dans le socle, ces situations de
référence ne sont pas
précisées, et le lieu où elles se
construisent non plus. le lien entre situation d’apprentissage et
situation d’évaluation se fait trop peu souvent. En
d’autres termes, quand on évalue la
compétence, on évalue tout autant la
manière dont l’enseignant a organisé la situation
d’apprentissage pour les acquérir… ».
L’entrée
par compétence, pour elle, c’est l’entrée vers le
réflexif, la capacité à
connaître les ressources dont on dispose pour prendre sa
place dans l’espace social.
Olivier Rey :
« La France a du mal à poser dans le
débat public ce qu’elle veut faire de son École »
C’est au responsable de la
très reconnue Veille Scientifique et Technologique de
l’INRP, Olivier Rey,
que l’IREA donne la parole pour un tour d’horizon sur la notion, en duo
avec Roger-François Gauthier, inspecteur
générla de l’Administration de l’Education
Nationale

Compétences et
savoirs de base

reyDans le monde de l’Education,
la question des
compétences se cristallise dans les années 2000,
notamment dans le CECRL (Cadre Européen de
Référence en Langues, 2001), le projet
DESECO-OCDE (1997-2003) qui a
contribué à « forger une doctrine » autour d’un
discours libéral sur l’éducation. « Mais plus que
par l’imposition d’un thème, c’est l’appropriation de
concepts qui sont devenus référents du fait
même de leur existence dans un paysage relativement en
friche, plutôt que par une
imposition forcée »
. Dans la
stratégie de Lisbonne
(2002-2010), l’Europe reprend à son compte la notion de
« compétences-clés », qui aboutit à
plusieurs textes et recommandations. Dans cette perspective, la
définition de la compétence
réfère à de compétences
cognitives autant qu’à des comportements (affectif,
motivation…). Les huit compétences-clés sont
proches des piliers du socle, exceptée la
référence au monde de l’entreprise. Il note que
la
langue anglaise fait la différence entre « skill » et
« compétence » pour différencier les
procédures de base et les compétences plus
globales. « En France,
l’ambiguité est
permanente, et les textes des dix dernières
années oscillent sans arrêt entre le « retour aux
fondamentaux » et les compétences-clés ».

Savoirs savants et
culture commune

Le rôle de l’école est-il de transmettre les
« savoirs savants » ou des « savoirs pour la vie » ? Un chercheur anglais,
Mickael Young, explique
que l’un des enjeux fondamentaux de l’Ecole est de définir
les savoirs universels, que l’Ecole devrait offrir à tous
les
élèves, quelle que soit leur catégorie
sociale d’appartenance, comme patrimoine de l’humanité.
« Cette position,
généralement énoncée par
les « gagnants du système scolaire » semble toujours
légitime, et il nous semble toujours impossible
de remettre en cause ce qui est pour nous une part de notre
identité de
« diplômé ».
Mais ces savoirs « légitimes » sont-ils intangibles ? Quel est
le « noyau dur » des connaissances ? Quelle
légitimité l’Ecole peut avoir pour les
défendre elle-même, éventuellement
contre la société ? »

A cette question, O. Rey veut apporter une réponse
résolument pragmatique :
« Le socle commun est
pour moi un programme commun sur l’Ecole
obligatoire, qui reste trop impensé en France, tant a
été tardif la construction du collège
unique ».
Conséquence ou source du
problème, la définition du rôle du
collège n’est toujours pas réglée :
zone de tri qui ne dit pas son nom ? Propédeutique
à l’enseignement secondaire pour tous, piloté par
le modèle des grandes écoles ? Lieu
privilégié d’acquisition de la culture commune ?
« Dans tous les pays, ce
débat est posé, et les
réponses peuvent être très
différente. Mais en France, nous ne l’avons jamais
vraiment
mené jusqu’au bout, comme si c’était toujours le
maximum
pour tous

qui devait être la
référence »
. En France, il constate
qu’on n’arrête
toujours ses études lorsqu’on est au plus haut de ce qu’on
peut faire, comme par un échec de sa propre « orientation ».
Ne peut-on pas penser une
sortie par la réussite, même quand on ne va pas
aller dans les filières dites « d’excellence » ? parce que les
« compétences transversales » et des
« éducations à.. » ne se
réfèrent pas à des disciplines
constituées, elles ne sont pas la
propriété de tel ou tel champ disciplinaire. « La
société doit donc, au-delà des clercs,
dire ce qu’elle veut pour sa jeunesse, avec l’éclairage des
évaluations
internationales qui nous montrent que la réussite
était corrélée à la
capacité à fabriquer un cursus commun long, et
non à la séparation précoces en
filières. »

Standards et
évaluations

Olivier Rey questionne la montée des évaluations
standardisées externes, aux fins de pilotage
éducatif. Sont-elles compatibles avec
l’évaluation
des compétences ? « Lorsqu’on
évalue des
performances en situation scolaire, parfois avec des QCM, on est loin
de la complexité de l’évaluation par
compétence »
. Il pose en corollaire la question
de la
formation de base d’un enseignant, « technicien de sa discipline » ou
« professionnel autonome » très qualifié,
à même d’être un chef d’orchestre
capable de créer des situations d’apprentissage
complexes ? « Je
suis très perplexe de voir les
enseignants jongler avec les doubles-référentiels
(programme et socle), soumis à des pressions de
conformité très fortes. »
Au-delà
de la
question stricte du programme, la question des curriculum lui semble se
poser
urgemment, beaucoup plus large, intégrant la question des
situations d’apprentissage, la formation, l’évaluation, les
contenus… « Une
approche globale de la notion de professionnalisation,
qui demande d’articuler dans la finesse le national et le local… Il
faut rendre aux enseignants la responsabilité qui est la
leur, et ne pas les transformer en exécutants tayloristes de
circulaires ».

Jean-François
Gauthier : « le besoin de réflexion dans les
établissements scolaires est colossal, et l’institution n’y
répond que faiblement ».

gauthierLorsqu’on écoute les
acteurs,
l’idée est fréquemment
évoquée que le socle soit la
résultante de directives internationales qui fassent que le
pilotage éducatif échapperait à
l’échelon national, partie apparente d’une dérive
libérale. L’étranger, en matière
éducative, est toujours soit une menace soit un
rêve… « Mais
sommes-nous donc persuadés que nous serions les seuls
à avoir une conception du service public ? »
Pour
Roger-François
Gauthier
, le débat initié par Claude
Thélot posait pourtant une vraie question
franco-française… »Pour
comprendre la situation, il ne faut pas se cacher que la
décision amenant au socle a
été politiquement difficile à prendre,
et que les influences de points de vue étrangers ont
été réelles dans la commission
« .
Jusqu’à la signature, les conseillers des ministres qui ont
signé la loi ont été porteurs
d’idées contradictoires. Plusieurs états
non-publiés du texte du Socle Commun ont
été sans doute plus « libéraux » que ce
qui est sorti au bout du compte. « Le
Socle est un objet
francisé, comme le montre clairement le pilier « culture
humaniste ». Ceci dit, sa mise en
oeuvre reste très discutée
par le pouvoir politique, à ses différents
niveaux, comme en témoigne la lenteur avec laquelle le Socle
pénètre l’espace éducatif
français. »

Doit-on renforcer les apprentissages davantage centrés sur
le « faire » que sur le « savoir » ? On sait qu’il existe des savoirs
nécessaires pour entrer dans certains cursus, mais « il y a
un juste milieu à trouver » pour éviter
l’inféodation des savoirs aux pratiques sociales, et Mickael
Young lui même en accepte l’idée. « Mais quand
on
viole les professionnels, on avance pas ».
Il
s’étonne donc
qu’on fasse des compétences le coeur de batailles de
tranchées, et demande d’ouvrir des espaces
de travail pour qu’ils puissent avancer sereinement.

Certaines questions sont
systémiques
: selon lui, le scole commun a donc
besoin que soit
construite une
école du socle commun
, regroupant physiquement
et administrativement l’Ecole et le collège. Plusieurs pays
construisent progressivement cette perspective. De même, il
faut réfléchir à la place du
lycée : le mot « enseignement secondaire » est-il encore
adapté ? le lycée doit-il être un
passage rapide ou un lieu fondateur ? Les questions du socle sont-elles
à traiter à
coup de circulaire ? Si on y tient, ne doit-on pas faire le
ménage dans la cohabitation socle-programme, y compris dans
les examens ? Mettre en avant le socle, n’est-ce pas changer le
paradigme organisationnel, avec la formation et la recherche
à la hauteur de ce ambitions ? Quelle place doit prendre
l’évaluation, et selon quelles modalités ? La
diversité locale des modes d’avancée sur toutes
ces questions demande de mettre plus en avant la question des
standards, comme on a commencé à la faire en
langues.
Quand des pays réussissent des avancées, la
question du « droit » des élèves se pose : pour un
élève qui a validé le socle, peut-on
vous refuser l’accès en classe de seconde ? Pourra-t-on
longtemps faire accepter aux familles que l’institution sait mieux
qu’elle le cursus que doit suivre ses enfants ?
Sur cette imposante liste de questions, la discussion qui
suit est trop brève pour dépasser les plaidoyers
pro-domo, et les leviers à actionner un peu opaques. Suite
après le repas, ça va discuter… SavoirS de base : quelle approche dans les
différents pays ?

Ouvrant la première table-ronde de l’après-misi,
Françoise
Clerc
pose aux orateurs des questions de fond :
– la question des compétences ne coïncide pas avec
celle des champs disciplinaires. Comment réorganiser ?
– ce qu’on connait désormais sur l’activité
cognitive et l’apprentissage invite à modifier le
rôle de la pédagogie, de la simple
transmission de contenu à la construction des connaissances.
Comment ?
– en quoi consiste cette norme culturelle et les standards, qui les
définissent et qui les imposent, avec quels rapports de
force
dans la société ?

Régis Malet : « vers
un risque de dualisation de l’Education sous la pression internationale
? »

rey Universitaire à Lille 3,
R. Malet
travaille sur les politiques éducatives et
scolaires et la formation des enseignants. Pour lui, la difficile
articulation entre savoirs
de base et compétences
de base a une spécificité française,
dans le cadre d’une certaine mondialisation des questions
éducatives, sous l’impulsion des Etats-Unis souhaitant que
les évaluations internationales se développent.
Le concept de « basics skills » (compétences de base) a
été diffusé par le biais de l’OCDE et
de la stratégie de Lisbonne, dans la perspective d’une
amélioration des compétences de bases,
à travers des repères communs pour les objectifs
assignés par les nations à l’Ecole. Dans ce
cadre, la prescription définit l’objectif, et donne aux
acteurs une grande marge de manoeuvre pour arriver aux
résultats. Pour l’instant, la situation est très
différente en France, et l’autonomie des
établissements est toute relative, qu’on la
déplore ou qu’on l’encourage.
Enfin, il pointe un relatif « désanchantement » des
systèmes éducatifs : alors que le plan
Langevin-Wallon voulait amener chacun en haut du système,
comment en arrive-t-on à demander une « base minimum » pour
tous ? C’est sans doute le signe de l’essoufflement le la perspective
de démocratisation égalitaire et le renforcement
du « mainstream » idéologique international. « Est-ce le signe de
l’échec de la logique du modèle
logico-encyclopédique, et la victoire du modèle
pragmatique et instrumental ?
 » pour reprendre les propos
de
Jean-Claude Forquin… Avec
le risque d’une dualisation du
modèle d’éducation et un affaiblissement des
responsabilités spécifiques de la Nation  »
questionne-t-il
en conclusion
Denis Meuret, IREDU : « Il faut se donner
des objectifs réalisables, faute de quoi on marginalise une
partie des futurs citoyens »

reyChangement de ton et de fond radical.
Pour Denis Meuret, un standard, c’est
ce que les élèves doivent maîtriser,
qui ne se confond pas avec le programme, qui est ce que l’enseignant
doit enseigner. Etonné par les « cris d’orfraies » qu’elle
suscite, il propose une définition simple de la
compétence : une connaissance et la
capacité de
l’utiliser. S’intéressant à la situation
américaine, et au programme No Child Left Behind, il indique
que chaque école doit, pour chaque groupe
éthnique, tracer un chemin de progrès
jusqu’à 2014 qui amène tout le monde à
100, quel que soit le niveau d’origine. « Ce programme a donc
incité les équipes dans les écoles et
les collèges a mettre en place des dispositifs
spécifiques pour les élèves en
difficulté »
. Il convient que ce programme
suscite de
nombreux débats, notamment ceux qui pensent que l’objectif
annoncé est totalement irréalisable. Mais en
passant,
il précise que les objectifs du socle commun
français, autour de 600 dans la nomenclature PISA, lui
semblent
beaucoup trop élevés pour que 100% des
élèves le maîtrisent. « J’aurais
préféré qu’on se donne un objectif
réalisable pour tous, au lieu de se préparer
à jeter à la poubelle une fraction importante de
la population au nom du fait qu’elle ne va pas parvenir au standard,
leur indiquant ainsi qu’ils ne sont pas prêts à
être des citoyens ? Mais comment avoir un objectif stimulant
pour tous ? ».

En tout cas, il réfute le fait que le « teaching to the test »
mette à distance les élèves les plus
en difficulté :
« même quand on travaille pour les
élèves juste en dessous du seuil, ceux qui sont
les plus éloignés en profitent ».
Pas
sûr que cet avis fasse consensus dans la
communauté scientfique, commentent ceux qui, dans la salle,
connaissent les résultats de Nathalie Mons ou d’Adam
Gamoran…

Olivier Maradan :
« La Suisse est un modèle réduit des tensions qui
circulent dans les pays de l’OCDE »

Au coeur du projet suisse Harmos
qui vise à harmoniser les standards nationaux de formation,

O. Madaran présente la Suisse comme un modèle
réduit des tensions qui traversent les pays de l’OCDE :
« La Suisse est une
petite europe, et nous avons 26 ministres de l’Education qui gouvernent
chacun leur région. Chez nous, contrairement aux
idées toutes faites, les immigrants
constituent 40% de la population, très
représentés dans les déciles
inférieurs de PISA »
. Les 26 cantons ont
décidé de conduire une réforme visant
à conduire un changement important en dix ans : harmoniser
l’âge d’entrée à
l’école, les différents degrés
scolaires, les compétences unifiées de
l’instruction publique, quel que soit le lieu de scolarisation en
Suisse. Mais l’objectif est aussi de hausser le niveau
général de qualification, dans un
système où la majorité des
élèves passent un diplôme
professionnel qui permet aussi des passerelles vers la poursuite
d’études. Les plans d’étude vont être
harmonisés dans les différentes
communautés linguistiques, et les conditions de travail et
de qualification des enseignants vont progressivement être
harmonisés. « Mais
c’est tellement différent de s’entendre entre les
différentes cultures que nous allons peut-être
échapper aux stricts débats
idéologiques : la question même de la traduction
nous oblige à des éclaircissements ».

Mais il relativise le chemin parcouru : « nous n’avons encore rien fait :
cette logique de curriculum ne dit rien de ce qu’il va falloir mettre
en oeuvre pour mieux former les enseignants à aider les
élèves »

Sabine Kahn :
« L’expression d’un malaise conceptuel ? »

reyPour Sabine Kahn
(université de Bruxelles),
qui est
décidée à ne pas faire dans la langue
de bois, les intentions
des politiques sont très
éloignées de la réalité de
la classe.

Elle explique dans le détail : lorsque les
politiques bruxellois ont mis en place le « décret Mission »,
ils cherchaient à la fois à unifier les
réseaux scolaires et à pousser les enseignants
à avoir d’autres méthodes
pédagogiques, en rendant les élèves
plus actifs au point de vue cognitif, dans un système
scolaire très marqué par la pédagogie
par objectifs. Un référentiel de
compétence a donc été
diffusé
à tous les enseignants, montrant que des
« compétences » générales
réclament la maîtrise de « procédures »
élémentaires qui y concourent. Des
évaluations en trois phases ont été
proposées aux enseignants, qui visaient à les
aider à pouvoir les regarder agir dans les
différents niveaux, du plus complexe au plus
procédural, à partir de l’idée qu’il
ne suffit pas d’entraîner les procédures simples
pour réaliser les tâches complexes et
acquérir la compétence.
Mais l’idée n’a pas donné les
résultats espérés, « sans doute parce que les
enseignants ont été laissés sans
accompagnement, ou parce qu’on leur a répondu qu’ils
n’avaient qu’à être réflexifs ou
à avoir recours à la pédagogie
différenciée »
ose-t-elle
à la tribune devant une salle largement acquise à
ces idées. Lorsque les enseignants sont
confrontés à des modèles
d’évaluation contradictoires, elle ne trouve pas anormal
qu’ils se sentent
désemparés pour agir. Mais qui aurait pu les
accompagner ? Sans doute aurait-il fallu arrêter de les
déprofessionnaliser, de les piloter du haut sans leur
laisser le temps de concevoir ce qu’ils avaient à construire
collectivement. « Entre
les pseudo-certitudes des politiques et l’incertitude permanente de la
classe, comment veut-on que ça fonctionne sans
problème ? »

Jos Bertemes : « Au Luxembourg,
Pisa a été un déclic et nous tentons
d’outiller les enseignants. »

reyPour Jos Bertemes,
responsable au ministère au Luxembourg,
« compétences »
renvoie à « apprentissage » quand
« socle » renvoie à une échelle de
niveau
. Chez lui, les résultats peu flatteurs
de PISA ont plongé le pays
dans la perplexité, et développé
un questionnement sur les modalités d’apprentissage. Ils ont
amené la mise en place de cycle de deux ans,
à repenser l’évaluation pour abandonner la
notation
par points et les moyennes, à créer des outils
d’évaluation permettant de mesurer les progrès au
cours du cycle, mais aussi travailler à des descripteurs
permettant de relier les indicateurs de réussite
à des situations d’évaluation
contextualisées. « Cela
fonctionne plus facilement à l’école primaire que
dans les plus grande classes »
précise-t-il. Le
ministère luxembourgeois a aussi commencé
à proposer à donner
plus de sens aux enseignements : « apprendre
à lire un graphique, c’est nécessaire, mais il
faut aussi apprendre à discuter le graphique ».

Structurellement, le système a fait voter le principe que la
responsabilité de l’acquisition des compétences
devienne la responsabilité collective de l’équipe
pédagogique, avec des objectifs de progrès
inscrits dans le projet de l’Ecole. Le redoublement n’est
désormais possible qu’à l’issue du cycle, sous
réserve d’un plan de suivi individualisé qui peut
donner lieu à attribution des ressources
supplémentaires. Une péréquation des
ressources financières des communes a
été réalisé, et les
écoles reçoivent des financements proportionnels
à leur « indice social », « ce qui est contesté par
les communes aisées ». Les écoles ont vu la mise
en place d’un « président d’école » ayant un
rôle de coordonnateur pédagogique, la
responsabilité hiérarchique étant
maintenue au niveau de l’inspecteur. Un temps de concertation
légal a été défini.
« Avez-vous
progressé dans vos résultats ? »
questionne
la salle ?
« Réponse mardi,
plaisante l’orateur
à la tribune »,
évoquant implicitement les résultats sous embargo
de PISA 2010, qui sont dans toutes les têtes des participants
du colloque…
l’histoire, une clé
indispensable

Claude
Lelièvre : « Nous n’avons pas beaucoup
avancé depuis la création des CES »
lelievreComme à son habitude,
c’est en s’appuyant sur sa formidable culture historique que Claude
Lelièvre va donner un nouvel éclairage
à la question du jour. Attention, décapant et
bouleversant à la fois les idées toutes faites et
les camps retranchés…

La notion de « socle commun » est évidemment en tension avec
le concept de culture commune1, mais l’écart n’est
peut-être pas aussi grand ce qu’on croit.

Tout commence en
1959 avec Berthoin, ministre de De Gaulle, qui porte la
scolarité à 16 ans, la mesure devenant effective
en 1967, quand la clase d’âge grandira. « C’est le
début de la confusion, car entre le moment de la
décision, qui aurait du permettre de redéfinir le
contenu de la scolarité obligatoire, et sa mise en oeuvre,
la réforme Fouché crée le CES
(collège d’enseignement secondaire), à ne pas
confondre avec le collège unique »
. C’est parce
que
la
création du Traité de Rome et la
montée technologique et militaire de l’URSS
inquiète les politiques et
relance la « bataille des cerveaux ». De Gaulle, en bon nationaliste, met
donc en oeuvre une politique volontariste de développement
du supérieur pour renforcer les élites
scientifique. « Il
multiplie le budget de l’Université par quatre, ce qui est
sans
égal dans l’histoire. Il est paradoxal de se
rappeler que cela lui
vaudra la plus grande révolte étudiante que la
France ait connu ! »
plaisante Lelièvre avec sa
faconde
habituelle.
Le CES est donc un dispositif destiné
à capter tous les bons élèves, un
certain nombre d’entre eux étant encore
scolarisés dans les cours complémentaires qui
deviendront
CEG. « De ce point de
vue, cette réforme a réussi
à élargir le recrutement des élites,
au prix de quelques dégâts colatéraux
qu’on va vite mesurer. Nous en sommes toujours plus ou moins
là »
.

Dès
1974, Valéry Giscard d’Estaing donne l’orientation du
collège unique
avec l’ambition de
« l’élévation du niveau de connaissance de chaque
français » et demande qu’on ajoute à l’obligation
de scolarité une « obligation de savoir minimal ».
Malgré les attaques de gauche et de droite, y compris des
enseignants et de leurs syndicats, il va faire preuve d’une certaine
obstination avec la réforme Haby, et publie une brochure
intitulée « Savoirs et Savoirs-faire à l’issue de
la scolarité obligatoire » oubliée de tous, qui
définit un contenu
commun appelé à être acquis, y compris
par des pédagogies différenciées, par
tous les jeunes. Il ne vise pas les
élèves en
grande difficulté, mais les
élèves
qui constituent le plus grand nombre. Mais devant les oppositions
nombreuses, VGE abandonne ces projets pour rester au pouvoir. Il les
ressortira au moment de la campagne de 1981, preuve que ce
n’était pas pour lui une question circonstancielle. « J’ai
voulu le collège unique dans un but d’unité
nationale, parce qu’il manque aujourd’hui une culture commune aux
Français »
explique-t-il alors dans ses meetings
de campagne, réclamant
« un grand
effort d’éducation pour rendre aux français leur
unité culturelle ». Mais il ne sera pas élu…

A quel prix les
notions de « socle » et de « culture commune » pourraient ne pas
être en opposition ?
En 1983, Mitterrand demande au
collège de France un rapport à Bourdieu, ardent
défenseur « d’un
minimum culturel culturel commun, noyau de
savoirs et de savoirs-faire commun que tous les citoyens devraient
posséder. Cette formation élémentaire
devrait être considérée comme le point
d’appui pour une éducation tout au long de la vie »
.
Fin de citation. Mais
Chevènement, après avoir
déclaré que le document est bon, le met dans un
tiroir, s’apprêtant à « siffler la fin de la
récréation » de l’ère Savary.
En 1994, Bayrou appele à « rencentrer le programme
des collèges vers l’essentiel ». Le Conseil National des
programmes, s’appuyant sur le rapport de Luc Ferry, cite aussi bien le
terme de « socle commun de connaissance et de compétences »
que le terme de « culture commune » et cite notamment l’horizon
prioritaire des élèves « moyens faibles ». Dans la
revue de Polytechnique, en mars 1996, Ferry justifie finalement le
choix de
« socle commun » plutôt que « culture commune » en
précisant cependant que le Socle Commun n’est pas un petit
nombre de
connaissances à retenir, mais « l’essentiel des programmes »,
ce qu’il faut avoir acquis, sans signifier que le reste soit
accessoire. Extrait de l’article : « C’est
ce
qu’on transforme du savoir en culture. le socle
commun ne se réduit pas à une conception
instrumentale du lire-écrire-compter »
.

L’année
suivante (1997), le colloque
de Marseille
est initié par Bautier,
Joshua, Rochex… et Lelièvre. S. Josua y explique
que la
question est des plus complexes, et qu’il faut se méfier de
toute conception naturalisante de la culture : « Une solide tradition de
critique de l’école montre qu’elle contribue à
la Distinction culturelle »
. Il fonde alors l’expression « socle de culture
commune »
, rappelant que la société a
une
responsabilité dans l’évolution de la
définition de ce que l’Ecole doit instaurer comme
« à enseigner ». Mais l’expression ne fera pas recette.

La vieille question de ce
qui doit s’appliquer à tous sans nuire à quelques
uns…

Puisque le terme « commun » a pendant quelques semaies
disparu de la loi
de 2005, avant sa publication, il y a bien des raisons de s’en
méfier. Mais la
rédaction finale du texte garantit « les moyens
nécessaires à l’acquisition d’un socle commun »
.
La fin du texte de loi insiste à juste titre sur le fait que
la
logique du socle implique que les grandes compétences ne
sont pas compensables. Pour Lelièvre, c’est la logique
même de la
scolarité obligatoire prise au sérieux.
Mais il constate que les transformations dans les curricula, dans
l’organisation de
l’école, dans l’évaluation, dans la formation des
enseignants n’ont pas été réellement
prises au sérieux par les ministres qui ont
succédé. « Si
on ne sait pas évaluer,
on escamote la mesure de ce qui doit être effectivement
maîtrisé et on se paie de mots. C’est un vrai
défi intellectuel et politique
, un
problème qui
peut apparaître « impossible à
résoudre »
. C’est au nom de cette
difficulté, précise l’orateur, que
la réactionnaire loi Falloux avait
écarté la scolarité obligatoire, au
nom du fait qu’il ne voulait ni demander une « rigueur excessive
à certains, ni abaisser les ambitions pour les meilleurs »
.
Jules Ferry déplaça le problème en
1882 en
parlant de « bien
apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer »
. Mais
définir ce qui est « indispensable et faisable », c’est
très difficile.
C’est toujours cette vieille question qui est au coeur des
débats aujourd’hui, ponctue Lelièvre


Comment avancer ?

Thélot avait accepté l’idée d’une
Haute Autorité pour l’école obligatoire
permettant
d’articuler deux niveaux de décision : « La
définition du contenu du socle doit être
définie politiquement par le Parlement, donnant lieu ensuite
à déclinaision dans les programmes,
nécessairement négociée avec le corps
enseignant et les spécialistes. »
Mais ce
processus n’a pu
aller à son terme. La création du Haut Conseil
à l’Education (HCE), organe
consultatif rendant compte devant le ministre, n’est pas rien. Mais la
création d’une instance rendant compte au Parlement aurait
permis de faire les légitimes arbitrages
« L’éducation
nationale n’est pas un guichet de services
publics »
conclut Lelièvre. C’est bien cette
question qu’il invite à ne pas oublier…

Frustration de la salle de ne pas pouvoir engager le débat.
Mais il faut poursuivre, le menu est copieux…

1.
surtout dans le monde syndical qui adore se cliver, ndlr…

Cas concretSMise en oeuvre du
socle commun : éclairages concrets en primaire…

gouttedorChangement de décor
: on parle du primaire et du terrain, et les femmes sont
désormais en force à la tribune ! Une belle
question de réflexion pour le prochain colloque de l’IREA
qui traitera de la question des garçons et des filles dans
l’Education…

Pour Claire Boniface,
inspectrice de l’Education Nationale, plusieurs questions se posent :
comment concilier les « livrets de compétences »
utilisés par les écoles en direction des parents,
avec le nouveau livret de socle sans travail supplémentaire
? Comment évaluer dans les logiques binaires « acquis-non
acquis » des « compétences du socle » ? Le lien entre les
textes fondateurs et les outils concrets pour les enseignants ne se
fait que trop difficilement. Et comment ne pas confondre les
différents rôles de l’évaluation : au
nom de la
LOLF, ce sont les
équipes de circonscriptions qui vont faire la
remontée des résultats.

Aude Delatouche,
qui
a enquêté auprès des enseignants sur
leur vécu du Socle, confirme la vision critique et les
questionnements sous-jacents relatifs, « amenant
démotivation
et inquiétudes »
: sur le terrain, on questionne
le lien entre socle et
programmes 2008, on regrette le manque d’explications sur ce sujet,
on déplore les coûts de reproduction des outils
matériels, on discute le terme même de
compétence. On se demande surtout comment valider par oui ou par non
une compétence complexe sans risquer d’être
injuste. Enfin, la pertinence même de certains items est
contestée : qu’est-ce
qu’une « capacité » en histoire ?

« Travailler par
compétences, c’est d’abord
identifier ce qu’il y a à apprendre avant de commencer
à préparer sa
classe, et le partager avec l’élève pour mieux
entrer dans sa tête pour
donner sens à ce qu’il y a à faire pour apprendre
et éviter les
malentendus. »
reprécise Claire Boniface. Anne-Cécile Duffez,
formatrice d’enseignants, insiste sur l’ambiguité et les
redondances entre les différents documents-guides pour
l’enseignant, « véritable casse-tête »,
renforcé par
la difficulté à évaluer des items
complexes comme
« savoir rédiger un texte en utilisant un vocabulaire
adapté et en maîtrisant la grammaire ». Le risque
est grand
que chaque école se dote de critères
approximatifs, avec
des disparités importantes d’une école
à l’autre.
Elle illustre ce qu’elle tente malgré tout de faire au
quotidien, notamment en faisant écrire chaque soir dans un
« journal des apprentissages » ce qui a été appris,
suivant
en celà les travaux d’ESCOL et de J. Crinon. Oihandi Bordonada,
enseignante référente à la fois en
école et
en collège, témoigne de la prise de recul des
élèves sur les apprentissages, propice
à
l’amélioration des comportements en éloignant les
affects, lorsque les élèves comprennent mieux le
rôle de l’Ecole et font les liens entre les disciplines. Elle
modère cependant avec la « difficulté
à
faire
entrer les compétences dans le travail du
collège »
, notamment du fait des pratiques
pédagogiques et du manque de
temps
de concertation entre enseignants « pour ne plus faire de la validation
du socle l’affaire exclusive des professeurs de 3e ».
Claire Boniface
conclut avec une insistance spécifique sur la
nécessité de commencer le travail par
compétences
dès la maternelle, et d’articuler le travail
d’évaluation
et d’apprentissage.
…et dans le second
degré…

parisMarie-Christine
Duval
,
IA-IPR dans l’académie de Paris, explique combien les
multiples
et changeantes priorités peuvent rendre difficile
l’investissement des corps d’inspection sur un dossier comme le socle
commun. « Ce n’est que
par l’urgence de la validation du socle pour le Brevet, cette
année, que le problème surgit »
.
Mais, explique-t-elle, les corps d’inspection ne peuvent rien sans les
établissements, et les chefs d’établissements
doivent
s’appuyer sur les disciplines…. et donc les corps d’inspection ! « Nous
essayons de faire passer des messages, mais c’est inégal.
Nous
venons de créer un espace « socle » sur le site
académique
« .
Les freins se situent, pour elle, dans les missions des enseignants qui
n’ont toujours pas été modifiées
(temps de
concertation et de travail collectif), dans l’avancement
différent des diverses disciplines, des outils
disponibles… « Sans
l’impulsion académique, rien ne peut se mettre en place.
Mais je suis optimiste, nous sommes partis… ».
Un
léger mouvement de la salle semble pondérer
l’appréciation positive.
Jean-Marc Coignac,
délégué à la formation de
l’académie
de Paris, insiste également sur les nécessaires
cohérences.
« On
ne peut réfléchir à la formation que
si les
pilotes travaillent ensemble à une
stratégie concertée, permettant un
accompagnement par
la formation »
ose-t-il. Pour l’enseignant, mettre en
oeuvre le
socle, c’est mettre à sa main des outils, comme le fait un
artisan. « Il y a certes
des enjeux de fond, mais aussi des obstacles
concrets »
. Il cite le rapport d’Alain Houchot et F. Robine
sur
l’évaluation, qui montrait déjà en
2007
l’articulation entre compétences et situations
d’apprentissages.
« La formation est un
levier essentiel
pour être en confiance, pour pouvoir parler de ses pratiques,
et
non être systématiquement critiqué. Si
on part du
point de vue que tout enseignant construit un travail qui a une valeur
en soi, si on fait confiance dans la capacité de changer
sans
renforcer l’obligation de rentrer dans une prescription formelle, on
peut réinterroger les pratiques de manière
positive
« .
Pour
lui, les formations en établissement sont le levier le plus
efficace, lorsqu’elles ont été suffisamment
négociées pour être attendues, qu’elles
permettent
un accompagnement de projet par une équipe de formateurs. Il
conclut en insistant sur la dimension modélisante de la
formation initiale,
et le rôle des tuteurs dans la transmission des
« manières
de faire », surtout dans les « nouvelles modalités de
formation ».
Tout ça
pour quoi ?

Peut-on
confronter le point de vue d’acteurs engagés dans des
« camps » différents ? Les organisateurs du colloque ont fait
le pari de mettre en scène la discussion en invitant Jacques
Grosperrin, député UMP auteur d’un rapport
récent sur la mise en oeuvre du socle commun au
collège.
Au passage, on note le retour en force des hommes à la
tribune… Encore un effort à faire, même
à l’IREA ?

forestier« Tout àa pour quoi
? ». C’est avec ces mots directs que
Christian Forestier

présente la table-ronde finale de la journée. « Lorsque
le rapport Grosperrin est sorti, le Haut Comité à
l’Education
(dont il est membre avec Alain Bouvier) a pris la peine de signaler la
qualité de l’analyse. Quelle que soit l’aternance politique,
les
questions qui sont posées par la mise en oeuvre de la loi de
2005 continueront de se poser »
. Pour lui, quelques jours
avant
la publication des résultats PISA, ce qui pourra en
être dit sur
l’état de notre système éducatif sera
à
prendre en compte, notamment sur les clivages grandissant entre les
bons élèves et les élèves
en
difficulté, même si les résultats
montreront que le
temps de l’Ecole est plus proche du « temps du Forestier » que du temps
des politiques. « Notre
système peine de plus en plus à traiter
l’hétérogénéité,
et toutes les
études disent le problème persistant des 20%
d’élèves les plus en difficulté, qui
doivent
être la priorité des priorités, parce
que ce qui
était tolérable il y a cinquante ans ne l’est
plus
aujourd’hui. La mise en place du socle répond-elle
à cet
objectif ? »
. Mais il conclut avec un petit pique
à la
salle en faisant état de ces doutes sur le fait que la mise
en
place des compétences soit une condition suffisante pour
assurer
la démocratisation : « il
n’est pas sûr que les
pays qui
mettent en oeuvre le concept soient les mieux placés dans
PISA »

bouvierAlain
Bouvier : « sans un immense travail de formation… »

« Parler du socle commun,
c’est parler de politique »
. Le socle a pour
ambition de limiter la césure entre le primaire et le
collège, pour se donner des objectifs
d’amélioration des
résultats des élèves. Il salue la
création
d’une commission parlementaire sur les questions
d’éducation,
preuve que le politique veut les remettre à la place
qu’elles
méritent. Mais il fait un mea culpa après les
présentations de la matinée : « Nous
n’avons sans doute pas pris assez conscience de l’immense travail de
formation continue que cela nécessite, et des
différents
blocages à tous les niveaux qui s’opposent à ce
que le
Parlement a voté. L’approche systémique est
nécessaire, liant les outils, l’évaluation et la
formation
« .

grosperrinPour Jacques
Grosperrin,

la commission qui a donné naissance
à son
rapport, composée de députés de droite
et de
gauche, permet de poser les vraies quesitons. « Le
débat de
2012 sera centré sur l’Ecole, et nous voulons que les enjeux
de
l’éducation dépassent la fracture entre droite et
gauche »
. Il demande de ne pas se masquer les yeux sur « la
dégringolade des résultats »
, et
d’accepter l’idée que les
élèves en difficultés soient pris en
charge,
pendant le temps scolaire, dès le primaire. Pour lui, le
socle
commun est bien un savoir minimum qui n’empêche pas d’aller
plus
loin, « comme le fait de
savoir nager n’empêche pas d’apprendre
les
quatre nages ».
..
Il décentre son propos sur la gouvernance
politique : « Mais en
France, on veut trop changer tout en
même temps, selon la loi « Tondeuse à gazon » qui
fait
voter une nouvelle loi à chaque accident qui passe au 20
heures de TF1. »
Il ne conteste pas pas la
tentation des politiques de
« faire le buzz » médiatique, y compris sur les questions
d’école. Pour le collège, il précise
la
nécessité de
renforcer le travail en interdisciplinaire, de supprimer ce
qui
ne marche pas lorsque ça a
été
évalué, et de refaire des questions
d’éducation un objet de cadrage par les
représentants de la Nation pour « éviter
que les
intérêts corporatistes ne deviennent le lobby
principal »
. Suivez mon regard… Mais sur le fond, pas
question de réclamer des moyens supplémentaires :
« La faillitte nous
guette et nous devons donner des gages aux marchés
à qui nous empruntons pour rembourser notre dette. Il faut
accepter de se serrer la ceinture et faire avec ce qu’on vous donne ».

cadartThierry
Cadart, responsable national du SGEN-CFDT, prend quelques distances :
« Nous
avons certes à
prendre conscience de la
difficulté
du défi posé au système
éducatif : avec 20%
d’élèves en difficulté
d’intégration
à la société, on ne peut pas
continuer son petit
bonhomme de chemin… »
Il partage l’idée que
l’enjeu de la réussite de tous les
élèves appartient évidemment au
débat et
aux choix politiques, mais espère que le
débat de
2012 dépassera le niveau du café du commerce.
« Quand je
vois justement ce qu’en disent certains homme politiques, sur l’avenir
de l’Education Prioritaire ou l’entrée en 6e, il y a de quoi
être inquiet. »


Mais si on décide
de
faire le choix d’accompagner cette transformation, « il faut se demander
comment les collègues se mettent en mouvement sans formation
ni accompagnement,
avec des contradictions entre les programmes et le socle. La
révolution mentale ne se décrète pas
à coup
de circulaire, et la confiance réciproque entre les
enseignants
et la société est conditionnée au fait
d’arrêter de faire semblant : tant que le socle commun se
réduira à un document à remplir tout
en maintenant
le Brevet, sans vouloir choisir, on n’avancera pas.
Sans volonté
partagée d’un dialogue social, conclut-il, rien ne permettra
de sortir
de l’immobilisme.
Quelques voix se lèvent de la salle pour opiner, et rappeler
l’inconfort persistant du terrain soumis à fortes
turbulences, et soucieux de trouver une tribune à leur
colère.
Sabine
Kahn
, de la salle,
conclut avant la
conclusion : : « en
Belgique et au Canada, on a vu ce que donnaient les
réformes imposées du haut sans accompagnement des
enseignants : dix ans après, un amer sentiment
d’échec
« .
villeneuve
Reste au
maître de cérémonie, Jean-Luc
Villeneuve
, à annoncer l’agenda des initiatives
à venir et remercier tout le monde pour les deux
journées.
Au-delà du formalisme, un sentiment
partagé pour retourner affronter, pour la plupart,
l’épreuve du réel.

Autres
ressources :

La page
du ministère
sur la question
Socle commun : un
intéressant colloque à l’INRP en novembre 2009

Jean-Michel Zakharchouk : plaidoyer
pour le socle

Le point de
vue de Samuel Joshua cité par C.
Lelièvre dans son intervention (et aussi ici un
point de vue
sur les compétences)