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Nathalie Mons, IREDU : La décentralisation des systèmes éducatifs dans le monde : plus inégalitaire ?

A la fin des années 80, la légitimation théorique du modèle décentralisé est controversée :

  • – risque de capture du pouvoir par des groupes d’intérêts
  • – manque de compétences locales
  • – risques d’accroissement des inégalités.

Pourtant, ce modèle se généralise dans les pays de l’OCDE, malgré des oppositions de styles selon les pays. Plusieurs voies de décentralisation sont explorées :

  • – certains systèmes gardent leurs structures fédérales (USA, Australie, Canada, Allemagne, soit 20% des pays de l’OCDE) dans lequel les pouvoirs locaux assument tous les pouvoirs. Mais on y remarque des processus de remise en cohérence nationale (imposer des standards de programmes et des examens nationaux) en même temps qu’ils accordent de plus larges compétences aux établissements scolaires.
  • – Certains optent pour une décentralisation minimale dans un contexte fortement centralisé (France, Corée, Japon, Luxembourg, un quart des pays de l’OCDE). Mais les collectivités locales interviennent largement dans les financements, en restant en périphérie du champ pédagogique. Ces pays cherchent à déconcentrer et à décentraliser.
  • – D’autres optent pour le modèle de la collaboration, dans un nouvel équilibre entre le centre et les acteurs locaux, qui restent encadrés. Des marges de manœuvre existent sur une part des programmes. Les collectivités peuvent recruter les enseignants, dans le cadre d’une régulation nationale (Un tiers des pays de l’OCDE : pays nordiques -Islande, Norvège, Danemark, Pologne…)
  • – Les états décentralisateurs volontaristes optent pour une rupture profonde en déléguant massivement au local (20% des pays de l’OCDE : Angleterre, Nouvelle-Zélande, Hongrie, Espagne), y compris dans les programmes et la gestion du personnel. L’autonomie de gestion est totale, le financement local, avec de grandes différences selon les régions. Cependant, les certifications restent nationales.

On voit donc que la France est dans un mouvement général, dans lequel elle a pris une orientation médiane. Mais quels sont les acteurs qui ont été bénéficiaires de cette nouvelle orientation décentralisatrice :

  • – collectivités locales
  • – administrations locales sous contrôle des organismes centraux
  • – établissements scolaires

Pour les résultats, la variable « degré de décentralisation » n’est pas opérationnelle : les résultats des élèves ne sont pas corrélés avec le niveau ou l’intensité de décentralisation. Il faut aller voir de quelle manière la décentralisation a été mise en œuvre.
Par contre, un avantage est visible, pour les systèmes qui ont accordé du pouvoir aux établissements scolaires, en particulier pour les meilleurs élèves. A contrario, le manque de régulation nationale augmente les inégalités scolaires et sociales : les systèmes décentralisés ont un net désavantage, quels que soient le type de décentralisation choisis.

L’organisation optimale semble donc celle qui conjugue un pouvoir central qui garde certaines attributions (gestion des ressources humaines, définition des statuts, recrutement) et une part de responsabilité locale dans la déclinaison des objectifs et des programmes, l’autonomie scolaire étant préférable à la décentralisation politique, dans un financement mixte entre l’Etat et les collectivités locales.
Il vaut mieux centrer l’activité d’un chef d’établissement sur l’organisation pédagogique que sur la gestion des budgets.

Notes : P. Picard

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