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Valeurs et contenus d’enseignement

Une éducation intimement liée à des valeurs

D. S. Muley, Inde, raconte qu « un enseignant déclara n jour à son auditoire « L’éducation est importante ». Mais, sans doute à cause de son fort accent local, tout le monde entendit « L’éducation est impotente ». Au-delà de l’anecdote, les deux affirmations lui semblent vraies, car « l’enseignement fondé sur les valeurs est considéré comme essentiel dans les programmes scolaires indiens », mais « il semble n’avoir qu’une portée fort limitée ». De tradition religieuse forte, l’Inde a néanmoins institué un enseignement laïc. L’éducation religieuse continue cependant à avoir droit de cité sous le nom d’éducation au fait religieux. Depuis 2005, une éducation à la paix est mise en place qui « vise à faire acquérir aux élèves les valeurs, les compétences et les attitudes nécessaires à une vie harmonieuse et à une éducation à la citoyenneté ». Pourtant, le thème de la détérioration des valeurs est socialement récurrent ainsi que la question de savoir si l’éducation aux valeurs doit être directe ou intégrée.

Dans les 80% d’écoles publiques et 20% d’écoles privées d’élite, dont les élèves ont de meilleurs résultats aux examens, l’évaluation porte peu sur l’éducation aux valeurs. Elles ressurgissent pourtant encore souvent dans les préoccupations, lorsque la réalité sociale met en avant le problème de l’égalité des sexes, par exemple, ou l’importance de l’honnêteté et de l’intégrité dans les relations sociales.

Les valeurs sous-jacentes propres à chaque pays vont-elles empêcher une homogénéité mondiale ?

Pour Claire Planel, les valeurs sont sous-jacentes dans les contenus d’enseignement anglais. Ce n’est qu’en 1988 qu’un curriculum national a été défin, ainsi que des objectifs de niveau. Si les valeurs anglaises sont plutôt « chrétiennes » (alors que les valeurs françaises sont plutôt citoyennes), l’éducation cvique et les sciences restent moins importantes que les maths et l’anglais. C’est plutôt dans la manière de présenter les choses que le développement des individus, la conscience de l’environnement, l’importance sociale de vertus comme l’honnêteté sont abordés. L’enseignement dispensé aux élèves doit permettre de ressentir la joie et le plaisir d’apprendre : ça doit être « fun ». Ainsi, en maths on les incite à rechercher leur propre solution et en histoire on trouve des exemples où l’accent est mis sur l’empathie plus que sur la connaissance du contexte historique. L’attention aux autres est aussi une valeur forte.

Le socle commun, une organisation porteuse de valeurs

En France, explique Dominique Raulin, on ne se pose pas la question de l’enseignement des valeurs. Pour autant, l’éducation à (l’orientation, la santé et la citoyenneté, les médias, etc.) ne recouvre pas moins de 22 appellations réglementaires et fait l’objet de nombreuses circulaires. L’introduction récente de l’instruction civique et morale à l’école primaire, de l’ECJS et de ses débats au lycée correspond bien à une introduction de valeurs dans les contenus d’enseignement. Et le socle commun, mentionné dans une loi, défini par décret est en lui-même une organisation porteuse de valeurs touchant à l’égalité des élèves. Outil de cohérence, il représente un contrat entre l’école et la nation sur une idée de culture partagée. C’est à la nation qu’il revient de définir les valeurs à respecter et aux disciplines de réfléchir à la contribution qu’elles peuvent y apporter.

Une pénurie de diplômés en sciences

Au Sénégal, un pays classé dans les pays sous-développés, le choix des études de sciences est un choix par défaut alors que les besoins en diplômés scientifiques sont énormes, nous dit Ansoumana Sane. La filière d’élite, celle qui conduit « à porter la cravate », c’est la filière littéraire. Une grande enquête vient d’être menée, à tous les niveaux et sur de nombreuses écoles, pointant ce qui est enseigné ou pas, ce que les élèves en retiennent et les valeurs véhiculées. Un diagnostic a été porté, pointant notamment le manque de pratique expérimentale et le rôle sélectif joué par les mathématiques. Des propositions ont été formulées, notamment celle d’une nouvelle vision, plus marquée et partagée par tous les acteurs, mais accompagnée d’une production concrète, pilotée de manière unique du préscolaire au supérieur. Des questions subsistent pourtant. Comment résoudre les tensions entre la massification et les besoins des pays en développement ? Entre les préoccupations des enseignants et la nécessité de développer un enseignement de qualité ? Entre la logique de formation reçue et celle de la formation à promouvoir ?

En Suède, un livre des valeurs

L’exemple suédois, présenté par Ingrid Lindskog, est celui du « livre des valeurs » intégré au curriculum national. Il porte sur les valeurs fondamentales de l’école, la relation entre l’école et son environnement, le rôle du responsable, l’attitude des élèves, etc. et définit des critères d’évaluation et des objectifs à atteindre. Dans les valeurs fondamentales, stipulées dans le code de l’éducation, il est noté qu’à l’école toute activité devrait s’effectuer en accord avec les valeurs démocratiques fondamentales et que le respect de l’individu et de l’environnement devraient y être particulièrement encouragés. Plus précisément, les valeurs fondamentales sont celles de la liberté individuelle et de l’intégrité, de l’égalité entre les individus et la solidarité avec les plus faibles. Mais l’existence d’un tel texte ne résoud pas les problèmes liés aux contenus de l’enseignement, notamment la place des compétences clés, ni celle de l’interdisciplinarité.

Une première synthèse

Des différentes interventions, on retient que l’approche par les politiques éducatives est bien réelle, mais les pratiques et actions de terrain sont peu évoquées. C’est pourtant au travers des pratiques que se véhiculent, ou pas, nombre de valeurs. Par exemple la pédagogie répétitve ne développe pas chez les enfants les mêmes attitudes qu’une démarche expérimentale comme celle de la main à la pâte. La liberté pédagogique est une réalité en France, sauf pour les classes d’examen. L’obligation de résultats ne s’accompagne pas d’une obligation de méthodes et celles-ci présentent une grande hétérogénéité. C’est peut-être tant mieux car on peut ainsi rencontrer des enseignants qui se mettent davantage dans la position du maître nageur (qui ne se met jamais à l’eau) que dans celle du prof qui fait à la place de l’élève. Cette liberté de l’enseignant est cependant conditionnée par les attentes des autorités.

Les articles des intervenants

http://www.ciep.fr/ries/colloque-2009/atelier-D.php