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Une communauté éducative témoigne :
Les IDD au collège J. Monod du Havre

Caractéristiques de L’Etablissement
Point de vue général
Le point de vue du documentaliste
« Du jeune sportif au jeune citoyen » : un IDD impliquant l’EPS
« A B C pour les IDD » : L’Abécédaire de Cécilia Anthor
Présentation des IDD au collège Jacques Monod par le principal-adjoint

Caractéristiques de L’Etablissement

L’Établissement compte 450 élèves mais la fluctuation entre entrants et sortants est importante. L’environnement socio-culturel le situe dans une zone plutôt défavorisée : entre 26 et 49% de chômeurs parmi les parents d’élèves et pour l’ensemble, des catégories socio-professionnelles peu aisées. Le public vit en majorité dans les HLM alentours, mais certains viennent d’une zone pavillonnaire. Il se caractérise par un mélange ethnique important, mais la majorité des familles sont d’origine maghrébine ou sub-saharienne. Les résultats du brevet des collèges sont faibles par rapport à la moyenne nationale. Le collège est en ZEP.

Point de vue général – Katia Fiollet

Au collège J. Monod, les parcours diversifiés établis depuis plusieurs années ont naturellement cédé la place aux IDD, dont la réussite tient à la fois au travail collaboratif de tous les enseignants et à une réflexion pédagogique approfondie sur les objectifs transdisciplinaires et l’évaluation.

Un véritable travail d’équipe

Ils existent au collège depuis cinq ans (sous la forme de Parcours diversifiés). Ils sont en constante évolution. Ils s’enrichissent de chaque expérience, de chaque nouveau collègue intégrant l’équipe, de chaque erreur.

Le travail d’équipe est donc à la base de nos IDD. L’équipe ne correspond pas uniquement aux deux collègues encadrant un IDD, mais à l’ensemble des professeurs concernés par les IDD. Elle bénéficie du soutien constant d’Alain Faubel, chef d’établissement.

Cela nous permet un travail commun non pas à l’échelle de nos disciplines mais à celle du collège et plus particulièrement du niveau 5e. Nous choisissons une compétence commune qui sera travaillée dans chaque IDD. Depuis quatre ans, nous travaillons donc sur la communication orale. Lors des concertations où nous nous retrouvons tous, nous avons déterminé une liste de critères d’évaluation commune. Ce travail nous permet un suivi des progrès de chaque élève d’un IDD à l’autre.

Une évaluation organisée et efficace

Cette grille de critère a, elle aussi beaucoup évolué grâce à l’expérience, aux erreurs, aux retours des élèves. Durant le dernier trimestre de l’année scolaire 2001-2002 la grille a pris la forme d’un carnet de bord qui permet un dialogue entre élève et professeur concernant l’évaluation. Dans ce carnet, l’élève note l’évolution de son travail, ses objectifs au fur et à mesure des séances, il évalue ses apprentissages en relation avec les critères. L’élève conserve son carnet de bord toute l’année et il y trouve l’évaluation des deux IDD qu’il aura accompli.

On peut déjà observer l’attachement et l’intérêt des élèves pour ce carnet. Ils le remplissent avec soin et sincérité, ce qui permet une réelle évaluation et une observation assez précise des progrès.

Les bénéfices les plus évidents et observables sont :
– la motivation des élèves ;
– l’apport du travail de l’équipe des professeurs « IDD » sur les cours, notamment en ce qui concerne l’évaluation, la mise en projet des élèves et une grande cohérence dans le travail (une réelle transdisciplinarité)
– L’efficacité dans l’apprentissage des connaissances et des savoirs-faire.

Un transfert des compétences

Notre sujet de réflexion actuel concerne le transfert de ce qu’apprennent les élèves en IDD (notamment savoir-faire, savoir être) dans les autres cours. Il semble que ce transfert se fait uniquement quand il est sollicité. Cela nécessite donc un travail d’équipe élargi à tous les enseignants du niveau 5e ( au moins en communiquant clairement les objectifs que les IDD cherchent à atteindre, via la grille de critères)

Le fait que tous les IDD travaillent à partir des même critères nous apparaît ici indispensable pour que les progrès soient plus profonds. De même que l’ancrage des sujets dans le programme. L’ensemble (la totalité) des programmes est enseigné dans les cours. Les sujets des IDD ne sont que des éclairages, des approfondissements des programmes. Il n’y a donc pas d’élèves qui n’auront pas ou telle partie du programme parce qu’ils n’ont pas choisi tel IDD ; ce qui serait alors une inégalité.

Un travail collectif pour les élèves

Dans la majorité des IDD, la réalisation finale est collective et le travail est partagé entre des petits groupes autonomes chargés d’une partie de la réalisation. Une chose importante est donc le fait que chacun dépende des autres ; on n’arrive à l’objectif que si chacun fait son travail. L’apprentissage de l’autonomie se fait à l’échelle du petit groupe (2 ou 3 élèves) et peut être accompagné par les professeurs en fonction du niveau de chacun.

Cependant pour que cet apprentissage soit efficace et soit un réel apprentissage de l’autonomie, la présence de deux professeurs est nécessaire (face à un groupe d’une vingtaine d’élèves maximum). Cette présence de deux professeurs face au groupe durant toutes les séances permet également un réel travail transdisciplinaire porteur de sens pour les élèves. Beaucoup d’élèves en difficulté ont trouvé du sens aux apprentissages à travers les IDD (attrait d’un travail où l’autonomie a une plus grande place, une valorisation par l’évaluation véritablement formative, l’intérêt pour la réalisation finale…)

Les élèves scolairement en réussite apprennent à travailler réellement avec les autres, ils apprécient les approfondissements sur les thèmes et les disciplines qu’ils ont choisis.

Perspectives pour l’avenir

Nous réfléchissons actuellement sur l’évaluation sommative. Comment noter les IDD ? Comment réaliser un barème ? Quel impact la note va-t-elle avoir sur la motivation des élèves ? Mais l’équipe de professeurs a pris cette nouvelle réflexion avec enthousiasme comme un nouveau défi pédagogique à relever qui provoquera, certainement, des discussions enrichissantes.

La situation que nous vivons dans les IDD est une véritable situation d’enseignement où le professeur reste le professeur mais où les élèves se sont approprié les apprentissages.

Quel plaisir de voir des élèves prendre plaisir à apprendre ! Quel plaisir surtout de voir certains élèves découvrir qu’apprendre peut être un plaisir !

Par Katia Fiollet, collège J. Monod, Le Havre.

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Le point de vue de la documentaliste – Danièle Clugery

En poste depuis deux ans dans ce collège, je me suis engagée cette année dans un Itinéraire de Découverte: « Calligraphie et découverte de la langue arabe » en partenariat avec une intervenante extérieure d’origine marocaine, madame Siham Goudhane. Les rôles étaient bien partagés: Siham Goudhane présentait la langue et la calligraphie, je faisais des recherche sur Internet sur l’histoire de la langue et les calligraphes. Deux fois par IDD, monsieur Aminh, un artiste calligraphe, est venu travailler avec les élèves. La production finale était une exposition de fin d’année : affiches et œuvres.

Les aspects positifs :
Le professeur est plus perçu comme un guide que comme un distributeur de savoir. Dans le contexte du collège il est important d’établir des ponts avec la culture d’origine et entre les cultures.

Les aspects négatifs :
La grande difficulté pour un professeur documentaliste c’est d’être mobilisé deux heures par semaine sur le même IDD, et d’être donc moins disponible pour les autres élèves. Le deuxième problème est l’adaptation du fonds documentaire en accord avec les IDD. Le troisième problème est l’encombrement des horaires pour l’utilisation des ordinateurs à cause de l’alignement des horaires IDD.

Le projet pour la rentrée prochaine :
Je ne renouvelle pas l’expérience d’un engagement sur un seul IDD mais je veux pouvoir tourner sur les différents IDD et former les élèves en fonction des besoins liés à leur recherche . A cette fin, j’ai prévu des temps de concertation avec les professeurs travaillant en IDD pour cibler mon type d’intervention.

Je dois souligner la qualité relationnelle exceptionnelle qui anime le collège. La mise en place des IDD demande des temps de concertation pour assurer une cohérence de cet enseignement. Les IDD sont des temps d’enseignement, même si le processus d’apprentissage est différent, leur déroulement et leur production requièrent un haut niveau d’exigence certainement équilibré par l’accompagnement. Le sujet de réflexion actuel : quel transfert entre IDD et enseignement disciplinaire?

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« Du jeune sportif au jeune citoyen » : un IDD impliquant l’EPS
Nicolas Olivier et Xavier Levêque

Les IDD dans la relation avec les élèves

L’intitulé, « Du jeune sportif au jeune citoyen », casse l’image de la pratique sportive centrée habituellement autour des idées d’amusement, de performance ou de victoire et permet d’aborder les notions de respect, de citoyenneté, de responsabilité, d’autonomie. Elle influence aussi l’expression ‚écrite et orale. Autant de choses que les élèves pensent souvent connaître et maîtriser alors que ce n’est pas le cas. Ces notions généralement abstraites abordées en éducation civique, prennent véritablement sens lors des IDD. La différence entre le discours théorique et sa mise en pratique est à la base du parcours.

Objectif : faire ressentir aux élèves que la règle et le règlement mis en place quel que soit le contexte n’est pas quelque chose d’imposé gratuitement sans logique ni sens mais une condition nécessaire au bon déroulement de l’activité On fait le pari de cette compréhension grâce aux jeux sportifs pour ensuite permettre un transfert de ces compétences vers le cadre général de la vie dans l’établissement.

La production finale de cet itinéraire consiste en la création d’un jeu et de ses règles, destiné à être testé et joué par d’autres élèves le jour de la fête du collège. A la fin, on met en relation la règle de leur jeu avec les règles du collège et celles de la vie quotidienne sous la forme d’un tableau thématique. Par exemple, « ne pas insulter l’adversaire dans le jeu », « avoir un langage respectueux envers une personne de la même génération ou adulte »…

Le travail en collaboration avec un autre professeur ainsi que les groupes interclasses (entre seize et vingt élève par groupe) enrichissent la relation d’enseignement, permettent un recul par rapport au contenu et à l’acte d’enseigner. Pour l’enseignant, c’est l’occasion de redynamiser régulièrement sa propre motivation et de se remettre en question plus facilement. La co-animation est même la richesse de l’IDD, son point fort : l’élève peut choisir l’interlocuteur adulte selon ses besoins, la gestion du groupe est plus aisée, la connaissance de chaque élève est meilleure. Cela est enrichissant pour l’élaboration même de l’itinéraire, puisque chacun y apporte sa propre expérience, et cela influe également sur la dynamique de la séance. Le choix du professeur avec qui l’on collabore a donc une grande importance. Nous élaborons ensemble les objectifs après avoir fait le bilan de la séquence précédente. Avec le temps, les supports que nous utilisons évoluent et nous pratiquons une pédagogie différencié en gardant les mêmes objectifs mais en variant les chemins d’apprentissage.

Articulation avec les cours :

La question fondamentale est de savoir comment évaluer le transfert des compétences, car l’IDD n’est pas rattaché à un point particulier du programme mais plutôt à un savoir être qui se décline dans l’ensemble des disciplines : attitude en cours, réaction face à la violence physique et verbale, acceptation de la règle… Néanmoins, les critères d’évaluation sont communs à tous les IDD du collège, en plus de quelques items propres à chaque IDD.

Difficultés rencontrées :

C’est particulièrement l’image des IDD auprès des élèves qui pose problème : revers du choix, cela prend un peu de temps de savoir que ce n’est pas une animation mais un cours. Cette image évolue au fur et à mesure des années. Par ailleurs, il nous manque des IDD dans les matières scientifiques.

Dans une optique de travail en recherche autonome, les élèves rencontrent également des difficultés à cause des contraintes d’emploi du temps. Mais le point positif est que cela permet de scinder les groupes.

En revanche, les élèves ont un regard différent sur les profs, par exemple, ils disent bonjour spontanément même si ce n’est pas le même professeur qu’ils ont en cours qu’ils croisent.

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« A B C pour les IDD » : L’Abécédaire de Cécilia Anthor

A uto-évaluation :
L’un des principes de base de l’IDD. L’évaluation, sans note, est faite conjointement par les élèves, séance par séance et par leurs professeurs. L’évaluation du professeur porte sur deux éléments : le contrôle continu de la motivation et du travail de l’élève au fil des séances et l’appréciation sur la production finale. Pour s’évaluer, l’élève dispose de fiches de critères, élaborées et reformulées chaque année par l’équipe IDD. La dernière mouture 2002, en expérimentation actuellement, est un cahier de bord qui suit l’élève durant ses différents parcours sur l’année.

B inôme :
Un autre principe de base. Les cours sont assurés et co-animés par deux professeurs. Ce principe a l’immense intérêt de changer (positivement) la relation traditionnelle : des élèves / un professeur. Elle enrichit le point de vue possible sur un élève. L’élève prend très vite l’habitude d’avoir deux interlocuteurs à qui il s’adresse de façon naturelle et aléatoire. Autre point positif : faire cours à deux est très agréable, crée une émulation et encourage à soutenir des projets parfois lours. Une seule condition peut-être au succès, mais indispensable : le binôme des professeurs doit s’être créé volontairement, sans être imposé, et les deux collègues doivent avoir des affinités.

C hoix :
Troisième principe fondateur : les élèves choisissent les parcours qu’ils ont envie de suivre. Au collège Monod, on propose une liste de plusieurs parcours aux élèves qui doivent en choisir trois par ordre de préférence et, dans la mesure du possible, deux de leurs vœux sont respectés. Ce principe de choix est moteur dans la motivation des élèves même s’ils ne savent pas toujours ce qu’ils vont trouver dans le parcours qu’ils ont sélectionné.

D écouverte
Est le maître-mot. Nouvelles conditions de travail, nouvelles approches, nouveaux élèves trois fois dans l’année…

E nseigner autrement,
C’était l’objectif des IDD et, en effet, les conditions matérielles de l’enseignement, l’évaluation (différente) et l’approche peut-être plus ludique et, en tout cas, plus pratique des contenus changent la vision du cours chez les élèves mais aussi chez leurs professeurs. Mais enseigner autrement c’est tout de même enseigner (et j’y tiens). L’élève doit acquérir de vraies connaissances, de vrais savoir-faire et doit se plier à l’obligation d’assister à ce qui reste un cours.

F rançais:
C’est ma discipline et elle offre l’immense intérêt de pouvoir s’adapter aisément aux contenus d’un IDD quel qu’il soit. En effet, en dehors des contenus de connaissances, l’apprentissage du français nécessite un certain nombre de savoir-faire qui peuvent tout à fait être enseignés à partir de n’importe quel thème, à partir de supports très variés.

G roupes :
En IDD., l’élève sort du groupe classe pour intégrer un autre groupe, provisoire et différent, une seule fois par semaine. L’ambiance en est changée. Quand nous avons commencé les parcours, ces groupes comptaient environ seize élèves, issus des différentes cinquièmes. Aujourd’hui, nous atteignons les vingt-deux ou vingt-quatre élèves, ce qui devient une limite, à ne pas dépasser semble-t-il. Par ailleurs, les élèves ont la possibilité de travailler en petits groupes sur des sujets différents. Ces groupes ne se constituent pas forcément par affinités (puisqu’ils ne se connaissent pas nécessairement). Pour moi qui travaille toujours en classe entière dans ma discipline, le parcours a été l’occasion de développer un travail en groupes, très intéressant et de pratiquer une pédagogie dite « différenciée ».

H oraire :
1 heure 30 par semaine pour chaque élève, sur 9 semaines consécutives, voilà le rythme d’un IDD au collège Monod. En ce qui nous concerne, nous avons souvent pratiqué le dépassement d’horaire (1 h 45 voire 2 h de cours) en fonctionnant davantage par objectif de séance. Les élèves sont libérés quand l’objectif est atteint. A leur charge de travailler efficacement pour partir à l’heure.

I tinéraire de découverte :
Il faut se familiariser avec la terminologie officielle, qui change souvent, mais qui recouvre parfois des réalités identiques. Depuis cinq ans, nous faisions des parcours diversifiés, l’année prochaine nous ferons des IDD diversifiés, découverte, différents, l’idée reste celle d’un renouvellement de certaines pratiques pédagogiques pour une pédagogie de projet. J’aurais dû dire enrichissement et non renouvellement car ces pratiques pédagogiques, anciennes, restent parfois néanmoins tout à fait valables.

J eudi :
Depuis des années, c’est le jour des parcours pour les classes de 5ème du collège Monod. De 15h00 à 16h30, tous les emplois du temps des classes de 5ème sont alignés dans cette perspective.

K atia :
C’est mon binôme à moi, ma complice des parcours depuis le début. Elle est professeur d’histoire-géographie. J’ai beaucoup appris avec elle, je me suis bien amusée au fil des années (et oui, c’est possible), bref j’ai pris beaucoup de plaisir à co-animer un parcours avec elle. L’équilibre et la répartition des rôles se sont faits tout naturellement et je tiens à dire que, si aujourd’hui je l’abandonne pour faire une pause, je regretterai cette complicité dans le travail.

L acunes :
On espère que les IDD, en approchant les savoir autrement, permettront aux élèves qui en ont beaucoup d’en combler certaines. Nous avons constaté que, parfois, cela marche et nous avons connu quelques réussites. Certains élèves sont devenus incollables sur l’équipement du chevalier médiéval ou sur la fabrication d’une cotte de maille ! Un petit bémol : certains élèves ne réinvestissent pas les connaissances acquises en parcours dans les autres cours, même lorsqu’ils en auraient l’occasion.

M otivation :
Elle est souvent grande chez les élèves qui se retrouvent rapidement impliqués dans un projet personnel, qu’ils doivent prendre en charge et dont l’aboutissement est presque toujours valorisant. Ils présentent leur travail à d’autres élèves et aux adultes du collège, à des élèves des écoles primaires, à leurs parents parfois et ont à cœur, malgré le trac, de faire bonne impression. Pour certains élèves qui s’ennuient à l’école et dans les cours traditionnels, la motivation en IDD peut venir du fait qu’ils n’ont pas toujours l’impression d’être en train d’apprendre étant donnée la nouveauté des approches.

N euf semaines :
C’est la durée d’un IDD pour un élève au collège Monod. Deux fois neuf semaines dans l’année et un trimestre sans parcours. Ce n’est pas si long finalement et pour entreprendre et achever un projet, il faut parfois tenir un rythme soutenu. Pour les enseignants, deux possibilités. La première c’est de recommencer la même chose toutes les neuf semaines puisque les élèves, eux, sont différents. Nous avons testé la formule la première année : c’est lassant et ennuyeux. Le professeur sombre dans une routine dans laquelle sa propre motivation risque de s’étioler. La deuxième possibilité (pour laquelle nous avons rapidement opté) est de changer de sujet lorsqu’on change d’élèves. Beaucoup plus intéressant !

O bjectifs :
Un objectif commun à tous les IDD est défini par l’ensemble des enseignants. Au collège Monod, c’était (on peut changer !) communiquer à l’oral. Ensuite, on définit ensemble des objectifs communs sur les savoir-faire et les savoir-être. Certains objectifs de savoir-faire peuvent être définis pour un seul IDD comme c’est le cas évidemment pour les contenus de connaissances.

P rogramme :
Les I.D.D. étant des cours, ils doivent s’inscrire dans le cadre des programmes des niveaux concernés. Puisque l’un des principes est la transdisciplinarité, l’IDD doit enseigner des éléments du programme qui concernent au moins deux disciplines. Exemple : le thème de notre IDD en 5ème était le patrimoine normand médiéval. Le Moyen Age (féodalité, chevalerie, événements historiques) est au programme d’histoire des élèves de 5ème. La recherche des informations, leur sélection, leur organisation puis leur reformulation s’inscrivent dans le programme de français.

Q uestions :
Elles sont nombreuses en IDD. Les professeurs en posent beaucoup, les élèves aussi.

R éponses :
Au début, ce sont les professeurs qui les apportent, en soumettant des supports de recherches aux élèves. A la fin du parcours, en théorie, l’élève doit être capable d’y répondre seul. Elles portent sur deux aspects : les connaissances et la manière dont l’élève a travaillé pour les acquérir.

S ujets :
A partir d’un thème commun (le patrimoine médiéval normand), les élèves, guidés par leurs professeurs, font émerger des sujets possibles. Après avoir arrêté le nombre des sujets (environ 6 à 8), les élèves se répartissent en petits groupes et travaillent sur un seul sujet en autonomie. Les différents sujets se trouvent réunis à la fin dans la production finale qui est commune et engage tous les élèves (Cdrom, visite guidée d’un monument…)

T ravail :
Pour les élèves, une notion disparaît, c’est celle des devoirs à la maison. Il n’est pas interdit à l’élève de travailler chez soi (bien au contraire) mais cela ne lui est jamais imposé. Le travail se fait en classe et en groupe. Les professeurs ramassent le travail de l’élève à chaque fin de séance, font le bilan de ce qui est fait et de ce qui reste à faire et recadrent à la séance suivante. En ce qui concerne le travail des professeurs, voir la rubrique week-end.

U nanimité :
A Monod, le travail en IDD est un travail d’équipe. Les objectifs prioritaires, les critères d’évaluation sont construits ensemble. Cela permet de faire des bilans qui donnent une vue d’ensemble, de ne pas se sentir seul dans les difficultés, d’harmoniser des pratiques.

V oyage :
L’itinéraire de découverte n’est-il pas le moyen d’envisager que les élèves voient autre chose que ce qu’ils connaissent. Sorties, voyages, visites peuvent être un moyen d’enseigner autrement.

W eek-end :
Parfois chargé pour les enseignants en IDD ! Le travail de préparation est important si l’on veut savoir où l’on va, les bilans demandent aussi du temps. Parfois, il faut même voir son binôme pendant les week-end ou les vacances !

X tra ou X ténuant ? :
A essayer pour se faire un avis.

Y oupi ! :
Bilan global plutôt positif à partir du moment où l’on reste exigeant sur le travail des élèves. Il n’y a pas qu’aux élèves que les IDD peuvent apprendre des choses.

Z .E.P. :
Dans des collèges difficiles comme le nôtre, enseigner autrement n’est pas un luxe ou une mode. La pédagogie de projet, bien gérée et bien dosée semble une nécessité.

Par Cécilia Anthor, professeure de français au collège Jacques Monod du Havre.

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Présentation des IDD au collège Jacques Monod
Par Christophe Derambure, Principal-adjoint.

Structure du dispositif en 5ème

– 6 divisions de 22 élèves en moyenne pour chacune d’entre elles
– 5 IDD proposés aux élèves dans la 2ème semaine de rentrée
– 8 enseignants engagés ( 10 élèves pour un enseignant)
– L’élève choisit trois IDD, il en suivra deux.

Je procède à la répartition des élèves et je transmets le résultat aux enseignants. Un IDD se déroule sur 9 séances de 1h30 chacune. Je prévois un alignement de toutes les classes de 5ème le jeudi de 15h00 à 16h30.

Le calendrier

Une concertation a lieu en septembre (sur le créneau IDD, soit 6 heures). Les enseignants « expérimentés » conseillent les nouveaux, le « calage » de l’évaluation occupe au moins deux séances. Mon rôle consiste a faire le lien entre les collègues, à synthétiser, reformuler, transmettre les ordres du jour et comptes rendus, je suis, en tant que pilote du dispositif, un facilitateur, un accélérateur, parfois un médiateur. Je suis garant de la cohérence du dispositif.

La première vague d’IDD s’étale d’octobre à début décembre. Le bilan a lieu avant Noël. La deuxième vague s’étale de janvier à mi-mars où le second bilan a lieu. Enfin, une troisième vague s’étaend d’avril à mi-juin. Fin juin, nous en faisons le bilan et élaborons nos plans pour l’année suivante

Les facteurs de réussite

– La phase préparatoire de septembre :

Cette étape est essentielle dans le pilotage du dispositif. En faire l’économie aurait les conséquences suivantes :
– éparpillement des collègues et des contenus ;
– perte de lisibilité ;
– perte de la cohérence ;
– risque d’égarement vis à vis du cœur de l’IDD : les programmes, l’interdisciplinarité, la transdisciplinarité, le travail d’équipe, le sens.

Le pilote du dispositif doit exploiter cette phase pour agréger son équipe autour d’une évaluation commune.

– L’ancrage des contenus dans les programmes :

Pour deux raisons :
– la validité (notamment aux yeux des anti-IDD de la salle des profs)
– l’intérêt et la réussite de l’élève

– La connaissance transversale des programmes :

Le pilote doit avoir lu et pris connaissance des programmes des différentes disciplines sur le cycle central. Le collège Monod peut encore progresser en faisant en sorte que les professeurs aient une meilleure connaissance des programmes des matières qui ne sont pas les leurs.

– Un cadrage et un pilotage au niveau de la direction :

Le « y a qu’à  » « faut qu’on » adressé aux enseignants conduit une direction et son équipe pédagogique dans le mur. La direction doit se relever les manches et être convaincue du bien-fondé et de la validité de ce dispositif.

– La formalisation et le suivi de l’évaluation :

Les nécessités sont les suivantes :
– des critères communs ;
– des outils communs ;
– des compétences en terme de savoir être et savoir faire négociées à l’échelle de l’équipe IDD ;
– une officialisation de cette évaluation (elle doit apparaître sur le bulletin trimestriel) ;
– une part de cette évaluation doit être formative.

– Les phases Bilan

Elles sont essentielles afin de régler  » le tir  » et de recadrer les collègues qui s’éloigneraient des objectifs initiaux et qui par conséquent valideraient les craintes des anti-IDD : « vous n’enseignez pas dans vos trucs et vous gaspillez des moyens prévus pour les disciplines !! »

Les difficultés au niveau du pilotage

Je rencontre quelques difficultés dans le pilotage de l’évaluation :

– décalage entre période de fin de trimestre et période de fin d’IDD
– face aux collègues qui souffrent avec l’évaluation, face à l’enseignant qui n’a pas, dans notre institution, la culture de l’évaluation, face à l’enseignant qui considère l’évaluation comme quelque chose de rébarbatif, face à l’enseignant qui est satisfait de son IDD parce qu’il a la certitude que « ça s’est bien passé », mais comment mesure-t-on le « ça s’est bien passé » ???
– la quasi absence de littérature sur le sujet : évaluation et IDD.

La cohérence

Selon moi, le travail du collège Monod doit être poursuivi de la manière suivante :

Un thème général et transversal doit être fixé pour les raisons suivantes :
– ce thème serait un excellent levier pour travailler le sens des apprentissages fixés par les programmes
– ce thème amènerait du lien entre les matières et par conséquent favoriserait peut-être le transfert au niveau de l’élève lorsque celui-ci est placé en situation d’apprentissage dans le cadre des cours traditionnels.

Ce thème transversal décliné dans chaque IDD sous l’angle des différentes matières doit être balisé par l’évaluation, élément agrégatif : des critères et des outils communs.

Pour encore plus de cohérence, il nous faut nous appuyer sur le projet pédagogique appliqué à l’horaire normal réglementaire et sur le projet construit pour l’IDD lui-même. Veiller à cela permet non seulement d’éviter la scission, l’opposition entre IDD et cours normaux, ces derniers étant taxés de cours ennuyeux et rébarbatifs par les élèves si l’IDD est trop éloigné des contenus disciplinaires mais aussi de renforcer la cohérence entre le programme et l’IDD. Veiller à cela nous permet d’éviter la dérive atelier ou animation .

Les difficultés à surmonter

– Le transfert des connaissances et compétences acquises en IDD vers les situations d’apprentissage en cours. L’élève ne transfère pas suffisamment selon les collègues ou pas assez rapidement.
– Le réinvestissement des compétences acquises est également encore insuffisant.

EN CONCLUSION

Le dispositif mis en place au collège Jacques Monod est une réalité concrète qui fonctionne et qui actuellement commence à être reconnue au niveau académique. Mon expérience en tant que pilote du dispositif me permet aujourd’hui d’identifier les pièges potentiels dans le fonctionnement, les risques de dérive. Il est indéniable que ces IDD constituent des facteurs de motivation évidents au niveau des enseignants mais aussi et surtout au niveau des élèves. Il est fréquent de constater que nos IDD prévus sur 1h30 durent régulièrement 2h ou que les 9 séances prévues deviennent 10 ou 11 séances. Par ailleurs, la qualité relationnelle élève/prof s’affiche clairement. Les IDD ont joué également un autre rôle dans le collège : ils ont dynamisé la vie de l’établissement. L’IDD EPS/éducation civique a stimulé de façon étonnante l’UNSS grâce à la qualité de la relation élève/professeurs d’EPS, et l’IDD « suivez le guide ! » a constitué une fenêtre pour la liaison école primaire – collège puisque les élèves de CM1 et CM2 du secteur ont pu découvrir un camp médiéval, production finale de l’IDD, installé dans le collège.

L’IDD a donc permis de mettre en relation professeurs de collège et professeurs des écoles. Rarement, la validité et l’efficacité d’un dispositif pédagogique, au sein de notre institution, n’ont dû autant être argumentées pour continuer à exister. L’IDD dérange encore parce qu’il sous-tend une mini-révolution de la pratique enseignante individuelle et collective. J’observe également que l’enseignant engagé en IDD a commencé cette mutation mais, pour autant, sa pratique reste parfois inchangée dans ses cours traditionnels. Je vois là, peut-être, une des raisons majeures du manque ou du non réinvestissement des compétences acquises en IDD de la part de l’élève. A débattre …

  1. Pourquoi les Itinéraires de découverte ?
    Itinéraires de découverte, TPE, Travaux croisés… et ma discipline ? André Giordan
    Itinéraires de découverte : « les réformes sont toujours des paris », entretien avec Jean-Michel Zakhartchouk et Florence Castincaud.
  2. IDD et TIC :
    De quelques différences entre les IDD et le B2i ou comment introduire les TIC dans les pratiques d’enseignement ? Bruno Devauchelle
  3. Une communauté éducative témoigne : Les IDD au collège J. Monod du Havre : Caractéristiques de L’Etablissement; Point de vue général; Le point de vue du documentaliste; « Du jeune sportif au jeune citoyen »: un IDD impliquant l’EPS; « A B C pour les IDD »: L’Abécédaire de Cécilia Anthor; Présentation des IDD au collège Jacques Monod
  4. Points de vue disciplinaires
    Le casse-tête du chef d’établissement
    « Ils ont changé leur regard sur les professeurs »
    Les soucis du documentaliste
    En Histoire-Géographie
    Le débat en langues anciennes
  5. Les IDD en pratique
    Pïloter son activité par tableau de bord
    Evaluer l’itinéraire, une phase bizarre
  6. Des liens pour les IDD

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