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Les soucis du documentaliste – Bernard Bringer

Je suis documentaliste en collège (Collège Pasteur à Mâcon). Mon impression sur les IDD (à l’heure actuelle, c’est à dire avant réalisation et mise en pratique) : c’est le type même de la bonne idée qui risque d’être gâchée par une mise en oeuvre « usine à gaz » dont nos technocrates ont le secret.

Ainsi :
– le dispositif retenu impose (au nom de la liberté de choix des élèves) des groupes composés d’élèves de toutes les classes. Je ne sais pas si on y gagnera en terme de fonctionnement. Je suppose que, par rapport au fonctionnement en groupe classe, c’est toujours le hasard qui interviendra dans la « qualité », la cohérence du groupe. En tout cas cela nécessitera des barrettes dans l’emploi du temps pour que tous les groupes soient refaits à la moitié de l’année lors du passage d’un domaine à l’autre. Concrètement, toutes les classes de 5e vont travailler ensemble sur un même créneau horaire (chez nous, le jeudi après-midi) et donc se retrouver en même temps au CDI. C’est évidemment impossible et c’est un des piliers des IDD (le travail autonome de recherche) qui risque de manquer. Ou alors on retombera dans la vieille pratique qui consiste à donner tout ou partie du travail de recherche à faire hors temps de cours et ses vieux travers : favoriser les plus motivés, ceux qui sont « équipés » à la maison, qui « savent » utiliser internet… ce qui revient à se mettre dans l’impossibilité d’assurer une égalité de traitement entre les élèves et à intervenir dans le domaine méthodologique y compris auprès de ceux savent-utiliser-internet-parce qu’ils-l’ont-chez-eux « .

– Autre souci : la définition rigide des « domaines ». Au point de vue épistémologique c’est vraiment très contestable : pourquoi pas « arts et nature », « nature et civilisation », « langues et humanités » ou « création et corps humain » etc… ? Pourquoi ne pas faire confiance aux enseignants pour proposer des idées de passerelles ?

– En ce qui concerne la liberté de choix donnée aux élèves : chaque équipe de professeurs aura pris la peine de définir et expliciter les projets proposés. Mais il ne s’agit jamais que d’une description forcément brève. Pourquoi ne pas avoir simplement demandé aux enseignants (l’équipe pédagogique), dans chaque classe, de prévoir des thèmes passerelles entre les grands blocs disciplinaires (sciences, lettres, arts, sciences humaines, technologie et sport), validés par les instances représentatives (conseils d’enseignement, CA…) et hiérarchiques (les IPR pourraient trouver là un rôle d’animateurs et de conseillers…) ? Ce qui laisserait beaucoup de liberté aux enseignants, déjà largement habitués à la démarche de projet et beaucoup de possibilité de souplesse dans l’organisation.

– Enfin, je suis inquiet lorsque je vois que certains enseignants ne prévoient pas dans leur progression ces temps de travail autonome au CDI. Peut-être parce qu’il subsiste une réserve devant « l’intrusion » d’un partenaire extérieur avec ses propositions en matière d’objectifs. Mais aussi parce que le rôle et la place des documentalistes n’ont pas été suffisamment affirmés par les textes. Les IDD constituent une chance historique de confronter nos élèves aux techniques de recherche, de lecture des documents, de présentation / exposition d’un travail. Ce serait dommage de passer à côté parce qu’on a, encore une fois, un peu oublié ou marginalisé les documentalistes. Il faut affirmer que ce temps de travail, pour TOUS les élèves est obligatoire, PENDANT le temps de cours et en préciser les objectifs et l’évaluation. Faute de quoi on reviendra à l’exposé alibi, plus ou moins dépendant des compétences « a priori » des élèves ou de leurs motivations, sans réel apprentissage méthodologique et de l’autonomie, généreusement noté et aussi vite oublié. Une dynamique a été lancée, reste à faire vivre ce qui est une nécessité : jeter des ponts entre les disciplines, favoriser l’apprentissage de l’autonomie et l’acquisition, dans la recherche documentaire, des bases méthodologiques.

  1. Pourquoi les Itinéraires de découverte ?
    Itinéraires de découverte, TPE, Travaux croisés… et ma discipline ? André Giordan
    Itinéraires de découverte : « les réformes sont toujours des paris », entretien avec Jean-Michel Zakhartchouk et Florence Castincaud.
  2. IDD et TIC :
    De quelques différences entre les IDD et le B2i ou comment introduire les TIC dans les pratiques d’enseignement ? Bruno Devauchelle
  3. Une communauté éducative témoigne : Les IDD au collège J. Monod du Havre : Caractéristiques de L’Etablissement; Point de vue général; Le point de vue du documentaliste; « Du jeune sportif au jeune citoyen »: un IDD impliquant l’EPS; « A B C pour les IDD »: L’Abécédaire de Cécilia Anthor; Présentation des IDD au collège Jacques Monod
  4. Points de vue disciplinaires
    Le casse-tête du chef d’établissement
    « Ils ont changé leur regard sur les professeurs »
    Les soucis du documentaliste
    En Histoire-Géographie
    Le débat en langues anciennes
  5. Les IDD en pratique
    Pïloter son activité par tableau de bord
    Evaluer l’itinéraire, une phase bizarre
  6. Des liens pour les IDD

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