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Par François Jarraud

Les lieux virtuels aussi peuvent être des sanctuaires. C’est le cas de la liste de discussion Ecogest. Qu’on en juge. Crée par l’institution il y après de 10 ans, Ecogest arrive à être une liste de discussion bien vivante (près de 7 000 messages par an) et non modérée. Incontestablement c’est un cas unique dans l’univers éducatif français, qui doit beaucoup aux qualités de son initiateur, Alain Séré, de sa gestionnaire, Annie Kintzig, et de ses membres, les professeurs d’économie-gestion. Evidemment c’est lors d’un jour de grève, le 24 janvier, que la liste passe le cap symbolique des 4 000 abonnés. C’est l’occasion de demander à Annie Kintzig les ingrédients de cette recette miracle.

FJ- 4 000 abonnés, c’est énorme pour une liste de diffusion d’enseignants. Ca représente quel pourcentage des professeurs d’éco-gestion ?

La liste a été créée il y a bientôt 10 ans, en octobre 1998, par Alain SÉRÉ : une initiative personnelle mais qui inscrivait d’emblée cet instrument sur le terrain des échanges professionnels. Dans son message inauguratif, il écrivait « Ecogest doit s’animer (pour montrer qu’elle est née), être animée (des bons sentiments dits dans la charte) par toutes les volontés de ses abonnés animateurs pour atteindre son objectif principal : relier le plus grand nombre de professeurs d’économie-gestion.

Le seuil des 50 abonnés franchi, l’espace de communication aurait atteint son seuil critique. Nos espoirs sont naturellement d’enregistrer une croissance soutenue de l’audience dans les semaines et les mois qui viennent. »

Ce souhait est devenu progressivement une réalité : les pionniers de 1998 ont été peu à peu rejoints par de très nombreux collègues désireux d’échanger sur leur métier à travers de nouveaux outils de communication.

Aujourd’hui, nous sommes plus de 4 000 à échanger quotidiennement sur notre métier. Cependant, ce nombre, si important soit-il, ne représente en fait qu’un pourcentage relativement faible des professeurs d’économie-gestion (moins de 15%).

La création de la liste ecogest avait été précédée, deux ans auparavant, par celle de la liste « idegest » qui abonne, encore aujourd’hui les professeurs d’informatique de gestion (l’une des composantes de l’Economie-gestion).

Il existe aussi aujourd’hui une liste « lpeg » ouverte aux professeurs d’Economie-gestion en lycée professionnel, dont certains sont naturellement également abonnés à Ecogest.

Comment expliquez vous ce succés ?

Je ne parlerais pas de succès, mais plutôt de « dynamique ». Cette liste répond d’abord à un besoin des enseignants dont les conditions d’exercice du métier ont évolué et évoluent encore. Les enseignants, comme les autres salariés, éprouvent aujourd’hui le besoin de travailler davantage en équipe. Or, ce travail en équipe s’opère plus difficilement dans les établissements scolaires, souvent pour des raisons matérielles, de contraintes d’emploi du temps… Ecogest est un outil de travail collaboratif qui pallie à ces diverses contraintes tout en générant une plus grande efficacité en matière de partage de veille documentaire et de réflexion pédagogique.

C’est aussi, il faut bien le dire, un lieu de convivialité entre collègues qui se retrouvent pour s’épauler, se soutenir lors de difficultés et échanger sur les petits tracas et les grands (et moins grands…) bonheurs que nous offrent aussi nos élèves.

Il y a t il une particularité des profs d’éco-gestion qui les pousserait à mutualiser davantage ?

C’est évident. Les TIC font partie de notre « patrimoine » disciplinaire et leurs usages appartiennent à notre culture. Beaucoup de professeurs d’Economie-gestion, non seulement sont « technophiles », mais considèrent que les processus de communication sont des objets d’études, bref des instruments ordinaires de travail. Les professeurs d’économie-gestion, de part les matières qu’ils enseignent, maîtrisent les TIC qui sont à la fois objet et moyen de leur enseignement. Ils sont sans doute plus enclins que d’autres à les utiliser en classe mais aussi pour échanger entre eux.

Par ailleurs, ils ont en charge de nombreuses matières : économie, droit, management sans oublier les spécialités technologiques : communication et GRH, marketing, comptabilité et finance, systèmes d’information.

Une liste comme Ecogest représente un apport de ressources considérables puisque la veille informationnelle est faite collectivement et spontanément.

Si je ne me trompe pas la liste est institutionnelle ce qui rend encore plus exceptionnel ce succès. Comment faites vous pour gérer une liste institutionnelle tout en attirant autant de profs ?

Cette liste n’est pas modérée a priori : tous les messages postés par les abonnés sont diffusés à tous, sans filtre préalable. J’insiste sur cet aspect des choses qui est très important et révèle, selon moi, l’esprit et le sens des responsabilités des abonnés. Nous faisons confiance à nos abonnés qui se sont engagés à respecter la charte de la liste. La « modération » s’opère éventuellement a posteriori. Si un abonné poste un message contraire à l’objet de la liste, il est rappelé à l’ordre, le plus souvent par les autres abonnés eux-mêmes. Ecogest, c’est d’abord une liste au service de tous, où chacun peut prendre sa part dans la modération. Mes interventions sont rares et les « sanctions » encore moins fréquentes : en 10 ans, moins de 10 collègues ont été désabonnés pour non respect de la charte.

Pensez vous être une communauté virtuelle d’enseignants ?

Je crois pouvoir répondre positivement à cette question, sans peut-être assumer toutes les implications de ma réponse. On peut dire qu’il y a une culture de notre liste, celle-ci a d’ailleurs évolué avec le temps, l’esprit pionnier, enthousiaste, des débuts a peu à peu cédé la place à des relations plus « professionnels », sans doute plus efficaces.

La liste a été un objet d’étude pour certains chercheurs en sciences de l’Education, en sciences de l’information et de la communication…

Pensez vous évoluer vers un statut associatif ?

Non ! Ce n’est pas à l’ordre du jour. Il est arrivé que les abonnés s’organisent pour se retrouver au cours d’un week-end festif, se donner ainsi la possibilité de mettre un visage derrière un « clic » et d’aller ainsi vers d’autres niveaux d’échanges et de connaissances de l’autre..

Annie Kintzig

Entretien François Jarraud

Les liens :

S’abonner à la liste

Une étude sur la liste Ecogest