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Par Pascal Ourghanlian

Paris 9 novembre. Le collectif « Pas de 0 de conduite » réunit à Paris médecins, psys, pédagogues pour échanger sur les enfants turbulents et le traitement politique de cette turbulence. Pascal Ourghanlian nous fait partager ce moment.

Le collectif « Pas de 0 de conduite » – constitué en réaction à la parution du rapport de l’INSERM « Le trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent » paru en septembre 2005 et de son instrumentalisation par un pouvoir politique en quête d’une thématique anticipée comme électoralement porteuse (200 000 signataires) – réunissait samedi 9 novembre à Paris son 2ème colloque, intitulé « Enfants turbulents : l’enfer est-il pavé de bonnes préventions ? ».

Devant 900 participants, attentifs et mobilisés, plus d’une vingtaine d’intervenants, chercheurs, médecins, pédagogues, philosophes, représentants de la société civile, ont proposé un aperçu des dernières avancées scientifiques, des modalités de leur vulgarisation et des questions qu’elles posent d’une haute tenue intellectuelle, morale et humaine, qui laisse augurer d’une prise de conscience en marche des attaques répétées que subissent les plus fragiles et les plus démunis de notre 21ème siècle technologiquement conquérant.

Tel généticien (Bertrand Jordan) indiquait que si tout est bien effectivement inscrit dans nos gènes, l’expression de ceux-ci est multimodale et ne permet aucunement de prédire l’avenir de tel enfant pour lequel les interactions avec l’environnement et les rencontres avec l’autre restent déterminantes. Telle neurobiologiste (Catherine Vidal) démontrait que la plasticité du cerveau est réelle (imagerie cérébrale à l’appui), mais qu’elle n’est elle non plus prédictive ni des capacités réelles de tel individu ni de ses réalisations propres. Tel psychiatre (François Ansermet), dans un rappel des parts d’ombre et de lumière de chacun, rappelait que ce sont les discontinuités plus que les continuités qui caractérisent les avancées humaines en ce qu’elles permettent que de la distance s’instaure, gage d’une possible liberté.

Les enfants agités, ceux que l’on affuble de l’étiquette de TDAH, furent l’enjeu de démonstration d’une haute rigueur scientifique qu’il est toujours possible de faire dire aux recherches ce que l’on souhaite leur faire dire, surtout par la pratique désormais usuelle des méta-analyses qui, par principe, ne collationnent que les 10 % de recherches publiées et positives, c’est-à-dire celles susceptibles de pourvoir ceux qui les produisent des financements dont ils ont besoin, en laissant de côté les 90 % de recherches négatives qui ne sont pas médiatisées (courageux François Gonon). Ils permirent aussi à Philippe Meirieu de rappeler les tensions propres à l’acte d’enseigner/apprendre qui nécessitent que soit rappelé que le pari de l’éducabilité se heurte toujours nécessairement à la liberté irréductible de l’autre.

D’autres questions essentielles furent abordées : la nécessité de bien percevoir que l’éparpillement des champs de la recherche nuit considérablement à une action concertée malgré une réelle proximité des valeurs défendues (Louis Vallée) ; le travail essentiel mené dans des lieux d’accueil discrets et ô combien bienveillants (les Maisons vertes, Bernard Toboul ; les pouponnières, Dominique Ratia-Armengol) ; la contradiction inhérente au concept de santé publique (qui travaille sur des populations) face à celui du soin individuel.

Sans oublier les éclairages anthropologique (Bernard Stiegler), philosophique (Jean-Claude Ameisen) et éthique (Pierre Delion, Bernard Golse).

Dans l’attente impatiente de la publication des actes, et d’une 3ème édition de ce colloque qui va devenir un événement important de nos rentrées.

Pascal Ourghanlian,

Enseignant spécialisé

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