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Par Patrick Picard

Formation des enseignants : l’inspection générale est-elle le corps du Ministère le plus à l’écoute du réel ? Dans un rapport récemment publié, elle réclame que les maîtres et les établissements qui accueillent des stagiaires deviennent un vrai pôle-ressource pour la formation des stagiaires, avec les moyens financiers et statutaires clairement définis dans une convention. Un rêve ?

Premier constat : le choix des classes d’accueil des PE2 a davantage répondu à un impératif administratif (décharger les directeurs à 4 classes, compléter un service à 80%…) qu’à une logique de formation (mettre le PE2 en stage dans la classe de quelqu’un susceptible de l’accueillir et de l’aider). A tel point que l’inspection générale recommande d’éviter de mettre les PE2 dans une classe où il complète le service d’un enseignant, ou d’écarter les classes « peu adaptées » ou « trop difficiles ». A terme, le rapport demande de construire un réseau d’enseignants accompagnateurs, dont les compétences devraient se rapprocher de celles de maîtres formateurs temporaires.

Le rapport ose poser une question qui fâche : une école peut-elle être un lieu de formation ? Non, répondront sans ambages ceux qui craignent le retour à la « formation sur le tas » ou la diminution des heures de cours à l’IUFM. Oui, oseront ceux qui pensent qu’il est urgent de dépasser les stériles oppositions entre « théories » et « pratiques », mais bien de faire de ce va-et-vient entre terrain et IUFM la garantie d’être mieux en capacité de prendre en charge tous les aspects du métier : maîtrise des contenus et de la didactique, mais aussi gestion de la classe, prise en compte de l’hétérogénéité, relations dans l’école… Un des savoirs de l’enseignant chevronné, c’est par exemple de savoir s’économiser pour durer : ce n’est pas forcément une injure à l’innovation, mais la composante essentielle de tout métier.

Si les PE2 apprécient le principe du stage filé, ils estiment que la charge de travail du stage filé correspond à 50% de leur temps de travail de la PE2. Cela pose donc avec acuité la nécessaire « articulation entre leurs questionnements pratiques et les réponses apportées lors des retours à l’IUFM », et pose la question du mémoire professionnel. Les formateurs des différentes catégories (IUFM, circonscriptions, maîtres-formateurs…) doivent donc apprendre à renforcer leur collaboration, à croiser leurs compétences pour un véritable travail suivi autour des compétences professionnelles, de la première année à l’IUFM à la deuxième année de titularisation, soit 4 années pour la mise en oeuvre du cahier des charges de la formation…

Pour le 2nd degré, les stagiaires, qu’on essaie souvent de « protéger » des lieux les plus difficiles, se déclarent inquiets par rapport à leur affectation à venir. Les grandes disparités de niveau de classe (collège, lycée, types de classes) amènent l’Inspection Générale à demander aux rectorats de réfléchir « aux modalités qui permettraient aux stagiaires de se familiariser avec d’autres facettes de leur profession ». Concernant le suivi des PLC2, « tout repose sur le conseiller pédagogique » : certains sont jugés trop directifs, même si la plupart instaurent un rapport « de compagnonnage ». La présence du chef d’établissement est recommandée pour les réunions PLC-conseillers pédagogiques.

Pour le début de l’année, le rapport demande en outre une préparation spécifique par l’IUFM, soit en réunissant les stagiaires avant la pré-rentrée ( ?), soit en reportant la prise en main des classes à la deuxième semaine de l’année (ou au moins au deuxième jour de l’année).

Sur le plan de la gestion des moyens, le rapport note que les dotations des académies « incluent les moyens des stagiaires », rendant fréquent une sous-dotation des académies lorsque le nombre de stagiaire finalement recruté ne correspond pas à la prévision. Dans le premier degré, les moyens en formation continue (remplacement des enseignants en stage par des PE stagiaires) diminue d’environ 50 000 journées-stagiaires. Le rapport demande donc à la DGESCO de rééquilibrer la dotation en poste des académies touchées par cette baisse, d’autant plus que la demande d’organiser 4 semaines de stage en T1 et 2 en T2 réduit encore le volume de remplacement disponible pour le reste de la formation continue des enseignants « ordinaires ».

Le rapport insiste enfin sur la nécessité de réaliser dans le premier degré ce qui existe dans le second : une « reconnaissance explicite » des fonctions de tuteur, avec l’engagement financier correspondant et un vrai statut : « on ne peut plus se contenter, comme aujourd’hui, de quelques heures de rencontre annuelles d’information avec les corps d’inspection ou avec les formateurs de l’IUFM. Une véritable formation de formateurs doit être enfin mise en place à leur intention, qui recouvre en particulier les pratiques de formation des adultes et celles de leur évaluation ». On en rêve, d’autant plus que l’Inspection Générale demande de passer de véritables conventions avec les « établissements d’accueil » des stagiaires, indiquant les moyens horaires, indemnités de suivi… dont pourraient bénéficier l’établissement « afin de compenser les contraintes que constitue un accueil de qualité des stagiaires ».

Le rapport de l’Inspection générale

http://media.education.gouv.fr/file/26/7/5267.pdf