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Le 24 janvier dernier, le Conseil régional d’Ile de France réunissait au lycée Louis le Grand à Paris les partenaires de son programme « Réussite pour tous » qui vise à prévenir le décrochage scolaire des lycéens, menacés de quitter le système scolaire sans qualification reconnue. Françoise Solliec et Serge Pouts-Lajus ont suivi cette journée pour le café pédagogique

Le dispositif « Réussite pour tous », initié en 2000 par le Conseil régional d’Ile de France, les trois académies et la direction régionale de l’agriculture et de la forêt, vit maintenant sa septième année. Il est régi par une charte de fonctionnement décrivant les actions et les moyens mis en jeu. Les 102 projets actuellement soutenus touchent 6 500 lycéens, dont 4 000 pris en charge par les trois missions générales d’insertion (MGI). La journée du 24 janvier regroupait tous les acteurs : services académiques, région, lycées, organismes de formation et associations.

En introduction à la journée, Elisabeth Gourevitch, Vice-Présidente du Conseil régional en charge des lycées et des politiques éducatives, rappelle l’objectif principal du programme « Réussite pour tous » : réduire le décrochage scolaire et le nombre jeunes qui, chaque année, quittent le système éducatif sans qualification, deux phénomènes étroitement liés.

Le soutien scolaire sous forme de cours particuliers est le moyen le plus courant auquel les familles recourent pour prévenir l’échec scolaire. Mais ce sont des entreprises privées spécialisées qui profitent aujourd’hui de cette demande en fort développement. Les pouvoirs publics, dans ce domaine, ont aussi le devoir d’intervenir. Le Conseil régional réfléchit à la mise en place d’une offre publique gratuite d’accompagnement à la scolarité.

Des initiatives sont également prises au sein des lycées. C’est l’objectif principal du programme « Réussite pour tous » que de les susciter et de les soutenir.

Le taux élevé de redoublement en classe de Seconde est l’une des sources du décrochage scolaire. Pour inverser la tendance, il ne s’agit pas de contraindre les enseignants à accroître artificiellement le taux de passage en 1e mais de mettre en place, à cette charnière, des dispositifs spécifiques de prise en charge des difficultés.

L’accès des lycéens au CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) est l’autre volet sur lequel le Conseil régional agit, notamment au travers du programme « Réussite pour tous ». Sur ce plan, l’Ile de France se trouve dans une situation privilégiée, à la fois du point de vue du nombre de classes présentes sur son territoire, mais aussi du point de vue du nombre d’étudiants, d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur susceptibles d’apporter un soutien aux lycéens qui ambitionnent d’accéder à ces classes. Des accords ont été signés en 2006 entre des lycées franciliens et des établissements prestigieux tels que l’ISP, HEC, Polytechnique ou l’ENS. L’un d’entre eux, le lycée Blanqui de Saint-Ouen était représenté à la tribune par son Proviseur, Henri Théodet. Dans ce lycée particulièrement défavorisé du point de vue de son recrutement sociologique, les deux sections de khâgne et hypokhâgne du lycée agissent, selon le Proviseur, comme des « aspirateurs à ambition ».

Alain Boissinot, Recteur de l’Académie de Versailles, se réjouit de voir la Région soutenir les actions des missions générales d’insertion, la MGI de l’Académie de Créteil étant représentée à ses côtés par Noëlle Amalbert.

Invité spécial de cette matinée, le pédopsychiatre Marcel Rufo a témoigné de sa perception de la phobie scolaire qu’il dit rencontrer chez un nombre de plus en plus grand d’enfants : c’est une épidémie s’inquiète-t-il. La phobie scolaire serait-elle une maladie nosocomiale de l’école ?, lui demande Gilbert Longhi, ancien Proviseur du lycée Jean Lurçat, spécialisé dans l’accueil des « raccrocheurs », présent dans la salle. Pour Marcel Rufo, l’origine de la phobie scolaire se situe le plus souvent dans la relation au cours de mathématiques ou d’éducation physique, dans des moqueries provenant d’un groupe d’élèves. Si rien n’est fait, l’enfant se replie sur lui-même et abandonne progressivement toute activité. La phobie scolaire n’est pas l’école buissonnière : il ne s’agit pas de remplacer l’école par autre chose de plus agréable. C’est la vie elle-même qui se vide. La phobie scolaire a quelque chose à voir avec la peur de la mort. Pour Marcel Rufo, on ne soigne pas les phobies en forçant mais par le retrait de l’école et par une prise en charge attentive comprenant une « perfusion microscopique » d’école, un chemin vers la réinsertion.

Au cours de cette matinée, brillamment animée par Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef adjoint de Phosphore et chroniqueur sur France Info, quatre reportages vidéos ont été projetés sur des projets en cours dans des lycées franciliens, avec des témoignages d’élèves et de professeurs. L’un d’eux, mis en œuvre au lycée Corot de Savigny sur Orge, concerne précisément la prise en charge d’élèves de Seconde menacés de redoublement. Nous y reviendrons dans le prochain numéro du café pédagogique francilien.

Les ateliers thématiques de l’après-midi ont été l’occasion d’échanges de pratiques. Ils ont bien reflété la diversité des origines des participants et des formes d’action, que ce soit l’offre de produits de formation tels que les plates-formes linguistiques ou celles de mobilisation professionnelle, les actions de soutien scolaire proposés à tous les publics, y compris des élèves qui réussissent bien, mais dont il s’agit d’éveiller l’ambition et l’appétence pour des formations d’élite, ou les expérimentations en seconde, celles évoquées le matin, à la table ronde ou dans la projection vidéo. Il apparaît clairement que le dispositif réussite pour tous est très bien ressenti par les acteurs de terrain et que les partenariats entre les différents acteurs, équipes éducatives, associations, organismes de formation, coordonnateurs MGI, travailleurs sociaux ou médicaux sont effectifs et bénéfiques, même si le dialogue met du temps à se construire.

Ainsi qu’il en avait été décidé entre les signataires de la charte, un dispositif d’évaluation des différentes actions a été mis en place et confié à deux équipes universitaires, l’une à Paris X, l’autre à Paris XIII. Les travaux d’évaluation se dérouleront sur trois années. A la fin de la première phase, celle en cours, on disposera, après un questionnaire envoyé à tous les lycées, d’une typologie des projets et d’une première hypothèse sur un jeu d’indicateurs. Un nombre limité de sites, moins d’une vingtaine, fera l’objet d’une étude détaillée l’année suivante, consignée dans des monographies, permettant d’élaborer le référentiel des indicateurs. Dans la dernière phase, les lycées seront invités à construire leur tableau de bord et à remplir une enquête de satisfaction.

En conclusion de cette journée, Jacques Foucher, directeur des politiques éducatives et de l’équipement à la Région, a confirmé les orientations retenues pour le dispositif « Réussite pour tous » : s’appuyer sur un maximum de partenariats entre les nombreux acteurs impliqués dans la prévention et la prise en charge du décrochage scolaire, laisser aux équipes locales le soin d’établir leur diagnostic et de donner la forme qu’ils souhaitent aux actions de remédiation. Une telle souplesse entraîne une grande diversité dans les projets, mais des constantes émergent, qui seront probablement mises en valeur dans les études menées par les chercheurs-évaluateurs.