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Rémi Brissiaud
Le débat sur l’enseignement des mathématiques à l’école : la situation à la rentrée 2006

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En cette rentrée de septembre 2006, à la radio comme à la télévision, le procès de l’école a pris une ampleur inégalée. Pour créer l’événement, certains médias ont évidemment fait la part belle aux promoteurs du retour aux programmes et aux méthodes pédagogiques d’antan. Nos collègues qui, dans ces émissions, ont tenté de défendre l’école se sont souvent trouvés en grande difficulté. Lorsqu’on ne souhaite pas opposer au simplisme du  » C’était mieux avant « , une défense béate de l’école d’aujourd’hui, il est en effet très difficile dans ce genre de médias d’apporter une contradiction avisée aux pourfendeurs de l’école.
Divers écrits sur le sujet qui nous intéresse ont également été publiés en cette rentrée. Ainsi, deux revues sérieuses (Le Monde de l’Education et La Vie) ont chacune consacré de longs articles aux  » antipédagogistes « , ceux qui prônent un retour aux méthodes et aux programmes de 1923. Les journalistes de chacune de ces revues ont interviewé quelques uns des principaux professeurs de mathématiques appartenant au GRIP(1) (Jean-Pierre Demailly, Michel Delord et Laurent Lafforgue) ainsi que des professeurs des écoles qui  » expérimentent  » le retour aux programmes et méthodes de cette époque. Par ailleurs, dans un livre au titre éloquent :  » Les programmes au piquet « , un autre professeur de mathématiques, membre du GRIP (Rudolf Bkouche) a rédigé le chapitre consacré au programme de mathématiques de l’école primaire.
Enfin, du côté de l’institution, le ministre de l’Education Nationale a donné quelques indications sur ses projets futurs dans Le Figaro du 4 septembre et, sur le site gouvernemental, est annoncée la constitution d’un « groupe d’experts composé d’inspecteurs et d’enseignants chargés de préparer la mise en conformité des programmes avec les finalités du socle commun« . Rappelons la principale recommandation de ce socle :  » Il est nécessaire de créer aussi tôt que possible à l’école primaire des automatismes en calcul (souligné par nous), en particulier la maîtrise des quatre opérations qui permet le calcul mental « . Les thèmes de la précocité des apprentissages et de l’automatisation seront donc largement débattus dans ce texte.
Mais avant d’intervenir à nouveau dans ce débat, peut-être faut-il réfléchir aux précautions qu’un chercheur doit prendre lorsqu’il s’avance sur ce terrain. En effet, un premier débat a concerné la lecture en janvier – mars 2006 et de nombreux chercheurs y ont pris position. Or l’évolution de ce débat jusqu’à la promulgation de l’arrêté modificatif des programmes du 24 mars n’a pas vraiment permis de préserver les enseignants de CP d’une aggravation considérable de leurs conditions de fonctionnement pédagogique en cette rentrée.

Anticiper les instrumentalisations politiques des résultats de la recherche scientifique

Le débat sur la lecture qui a débuté en janvier 2006 a connu un tournant début mars avec la prise de position de 18 chercheurs(2) en faveur d’une pédagogie de la lecture qui, telle qu’ils la décrivaient, apparaissait  » équilibrée  » (l’importance de l’écriture dans l’apprentissage de la lecture y était soulignée, les approches analytiques et synthétiques de la correspondance grapho-phonologique y étaient recommandées, les méthodes d’il y a 50 ans condamnées…). Pourtant, le texte de ces chercheurs comportait une formulation approximative, potentiellement dangereuse : il affirmait que les PE devraient enseigner de façon systématique le « déchiffrage » au niveau des relations graphèmes-phonèmes dès le début du CP.
Avec André Ouzoulias(3), nous avons essayé de montrer que cette recommandation outrepassait ce qu’il est possible de dire à partir des recherches scientifiques sur le sujet. En effet, pour prendre position, ces chercheurs s’appuyaient sur des comparaisons entre méthodes qui avaient été menées dans des pays de langue anglaise. Or, le français est très différent de cette langue du point de vue de la correspondance grapho-phonologique et les méthodes pédagogiques dans les pays de langue anglaise et française ne se correspondent pas. Par exemple : jamais dans les pays de langue anglaise les méthodes strictement synthétiques comme celles que recommande le ministre, n’ont été utilisées. Jamais non plus, la méthode naturelle d’écriture-lecture de Freinet n’y a été utilisée. Ce n’est pas une question de choix pédagogique, c’est une question d’impossibilité de mise en œuvre de ces méthodes dans les pays de langue anglaise pour des raisons liées à la complexité et à l’irrégularité du système grapho-phonologique : 1100 conversions graphèmes-phonèmes en anglais contre 130 environ en français (à comparer avec les 32 en italien…). On ne peut évidemment pas légiférer sur les méthodes en France à partir de résultats d’études qui ont été menées dans une langue qui élimine d’emblée deux des principales méthodes susceptibles d’être utilisées.
En fait, les 18 chercheurs ont été instrumentalisés : ils croyaient prendre position contre la méthode idéovisuelle, ils se sont retrouvés embrigadés dans un processus politique de réhabilitation de la méthode utilisée en 1923 (l’une de celles qu’il est impossible d’employer avec la langue anglaise !). Certains en ont vite pris conscience. Le chercheur qui était à l’initiative de l’appel, Franck Ramus, a lui-même considérablement arrondi son propos initial lorsqu’il écrit(4) :  » (André Ouzoulias et Rémi Brissiaud) émettent l’hypothèse selon laquelle des activités d’écriture pourraient efficacement se substituer à l’enseignement explicite et précoce des correspondances graphèmes-phonèmes. Cette hypothèse me paraît acceptable et susceptible d’être juste.« . Ce qu’il admet comme acceptable et susceptible d’être juste est malheureusement ce qui a été retiré des programmes de 2002, retrait qui est aujourd’hui à l’origine de difficultés importantes pour de nombreux enseignants de CP.
Après la publication du texte, les principaux signataires de l’appel ont donc précisé leur position en insistant sur le fait qu’il ne conviendrait pas d’interdire quand la science n’a pas tranché et quand la pratique conduit à des résultats satisfaisants. Mais le ministre n’en a cure : il les laisse parler et il exhibe quand il en a besoin les parties de l’  » Appel des 18  » qui appuient son propos, en passant évidemment sous silence celles qui le contredisent. Il évince également de la formation à l’Ecole Supérieure de l’Education Nationale (ESEN) l’un des principaux chercheurs dans le domaine, l’un de ceux qui n’a pas signé l' » Appel des 18 « .
Que nous apprend l’exemple de la lecture pour le débat qui s’amorce concernant les mathématiques ? La méfiance : la première préoccupation des chercheurs doit être de tenter d’anticiper toute instrumentalisation de leurs propos. Il n’y a rien de pire que lorsque l’autorité administrative se drape indûment dans les habits de l’autorité scientifique.

Les 4 opérations le plus tôt possible, c’est quand ?

Dans l’interview qu’il a donnée au Figaro, le ministre dit : « Je compte modifier l’apprentissage du calcul et de la grammaire cette année : les programmes seront changés pour 2007. En sixième, de nombreux enfants sont atteints de dyscalculie et ont du mal avec les mathématiques, même s’ils sont moins nombreux à avoir des difficultés avec le calcul qu’avec la lecture. » Les formulations qu’il adopte, très générales, laissent penser qu’aucune décision n’a encore été prise. Il est donc encore temps d’argumenter.
L’usage du mot  » dyscalculie » semble inapproprié(5), le ministre a vraisemblablement voulu parler de difficultés durables d’apprentissage en mathématiques. Le nombre d’élèves présentant de telles difficultés serait-il particulièrement important en France ? Encore une fois, on peut se reporter aux résultats de l’enquête PISA 2003 qui concernait des élèves de 15 ans : la France se situe en mathématiques dans la première moitié des pays testés, un peu au-dessus de la moyenne. Les résultats des élèves français ont cependant un profil atypique : les performances de ceux qui, à cet âge, sont scolarisés en classe de seconde au lycée, sont excellentes alors que celles des élèves qui ont redoublé ou ont été  » orientés  » sont très mauvaises.
De tous les pays, c’est la Finlande qui obtient les meilleurs résultats en moyenne. Or, on n’observe pas, dans ce pays, de tels écarts entre diverses populations d’élèves. Une commission de parlementaires français(6) a récemment enquêté sur le système scolaire de ce pays et elle rapporte que « l’élève finlandais a un rôle actif, il participe à la construction de son savoir, il apprend à travailler en équipe et à prendre des responsabilités au sein de son école ; en cas de difficulté, il fait l’objet d’une remédiation très précoce et aucun élève ne redouble ni n’est exclu du cursus scolaire général avant seize ans « . On ne peut donc pas conclure des comparaisons internationales que les méthodes conduisant aux meilleurs résultats sont celles qui prévalaient dans l’école française de 1923 !
Dans son interview, le ministre poursuit ainsi : « … il n’est pas normal que les enfants ne sachent pas poser une division en entrant en sixième. Les quatre opérations doivent être apprises le plus tôt possible« .
Qu’il y ait des progrès à faire dans l’enseignement de la division, les lecteurs du dossier calcul du Café Pédagogique (7) savent que cela semble faire consensus aujourd’hui. Quant au fait que les quatre opérations doivent être apprises le plut tôt possible, qui pourrait refuser une telle formulation, proche de celle qu’on trouve dans le socle commun ? Encore faut-il préciser le moment où cet enseignement devient possible et, comme j’ai essayé de le montrer sur le Café, cela ne peut se faire sans préciser également ce que signifie  » enseigner les 4 opérations « . Résumons l’argumentation utilisée.

Quand devient-il possible d’enseigner les quatre opérations ?
Il y a 100 ans environ, les enseignants le croyaient possible dès le CP. Or, à cette époque, ils enseignaient le plus souvent que :  » soustraire, c’est enlever, perdre, dépenser… « . Hélas, la soustraction est pertinente dans des situations très différentes de celles que représentent les mots enlever, perdre, dépenser… Elle peut même correspondre à des situations décrites à l’aide d’antonymes de ces verbes : économiser plutôt que dépenser, par exemple. C’est le cas si j’ai une épargne de 2 565 € et si, désirant faire un achat de 7 320 €, je m’interroge sur l’argent que je dois encore économiser.
De même, il y a 100 ans, les maîtres de CP enseignaient que  » diviser, c’est partager « . Or, la division est pertinente dans d’autres situations que le partage. Considérons ce problème :  » Pour que la longueur totale d’une course cycliste soit 45 km, combien de tours d’un circuit de 6 km les coureurs doivent-ils effectuer ? « . Concevoir ce qui est commun à cette situation et à celle du partage de 45 objets en 6 parts égales, est loin d’aller de soi. Les enfants de CP et de CE1 ne font aucun lien entre ces deux situations.
Les maîtres, depuis 1923, ont progressivement abandonné cette pédagogie où l’on associait étroitement et assez longtemps chaque opération arithmétique à un type de situations et un seul (ils l’ont d’abord abandonnée pour la soustraction, puis pour la division). Il lui était reproché d’entraver l’accès d’un grand nombre d’élèves à l’emploi des opérations dans des situations variées.
On dispose en psychologie d’une sorte de modèle expérimental de l’erreur pédagogique commise à cette époque. Les sujets de l’expérience sont des enfants de crèche et l’épreuve une tâche d’encastrement de blocs plastiques dans des formes évidées : une forme ronde, une triangulaire, une carrée… Avec une partie des enfants, on favorise initialement l’encastrement parce que tous les blocs qui s’encastrent dans la forme ronde ont une même couleur, jaune par exemple, tous les blocs triangulaires sont verts, tous les carrés sont bleus… On a comparé les performances d’enfants qui avaient été mis dans cette situation d’apprentissage avec celles d’enfants qui étaient directement confrontés à la tâche générale où les blocs ont d’emblée des couleurs variées. On s’aperçoit qu’initialement ils réussissent plus rapidement les encastrements en utilisant la couleur comme indice, mais ils perdent cette avance lorsqu’ils sont confrontés à la tâche générale et, à ce moment, ils prennent même du retard : ils réussissent bien plus tardivement le cas général que les enfants qui y ont été directement confrontés(8).
Démarrer l’apprentissage dans un cas trop particulier (rond = jaune, triangle = vert, soustraction = perdre, division = partager…) ne favorise pas nécessairement le développement des compétences plus générales, cela peut même y faire obstacle. Si l’accès à un authentique savoir nécessite une déconstruction laborieuse des croyances erronées qui ont été enseignées auparavant, le gain de temps qui semble résulter d’un enseignement précoce de ce type est une illusion(9).
D’ailleurs, toutes les études vont dans le même sens : les enfants les plus en difficulté s’enferment dans la signification typique des opérations arithmétiques. En CM2, par exemple, il y a 20% d’élèves environ qui n’utilisent une soustraction que lorsque l’énoncé parle explicitement d’une quantité qui diminue. Lorsqu’ils sont confrontés à un problème du type :  » Eric a 36 images ; il en achète d’autres et après il a 51 images. Combien en a-t-il achetées ? « , 20% des élèves de CM2 calculent de manière erronée 36 + 51 parce que le problème parle d’une quantité d’images qui augmente(10). Concernant la division, les maîtres de CM le savent bien : presque tous leurs élèves utilisent la division pour résoudre un problème de partage alors qu’ils sont nombreux à ne pas savoir l’utiliser pour résoudre les problèmes de groupement, ceux qui, comme le problème de la course cycliste, se reformulent sous la forme :  » En a, combien de fois b ? ». Le retour à la pédagogie de 1923 concernant la division serait, de ce point de vue, un obstacle majeur au fait que l’ensemble des élèves acquièrent le socle commun de compétences en mathématiques.

Automatismes et progrès en arithmétique élémentaire

Dans le magazine La Vie, Michel Delord répond ainsi à l’objection précédente : « Je veux bien croire que des élèves de CP se montrent inaptes à saisir tous les sens de la division. Mais ils peuvent déjà apprendre la technique, celle de la potence, et acquérir des automatismes. Ils comprendront mieux plus tard. Hier, les maîtres ne craignaient pas de dire : « C’est comme ça ! ». Pourquoi aujourd’hui, avoir peur d’enseigner ? « .
Les enseignants, dans leur quasi-totalité n’ont rien de  » constructivistes radicaux  » et ils n’ont évidemment pas peur d’enseigner. Ils redoutent seulement d’avoir à enseigner des contenus mathématiques que de nombreux élèves ne peuvent pas comprendre. Ils vivent douloureusement l’attitude de certains de leurs élèves qui, lorsqu’ils sont face à un problème ou un exercice, ne cherchent même plus à le résoudre mais tentent de deviner l’opération ou la réponse numérique qui ferait plaisir à l’adulte. Ils vivent douloureusement que certains élèves n’automatisent rien parce qu’ils ne comprennent rien.
En effet, Michel Delord semble penser que l’acquisition des automatismes serait indépendante de la compréhension du sens des opérations ; il semble même considérer que l’accès aux automatismes serait le pré-requis de cette compréhension. Or, dans le domaine des mathématiques, cette conception du progrès est erronée car la compréhension et l’exercice contribuent chacun à l’automatisation et à la mémorisation. De plus, souvent, la compréhension et l’exercice sont tous les deux indispensables : la contribution de l’un ne peut pas se substituer à celle de l’autre.
La mémorisation du résultat des additions élémentaires (6 + 5, 7 + 8, etc.) en fournit vraisemblablement le meilleur exemple. En effet, les enfants les plus en difficulté en arithmétique ne mémorisent pas les résultats de ces additions élémentaires. Les maîtres de SEGPA, par exemple, savent bien que, lorsqu’ils proposent une addition apparemment simple (7 + 8, par exemple), un grand nombre de leurs élèves n’ont aucune idée du résultat tant qu’ils n’ont pas sorti des doigts pour les compter un à un. Or les chercheurs suspectent que l’une des principales causes de ce phénomène est le fait que ces enfants comprennent mal le dénombrement, c’est-à-dire une procédure dont on pense souvent, de manière erronée, qu’elle est simple à comprendre. S’il suffisait d’apprendre par cœur les tables d’addition ou si l’exercice répété du comptage suffisait pour connaître le répertoire additif, cela se saurait : à force d’exercice, tous les élèves maîtriseraient ce répertoire additif. En fait, pour que les élèves progressent, il faut de plus qu’ils comprennent le dénombrement et, d’un point de vue pédagogique, la difficulté est tout autre.
Geary(11), qui est vraisemblablement le chercheur en activité qui a le plus travaillé sur cette question, résume ainsi des dizaines de recherches menées ces dernières années (12):
« La plupart des enfants (en difficulté durable d’apprentissage de l’arithmétique élémentaire) présentent des retards dans leur compréhension des concepts liés au dénombrement. Le développement faible de leurs connaissances du dénombrement contribue à l’immaturité des procédures de comptage utilisées pour résoudre des problèmes d’addition et à la production fréquente d’erreurs dans l’exécution de ces procédures. En outre, cette relation entre connaissance du dénombrement et capacités d’exécution des procédures de comptage semble indépendante de l’influence exercée par une faiblesse au niveau de la mémoire de travail …/… En d’autres mots, la mémoire de travail et la connaissance conceptuelle semblent contribuer chacune et de manière spécifique, au développement des compétences de calcul » On ne saurait dire plus clairement que la compréhension est d’un apport spécifique au progrès.

Automatismes et significations des opérations
Bien que cela soit moins bien étudié, ce qui est vrai des additions élémentaires, l’est vraisemblablement tout autant d’un algorithme aussi complexe que celui de la division : l’accès à l’automatisation de cet algorithme peut difficilement se concevoir indépendamment de la compréhension des significations de cette opération. Ainsi, considérons une division comme 1642 divisé par 25. Pour apprendre de manière simple à faire cette division, il suffit d’imaginer un partage successif des centaines, dizaines et unités du nombre 1642 en 25 parts égales. Ici, comme 1642 ne contient que 16 centaines (il est impossible de les partager en 25 !), on s’intéresse aux dizaines plutôt qu’aux centaines (il y a 164 dizaines dans 1642). Lorsqu’on effectue cette division, on commence donc par évoquer le partage de 164 dizaines en 25 parts égales. Mais pour obtenir la valeur numérique de ce quotient partiel, il faut chercher : en 164 combien de fois 25 ? (4 fois 25, c’est 100 ; 6 fois 25, 150 ; le quotient partiel est 6 dizaines et le reste partiel 14 dizaines). Après avoir évoqué le partage de 164 dizaines en 25 parts égales, il faut donc évoquer le groupement par 25 des mêmes 164 dizaines : il est bien utile de savoir que les deux façons de raisonner conduisent au même résultat. Et cette équivalence entre ces deux façons de raisonner est encore utilisée à l’étape suivante, celle du partage des 142 unités restantes (14 dizaines qui restent après le calcul partiel précédent et 2 unités présentes dans le nombre de départ) en 25 parts égales : là encore, après avoir évoqué un partage, on cherche : en 142 combien de fois 25 ?
Savoir qu’à chaque étape, c’est une question du type  » En a combien de fois b ? « qu’il faut se poser alors que, globalement, c’est un scénario de partage des centaines, dizaines et unités qui guide l’exécution de la procédure, aide à planifier et à contrôler l’exécution de cet algorithme. Cela aide au progrès vers l’automatisation.

L’expérience des maîtres et l’évolution des pratiques pédagogiques concernant la division
Cela n’a rien d’évident de comprendre pourquoi le partage et le groupement conduisent au même résultat et, donc, pourquoi ils relèvent de la même opération arithmétique. Dès lors, la décision de ne pas commencer l’enseignement de la division au CP mais de le différer quelque peu se justifie. Le milieu du CE2 semble un moment approprié : historiquement, c’est vers ce moment que les pratiques des maîtres ont convergé. Entre 1923 et 1970, en effet, la division figurait dans les programmes officiels du Cours unique qu’on appelait Cours Elémentaire. Or, au moment où s’est répandu l’usage de manuels séparés pour le CE1 et le CE2 (plutôt qu’un manuel unique pour le Cours Elémentaire), les maîtres ont, la plupart du temps, choisi de n’aborder le groupement qu’à partir du CE2. Dès cette époque, donc, c’est seulement au CE2 qu’à strictement parler, ils enseignaient la division, c’est-à-dire une opération qui ne se réduit pas au simple partage. Le ministre veut que l’école  » enseigne les quatre opérations le plus tôt possible « . Soit, mais à la question  » le plus tôt possible, c’est quand ? « , l’expérience de maîtres les a conduits à répondre : au CE2. Du point de vue de la recherche, tant en didactique des mathématiques qu’en psychologie des apprentissages numériques, un tel choix apparaît raisonnable.
Cependant, aujourd’hui, alors que le symbolisme de la division n’est introduit qu’au CE2, le temps du CP et du CE1 ne doit évidemment pas être perdu : ce temps est nécessaire pour préparer l’apprentissage de la division en résolvant des problèmes de partage et de groupement à l’aide de procédures qui simulent l’action de partage ou de groupement décrite dans l’énoncé. Il est nécessaire aussi pour mémoriser des relations numériques telles que les tables de multiplications. Et cela doit se faire sous deux formats : l’élève doit savoir répondre aux questions posées sous la forme :  » 3 fois 7… « , mais il doit aussi savoir que, dans la table de 3,  » 24, c’est 3 fois… « . La connaissance de ces relations numériques facilite grandement l’apprentissage de la division à proprement parler. Dans l’article mis en ligne par le Café Pédagogique, j’ai explicité très précisément une façon de concevoir la préparation de la rencontre avec la  » vraie  » division, celle qui permet de traiter à la fois des situations de partage et de groupement.

Des critiques peu crédibles

Dans l’ouvrage  » Les programmes scolaires au piquet « , la partie concernant les programmes de mathématiques au primaire a été rédigée par Rudolf Bkouche qui, lui aussi, est mathématicien et membre du GRIP. Comme les lecteurs du Café l’ont noté, de nombreux chercheurs pensent que les programmes de 2002 sont perfectibles, mais la critique qu’en fait Bkouche, elle, n’est guère crédible, car il condamne avec véhémence un point de vue sans avoir préalablement tenté de le comprendre.
Par exemple, les programmes de 2002 insistent sur l’intérêt des « problèmes où les élèves sont placés en situation d’anticiper une réponse qu’ils pourront ensuite vérifier expérimentalement« . Quiconque a travaillé avec des élèves en difficulté sait que l’usage de ce type de situations est un moyen pédagogique privilégié pour les aider à sortir de l’espèce de jeu de devinette auquel ils ramènent les tâches qu’on leur propose.
Considérons par exemple le cas de cette élève de CM1 qui, face à un problème, choisissait une opération en fonction d’indices superficiels, scrutait le regard du maître et changeait d’opération à la moindre réticence qu’elle croyait y déceler. Dans le cadre d’un travail d’aide pédagogique, je lui donne un fil, une bobine et je lui demande de me dire combien de tours on peut faire avec le fil autour de la bobine. Elle commence alors à enrouler le fil tout en comptant les tours. Après deux tours environ, je l’arrête en lui disant que je ne doute pas qu’elle sache compter (elle est en CM1 !) et je précise la tâche : il faudrait qu’elle trouve combien de tours il est possible de faire, mais avant d’enrouler le fil ; j’aimerais qu’elle anticipe le résultat de cet enroulement. À ce moment, je lui fournis un mètre ruban.
Elle mesure le fil (70 cm), le tour de la bobine (6 cm) et cette jeune fille qui, dans la quasi-totalité des tâches arithmétiques, cherchait à deviner la réponse qui pourrait faire plaisir au maître, se met à calculer 6 + 6 = 12 ; 12 + 6 = 18… (simulation de l’enroulement avec calculs successifs de la longueur de fil déjà utilisée), 60 + 6 = 66 ; 66 + 6 = 72. Elle barre la dernière addition (ça dépasse 70) et compte le nombre de 6 qu’elle a additionnés : onze. Elle me dit la solution  » Onze tours, je peux essayer ? « . J’ai regretté ce jour-là de ne pas avoir de caméra vidéo car, ayant enroulé le fil et ayant pris conscience que son anticipation était exacte, son visage s’est illuminé : cela faisait longtemps que cette jeune fille n’avait pas perçu que le travail avec les nombres est susceptible de donner un pouvoir d’anticipation sur la réalité, qu’il ne sert pas seulement à tenter de répondre aux devinettes du maître.
Rudolf Bkouche parle de ce genre d’activités de la manière suivante (page 45) : « l’élève (y) est amené à reproduire le jeu de la science proposé par les auteurs (des programmes), qui consiste à deviner (pardon, « anticiper » !) un résultat qu’il peut ensuite vérifier expérimentalement. Mais de quelle science parlent les rédacteurs des programmes ? D’une forme dévoyée du triptyque « observer, raisonner, expérimenter « …/… Forme dévoyée parce que (dans la forme non-dévoyée) le raisonnement ne se réduit pas à une simple devinette…« .
Par méconnaissance du type d’activités évoquées par les programmes lorsqu’ils parlent de «  problèmes où les élèves sont placés en situation d’anticiper une réponse qu’ils pourront ensuite vérifier expérimentalement « , Rudolf Bkouche commet ainsi un contresens total : il accuse ce type d’activités d’enfermer les élèves dans une attitude de devinette alors qu’elle est au contraire un moyen pédagogique privilégié pour les en sortir. Et que dire de Laurent Lafforgue qui affirme ne rien comprendre aux propos des pédagogues lorsqu’ils parlent du sens ou des significations de la division ? (La Vie page 24) Pourtant, Michel Delord, lui, semble comprendre ce que cela signifie lorsqu’il dit : « Je veux bien croire que des élèves de CP se montrent inaptes à saisir tous les sens de la division « .
En fait, les mathématiciens du GRIP semblent surtout avoir en commun une solide conviction que tout était mieux en 1923 et un rejet des  » pédagogistes  » qui seraient responsables de la disparition de ce temps heureux. Leurs connaissances des pratiques pédagogiques actuelles, de l’histoire des pratiques scolaires, des enjeux épistémologiques de la discipline et des apports de la psychologie scientifique à la compréhension de notions telles que l’automatisation ne semblent pas à la hauteur de la violence de leur rejet de l’école d’aujourd’hui. Le ministre de l’Education Nationale qui affirme se méfier des idéologies, serait prudent de ne pas s’engager dans une réforme précipitée sous la pression de tels conseillers.

Apprentissages précoces et école maternelle

Sur le site education.gouv.fr, on peut lire dans la rubrique consacrée au socle commun(13) :
« Les programmes comporteront dorénavant des repères annuels permettant aux élèves de situer leur progression dans l’acquisition du socle. Les premiers programmes les incluant seront publiés au cours de l’année scolaire 2006-2007 en vue d’une application à la rentrée 2007.
Des groupes d’experts composés d’inspecteurs et d’enseignants sont chargés :
– de préparer la mise en conformité des programmes avec les finalités du socle commun ;
– de préciser les objectifs de chaque cycle ainsi que les repères annuels prioritaires permettant de situer les élèves dans leur progression. »

Le ministre est évidemment dans son rôle lorsqu’il demande à des inspecteurs et des enseignants de réfléchir sur les programmes actuels et/ou sur leur application. Mais de quelles informations susceptibles de les éclairer dans leur tâche, les experts disposeront-ils ? La question mérite notamment d’être posée concernant les inspecteurs. En effet, lorsqu’on consulte le site de l’Ecole Supérieure de l’Education Nationale (ESEN), qui forme les Inspecteurs de l’Education Nationale, on ne manque pas d’être inquiet, notamment pour l’école maternelle. Des conférences en ligne sont disponibles sur ce site qui traitent de l’enseignement des mathématiques à l’école(14) ; elles ont été faites dans le cadre de la formation initiale de ces personnels mais leur mise en ligne signifie vraisemblablement que l’ESEN espère qu’elles contribuent à la formation continue des inspecteurs.
Comme l’une des principales causes des difficultés graves et durables chez les élèves est vraisemblablement un défaut de compréhension du dénombrement (les psychologues parlent souvent d’un défaut de  » connaissances conceptuelles « ), intéressons-nous à la conférence qui est consacrée à l’enseignement des nombres de la maternelle au CP. Elle n’est pas dépourvue de qualités (des  » situations d’anticipation  » intéressantes y sont décrites) mais lorsqu’on l’examine sous l’angle de la précocité des apprentissages, son contenu apparaît particulièrement inquiétant. Nous avons vu que le ministre a instrumentalisé l' » Appel des 18  » pour tenter de réhabiliter la méthode de lecture de 1923. Or, il n’y aurait rien de plus facile que d’instrumentaliser le contenu de cette conférence pour revenir, concernant le nombre à l’école maternelle, aux pratiques pédagogiques qui avaient cours à cette époque : des pratiques pédagogiques qui étaient presqu’uniquement fondées sur le comptage.

Disposer de la pluralité des points de vue
Le conférencier se réfère aux travaux de psychologues : Pierre Barouillet et Valérie Camos qui ont récemment publié un ouvrage de synthèse intitulé : « La cognition mathématique chez l’enfant« (15). Il rapporte notamment ces propos du second de ces auteurs :
L’acquisition de la chaîne numérique verbale et son usage dans les processus de quantification est déterminante (…). Ces habiletés verbales constituent en réalité les éléments à partir desquels s’édifient les acquisitions ultérieures… « 
« Il en conclut qu’il est important à l’école maternelle d’installer et de consolider des « compétences techniques » liées à la comptine verbale. Par exemple, il serait important que les enfants apprennent non seulement à réciter la comptine verbale mais aussi qu’ils apprennent à la réciter et à s’arrêter à un nombre donné N. En effet, lorsqu’un enfant est face à 7 bouteilles plastiques, par exemple, et qu’il doit aller chercher en un voyage une collections de capsules permettant de boucher ces bouteilles, quand il y a 20 capsules environ, de nombreux enfants ne s’arrêtent pas à 7 en les comptant. Comme ils ont toujours des capsules sous les yeux, ils continuent allègrement : 1, 2, 3… 4, 5, 6, 7, 8, 9… Cependant, on peut penser que la principale difficulté que rencontrent ces élèves n’est pas le fait qu’ils ne savent pas arrêter la récitation de la suite à un nombre donné (ce que les psychologues appellent une connaissance procédurale), mais le fait qu’ils ne comprennent pas pourquoi et comment le comptage permet de mesurer la taille des collections (ce que les psychologues appellent une connaissance conceptuelle). Rappelons que, sur le long terme, un défaut de connaissances conceptuelles sur le dénombrement est l’une des principales causes de difficultés graves et durables dans les apprentissages numériques.

En fait, la distinction entre connaissances procédurales et connaissances conceptuelles est au cœur du principal débat entre chercheurs. Deux ouvrages récents en attestent : d’une part celui que Pierre Barouillet et Valérie Camos ont coordonné et auquel se réfère le conférencier et d’autre part un ouvrage rédigé par Jacqueline Bideaud, Henri Lehalle et Bruno Vilette(16). Dans la conclusion de leur ouvrage, les premiers écrivent :  » La première (des) conclusions est qu’il ne fait plus de doute aujourd’hui que les êtres humains disposent dès la naissance, ou très précocement, d’habiletés proto-numériques qui, quelle qu’en soit la nature, orientent le comportement des jeunes enfants dans les situations dont les aspects quantitatifs sont pertinents. Apparemment héritées de l’évolution et présentes chez d’autres espèces, ces capacités iraient au-delà d’un sens naturel et fondamental du nombre et de la quantité et incluraient une compréhension intuitive de l’arithmétique simple. Ces découvertes rendent aujourd’hui obsolète la conception piagetienne d’un jeune enfant prisonnier d’une pensée égocentrique ne lui permettant pas de comprendre ce qu’est le nombre et la centration exclusive sur la réussite aux tâches de conservation du nombre comme passage obligé vers une réelle mathématisation des situations. Il semble donc que les approches pédagogiques puissent trouver dans ces conceptions intuitives une base sur laquelle fonder les premiers apprentissages sans craindre de détourner par là les enfants d’une réelle compréhension du nombre, de l’arithmétique, et plus généralement des mathématiques. « 
Quant à Jacqueline Bideaud, Henri Lehalle et Bruno Vilette, on lit dans la conclusion du leur :
« Quelles que soient les critiques pertinentes ou fallacieuses formulées à son encontre, on ne peut ignorer – ou feindre d’ignorer – la contribution majeure (de Piaget et) de l’Ecole de Genève. Il paraît difficile d’étudier l’acquisition de la suite numérique et celle du calcul arithmétique sans prendre en compte conjointement le développement des relations logiques sous-jacentes : équivalence, transitivité, inclusion, etc. Les difficultés d’ordre conceptuel et non seulement d’ordre procédural, auxquelles sont confrontés les enfants dans l’acquisition du calcul et de la résolution de problèmes arithmétiques, témoignent du bien-fondé de l’approche piagétienne et de son actualité persistante au-delà des critiques « 
« (Les) deux genèses – genèse du nombre dans l’histoire des hommes, genèse du nombre dans la théorie piagétienne – donnent des repères, lancent des signaux, des mises en garde. Elles nous ont prévenu et préviennent contre l’innéisme radical des « concepts », contre les interprétations qui outrepassent les faits, et contre la focalisation sur l’aspect procédural ou comportemental des conduites au détriment de la conceptualisation sous-jacente. « 
Pour éviter toute confusion, il convient d’emblée de préciser que Valérie Camos et Pierre Barouillet ne sont évidemment pas les théoriciens innéistes visés dans le texte ci-dessus (il faut plutôt regarder dans la direction de chercheurs américains comme Rochel Gelman et Karen Wynn) et que leur critique de la théorie piagétienne est tout à fait pertinente. Disons seulement que : 1°) Les deux équipes d’auteurs n’ont pas envie de mettre en avant les mêmes éléments de l’héritage piagétien et 2°) Elles ne pointent pas le même danger menaçant les approches pédagogiques du nombre : ce serait une absence d’apprentissages numériques à l’école maternelle selon la première équipe et des apprentissages numériques centrés sur leurs aspects procéduraux ou comportementaux selon la seconde.
Par ailleurs, Pierre Barouillet, Valérie Camos ne se désintéressent évidemment pas des connaissances conceptuelles. Cependant, celles-ci apparaissent moins cruciales lorsqu’on pense que l’enfant, grâce au comptage notamment, dispose de manière précoce d’une « compréhension intuitive de l’arithmétique simple  » susceptible de le guider, que lorsqu’on pense que l’enfant doit construire sur le plan logique cette compréhension ou encore lorsqu’on pense, comme l’auteur de ces lignes, que le comptage a fondamentalement un rôle ambivalent dans le progrès des enfants : accélérateur d’apprentissage chez les enfants qui ont conceptualisé les premiers nombres, il freine le progrès de certains qui sont rentrés dans le comptage de manière purement rituelle et ne comprennent pas qu’il permet de mesurer la taille des collections(17).
Remarquons que tous les auteurs précédents s’inscrivent dans le cadre de la psychologie expérimentale et le fait que les uns et les autres n’aient pas la même perspective épistémologique ne les empêche nullement de s’accorder sur des faits avérés : celui, par exemple, qu’une des principales causes des difficultés graves et durables en arithmétique élémentaire réside vraisemblablement dans un défaut de connaissances conceptuelles concernant le dénombrement.

Quel est le principal danger menaçant la pédagogie du nombre à l’école maternelle ?
En fait, la méfiance vis-à-vis du comptage chez les enseignants d’école maternelle est bien antérieure à la réforme de 1970 et à la prise en compte des travaux de l’Ecole de Genève. Elle trouve son origine dans les incompréhensions que les maîtres observaient chez leurs élèves(18). Il est vrai que pendant une quinzaine d’années, cette méfiance a pris une forme extrême. En 1982, on pouvait encore lire dans Le Monde de l’Education que,  » pour des enfants de cinq ans, apprendre à compter jusqu’à dix n’a guère d’utilité (sinon faire plaisir aux parents) « . On sait que le comptage a pratiquement été banni des écoles maternelles pendant près de 15 ans (1970-1985).
Son retour en force s’est amorcé avec les Instructions Officielles de 1985. Malheureusement, vingt ans après, on peut craindre que le  » balancier  » se dirige aujourd’hui dans la position extrême opposée. Considérons ainsi l’un des ouvrages pédagogiques les plus préconisés par les formateurs parce qu’on y trouve de nombreuses descriptions d’activités intéressantes(19). Lorsque cet ouvrage s’intéresse aux premiers apprentissages numériques, il recommande l’enseignement du dénombrement de collections jusqu’à 5 ou 6 unités dès la petite section (page 67 de l’édition 2004). Il y a 20 ans, on ne dénombrait plus du tout à l’école maternelle, pas même en grande section, il faudrait aujourd’hui dénombrer jusqu’à 5 ou 6 dès la petite section ! Par ailleurs, lorsqu’un enfant de petite section commet des erreurs de comptage, il est recommandé dans cet ouvrage de lui décrire ce que serait le bon comportement : « Tu vois, il faut dire un mot à la fois en même temps que tu regardes un jeton« , « Il faut savoir la suite : un, deux, trois, quatre, cinq » ou encore : « il faut toujours commencer par un« .
Dans la conférence de l’ESEN sur le sujet, les représentations analogiques du nombre que constituent les collections-témoins sont confondues avec les images que sont les constellations ou les configurations de doigts (le conférencier parle de  » figures des nombres « ) : il ne reste rien des alarmes de Piaget concernant les limites de ce qu’il appelait la  » pensée figurative « .
Aujourd’hui, le principal danger menaçant la pédagogie du nombre à l’école maternelle n’est vraisemblablement plus un manque d’apprentissages numériques à ce niveau de la scolarité : c’est la mise en œuvre de pratiques pédagogiques qui négligent les aspects conceptuels de l’activité parce qu’elles sont centrées sur ses aspects procéduraux ou comportementaux et parce que ces pratiques confondent les aspects figuratif et opératif de la pensée.
Considérons par exemple le cas d’un enfant qui n’a pas encore compris que lorsqu’on compte deux collections, la plus nombreuse des deux est celle dont le comptage  » va le plus loin « , qui n’a pas compris que le comptage permet de mesurer la taille des collections. Que peut signifier pour lui un entraînement systématique à réciter la suite verbale jusqu’à un nombre donné ? Et un entraînement systématique à la récitation de la même suite à partir d’un nombre donné, en s’arrêtant à un nombre donné (cela aussi est recommandé dans la conférence de l’ESEN) ?
A quoi cela sert-il à un enfant de savoir dire  » trois  » quand on lui montre le pouce, l’index et le majeur, s’il ne sait pas qu’une collection constituée de l’index, du majeur et de l’annulaire a la même taille ? Construire une collection-témoin nécessite de prélever des unités dans un stock (des buchettes, des doigts…). Si les éléments matériels qui représentent les unités n’apparaissent pas comme substituables, c’est la notion même d’unité qui disparaît ! Il est impossible de parler avec pertinence de la représentation analogique et exacte des nombres sans évoquer la nécessaire substituabilité des unités de la collection utilisée pour la représentation ; il est impossible d’en parler en faisant l’économie du concept de collection-témoin(20).
D’aucuns pourraient considérer que la problématique de la conceptualisation n’est pas absente de cette conférence de l’ESEN. En effet, le conférencier répond à la question :  » A quoi servent les nombres ?  » (garder la mémoire des quantités…), il présente des problèmes d’anticipation intéressants (problèmes de commande par exemple). Par ailleurs, dans la conférence, la présentation des nombres sous leur double aspect, cardinal et ordinal, semble fonctionner comme une définition du nombre. Ce n’est pas le lieu de le faire, mais il serait facile de montrer qu’il ne suffit pas de se focaliser sur les usages des nombres pour comprendre les nombres. Par ailleurs, Fuson et Hall(21) ont analysé l’usage des mots  » ordinal  » et  » cardinal  » qui est celui des mathématiciens. Ils montrent que cet usage n’aide guère le psychologue ou le pédagogue qui cherche à comprendre la façon dont les enfants s’approprient la signification des mots-nombres.
Ainsi, la conférence de l’ESEN restitue très mal la diversité des points de vue concernant l’enseignement des nombres de la maternelle au CP. Les inspecteurs ne sont même pas informés de l’existence d’autres approches que celle qui leur est exposée. C’est d’autant plus dangereux que ces personnes disposent de l’autorité administrative. On peut malheureusement craindre que ce type de formation conduise les inspecteurs du groupe d’experts à définir «  les repères annuels prioritaires permettant de situer les élèves dans leur progression (vers l’appropriations du socle commun)  » en se centrant sur les aspects procéduraux ou comportementaux de l’activité. On peut d’autant plus le craindre que le conférencier y présente des résultats expérimentaux qui, de façon trompeuse, laissent penser que de nombreux enfants comprennent le dénombrement de manière très précoce.

Des résultats expérimentaux trompeurs
Pour appuyer la thèse selon laquelle les enfants comprennent de manière précoce le dénombrement, le conférencier présente le tableau suivant sous le titre :  » Le dénombrement un à un ; quelques repères « .

3 ans 4 ans 5 ans
7 objets 19% 47% 80%
11 objets 5% 37% 47%

Ces résultats apparaissent surprenants : doit-on prendre pour repère le fait que 19% des enfants de 3 ans et 47% des enfants de 4 ans savent dénombrer une collection de 7 objets ? Si c’est le cas, il devient effectivement raisonnable d’enseigner le dénombrement jusqu’à 5 ou 6 dès la petite section. Cependant le conférencier invite à utiliser ces chiffres avec prudence parce qu’ils sont anciens. En fait, comme les enfants n’ont sûrement pas régressé dans ce domaine, on comprend mal cette mise en garde.
Rien n’est dit concernant l’origine de ces chiffres sinon qu’ils sont anciens et qu’ils correspondraient à un usage des différents  » principes du comptage « . Cette manière de s’exprimer renvoie évidemment à la théorie innéiste de Gelman et il est probable qu’ils ont été prélevés dans un article en français qui parle de ces travaux. Cependant, le plus souvent, de tels chiffres sont inintelligibles sauf à se reporter au texte original, en l’occurrence l’ouvrage que Rochel Gelman a écrit en 1978 avec Randy Gallistel(
22). Lorsqu’on examine les conditions dans lesquelles ils ont été obtenus, on s’aperçoit que le tableau précédent renvoie une vision particulièrement déformée des compétences réelles en dénombrement des enfants d’âges correspondants.
Rappelons que, selon Rochel Gelman, les enfants comprendraient de manière innée ce qu’elle appelle  » les principes du comptage « . Les chiffres précédents sont obtenus dans une expérience visant à évaluer cette connaissance des  » principes du comptage « . Dans ce type d’expérience, il faut savoir que la connaissance de ces principes est évaluée séparément. Dans celle qui nous intéresse, par exemple, les enfants sont soumis six fois au comptage d’une collection de 7 jetons et pour chaque comptage, l’expérimentateur prélève trois sortes d’informations :

  • – Il note si l’enfant a utilisé 7 mots différents en pointant chacun des 7 jetons. Lorsque l’enfant a dit : « un, deux, trois, cinq, six, huit, dix » ou toute autre suite de 7 mots différents lors de quatre des six comptages qui lui sont proposés, il est considéré comme connaissant le  » principe de correspondance terme à terme  » ;
  • – Il note si l’enfant utilise toujours la même suite de mots. Lorsque l’enfant a utilisé la même suite de mots lors de quatre des six comptages qui lui sont proposés, il est considéré comme connaissant le  » principe de suite stable  » ; il importe de remarquer que les quatre comptages pris en considération pour apprécier si l’enfant possède ce principe ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui sont pris en considération pour apprécier le  » principe de correspondance terme à terme « .
  • – Il note si l’enfant a répété le dernier mot-nombre (dix, dans l’exemple du comptage : « un, deux, trois, cinq, six, huit, dix ») ou changé d’intonation pour prononcer ce dernier mot-nombre. Il suffit qu’il l’ait fait lors d’un seul des six comptages proposés, pour être considéré comme connaissant le  » principe cardinal « (23).

De plus, dans ce genre d’écrit, aux Etats-Unis, 3 ans signifie  » dans sa 3e année « , c’est-à-dire entre 3 ans 1 mois et 3 ans 11 mois(24).
Les pourcentages du tableau présenté par le conférencier doivent donc se comprendre ainsi : 19% des 21 enfants qui participaient à l’expérience et étaient dans leur troisième année (4 enfants, donc), se sont révélé posséder les trois  » principes  » lorsqu’on les évalue séparément comme ci-dessus. Ainsi, 4 enfants sur les 21, peut-être les quatre enfants du groupe qui sont les plus âgés, ceux qui ont presque 4 ans, se sont vu attribuer la connaissance des  » principes « . Il est tout à fait possible qu’aucun de ces enfants n’ait réussi complètement un seul des six comptages d’une collection de 7 unités qu’on leur a proposés.
Comment peut-on présenter 19% comme un  » pourcentage – repère  » permettant d’apprécier la maîtrise du dénombrement un à un d’une collection de 7 unités par les enfants de 3 ans alors que ce nombre renvoie peut-être au comportement d’enfants ayant presque 4 ans et dont aucun n’a peut-être réussi un seul dénombrement d’une collection de cette taille ? Le problème que posent ces chiffres n’est pas qu’ils soient anciens mais qu’ils reflètent de manière trompeuse la réalité qu’ils sont censés décrire.
Un effet possible d’une telle présentation est que les inspecteurs, sur le terrain, soient déçus par les performances des élèves de leur circonscription quand ils les comparent à celles du tableau et qu’ils signifient aux professeurs d’écoles maternelles qu’il est possible d’obtenir de meilleures performances avec leurs élèves et de manière plus précoce. Ces professeurs d’écoles, ainsi pressés, risquent de verser dans une pédagogie de plus en plus exercisante et de se focaliser de plus en plus sur les aspects procéduraux et comportementaux du progrès, au détriment de ses aspects conceptuels. Ce même effet pourrait résulter d’une décision administrative faisant injonction à l’ensemble des enseignants de maternelle de mieux enseigner les nombres à leurs élèves en commençant par un enseignement plus  » systématique  » et plus  » précoce  » de ce qui serait élémentaire : compter.

Précocité, automatisation, conceptualisation et socle commun

Lorsque le principal  » théoricien  » du GRIP, Michel Delord, dit :  » Je veux bien croire que des élèves de CP se montrent inaptes à saisir tous les sens de la division. Mais ils peuvent déjà apprendre la technique, celle de la potence, et acquérir des automatismes. Ils comprendront mieux plus tard. Hier, les maîtres ne craignaient pas de dire : « C’est comme ça ! » « , il défend l’idée que l’automatisation, dans un premier temps, pourrait se passer de la compréhension (ou, en parlant comme les psychologues, de la conceptualisation).
Or, concernant divers concepts arithmétiques, les connaissances scientifiques disponibles vont à l’encontre d’un tel point de vue. On sait par exemple que ce n’est pas à force de réciter les résultats des additions élémentaires que les élèves les mémorisent (ce qui explique que les  » tables d’addition  » n’aient jamais eu, dans l’école française, le même statut que les  » tables de multiplication « ). On sait de plus qu’une telle absence de mémorisation, sur une longue durée, est l’un des principaux signes de difficultés graves et durables avec les nombres. On sait enfin, qu’une des principales causes de ces difficultés réside vraisemblablement dans un défaut de compréhension du dénombrement.
Un « groupe d’experts » va donc se mettre en place avec, comme cahier des charges, « de préparer la mise en conformité des programmes avec les finalités du socle commun« , c’est-à-dire de réfléchir aux moyens « de créer aussi tôt que possible à l’école primaire des automatismes en calcul« . On ne peut pas s’empêcher de mettre en relation les formulations de ce cahier des charges avec celles qu’utilise Delord. Si le groupe de travail devait, comme ce mathématicien le prône, sacrifier la compréhension sur l’autel de l’automatisation, il est pratiquement certain qu’à rebours des intentions affichées par le ministre, l’échec scolaire en mathématiques s’en trouverait renforcé.
Si l’on veut améliorer les pratiques pédagogiques, c’est au contraire la précocité de la conceptualisation qu’il faut mettre en avant :

  • – Prôner l’introduction des symboles arithmétiques dans des situations variées plutôt que dans les situations typiques auxquelles ils sont rattachés.

  • – Prôner l’enseignement précoce des stratégies de calcul mental qui favorisent la conceptualisation : 102 – 6 ne se calcule pas mentalement de la même manière que 102 – 94 et l’élève qui dispose précocement des deux sortes de stratégies progresse plus rapidement dans la conceptualisation de la soustraction que celui qui n’en dispose pas(25).
  • – Alerter les enseignants sur le fait qu’on observe des décalages développementaux extrêmement importants dans la réussite aux problèmes non-typiques relevant d’une opération arithmétique donnée(26). Les alerter sur le fait qu’en exigeant trop précocement l’emploi de la  » bonne opération  » de la part de tous les élèves, le pédagogue risque d’en faire dysfonctionner certains de manière durable.
  • – Etc.

Mais c’est peut-être concernant les apprentissages numériques à l’école maternelle que la situation présente est la plus inquiétante. En effet, c’est vraisemblablement à ce niveau de la scolarité, que les difficultés graves et durables en mathématiques trouvent leur origine. Or, cela fait déjà quelque temps que le souci de la précocité de l’automatisation conduit à des pratiques pédagogiques contestables. Ce n’est pas sous l’influence du GRIP, mais sous celle de théories innéistes que l’automatisation est apparue urgente à divers pédagogues. Lorsqu’on retient seulement des travaux des psychologues que : « L’acquisition de la chaîne numérique verbale et son usage dans les processus de quantification est déterminante (…).« , que : « Ces habiletés verbales constituent en réalité les éléments à partir desquels s’édifient les acquisitions ultérieures…« , il est clair qu’on est fortement tenté d’installer précocement des  » compétences techniques  » liées à la comptine verbale.
Cependant, là encore, il convient de revenir aux connaissances scientifiques disponibles et s’il est évident que les compétences numériques de l’homme seraient inimaginables sans les compétences langagières qui sont les siennes, il est tout aussi évident que, comme l’écrivait récemment Michel Fayol en pensant aux théories innéistes du nombre : « l’acquisition de la signification cardinale des noms de nombres soulève (des) problèmes qui ont été largement sous-estimés dans les travaux relatifs à la cognition arithmétique« (
27). Il est vraisemblable que la conceptualisation des premiers nombres dépende fortement de dialogues avec les enfants (de petite section notamment) où les mots-nombres ne sont pas utilisés dans le contexte du comptage(28).
A l’école maternelle comme à l’école élémentaire, si l’on veut améliorer les pratiques pédagogiques, c’est vraisemblablement la précocité de la conceptualisation qu’il faut mettre en avant et non celle de l’automatisation :

  • – Favoriser en petite section la conceptualisation des 3 premiers nombres plutôt que l’enseignement du comptage des collections de 5 ou 6 unités ;
  • – Favoriser en petite section des dialogues où l’enseignant  » parle  » le nombre 3, par exemple, en le décrivant comme  » un, un et encore un  » ou comme  » deux et encore un  » plutôt que de compter  » un, deux, trois  » ;
  • – Favoriser en petite section l’usage d’authentiques collections-témoins de 1, 2 ou 3 doigts (ces collections sont authentiques si, pour l’enfant, elles témoignent du nombre qu’il s’agit de communiquer par leur taille et non par leur configuration).
  • – Etc.

Pour conclure, peut-être faut-il être abrupt : ce qui est demandé au futur  » groupe d’experts  » relève d’une mission impossible. Sauf à être d’une mauvaise foi accomplie, les personnes sollicitées ne pourront que prendre conscience qu’elles sont otages de débats politiques, épistémologiques, scientifiques et pédagogiques qui les dépassent largement. Si la lutte contre l’échec scolaire est bien l’objectif recherché, la méthode choisie n’est pas la bonne : dans un domaine, l’enseignement des mathématiques à l’école, qui n’a fait l’objet d’aucun débat ces dernières années, c’est du temps de ce débat dont nous avons besoin et non de la rédaction précipitée d’aménagements aux programmes actuels.

Herblay, septembre 2006


  1. Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes
  2. http://www.ehess.fr/centres/lscp/persons/ramus/lecture/index.html
  3. http://education.devenir.free.fr/Lecture.htm#ouzoulias2 et http://www.cafepedagogique.net/dossiers/contribs/brissiaud.php
  4. http://www.ehess.fr/centres/lscp/persons/ramus/lecture/lecture.html
  5. Dans le domaine de la lecture, il est déjà difficile de distinguer la dyslexie des difficultés d’apprentissage de l’écrit. Dans celui de l’arithmétique élémentaire, la situation est plus claire : on ne sait pas le faire (voir par exemple : Noël M.-P. (2005) La dyscalculie. Solal : Marseille.)
  6. La « commission Rolland », du nom de son rapporteur (rapport publié en mai 2006).
  7. http://www.cafepedagogique.net/dossiers/contribs/calcul.php
  8. Santolini, A., Danis, A., Tijus, C.A. (1997). Adult tutoring and the discovery of objects properties in a shape matching task. Actes de la VIIIème Conférence Européenne de Psychologie du Dévelopment., 3-7 septembre 1997, p.25.
  9. D’aucuns pourraient mettre en doute la pertinence de l’analogie entre l’encastrement de formes et la résolution de problèmes arithmétiques parce que la forme et la couleur sont dans un rapport arbitraire alors que la soustraction et la perte (respectivement la division et le partage) ne le sont pas. En fait, une telle objection ne tient pas : il est vraisemblablement plus difficile de se défaire d’une connaissance erronée mais motivée (cas de la résolution de problème) que d’une connaissance erronée et arbitraire (cas de la forme).
  10. Riley, M. & Greeno, J. (1988) Developmental Analysis of Understanding Language About Quantities and of Solving Problems, Cognition and Instruction, 5(1), 49-101.
  11. Geary, D.C. (2005) Les troubles d’apprentissage en arithmétique : rôle de la mémoire de travail et des connaissances conceptuelles. In M.-P. Noël (Ed) : La dyscalculie. Marseille : Solal.
  12. L’extrait de texte qui suit utilise la notion de  » mémoire de travail  » ; pour le comprendre il suffit de considérer qu’une bonne  » mémoire de travail  » est ce qui permet à la fois de maintenir l’information présente à l’esprit et d’en gérer les transformations résultant de l’activité mentale. Une  » bonne mémoire de travail  » est une des conditions nécessaires pour que l’élève réussisse les exercices et, donc, pour que ces exercices participent du progrès vers l’automatisation.
  13. http://www.education.gouv.fr/cid2770/le-socle-commun-connaissances-competences.html
  14. http://www.esen.education.fr/esentv/disciplines/maths/index_maths.phtml
  15. Barrouillet P. & Camos V. (2006) La cognition mathématique chez l’enfant. Marseille : Solal.
  16. Bideaud J., Lehalle H. & Vilette B. (2004), La conquête du nombre et ses chemins chez l’enfant. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion.
  17. Brissiaud (1995) Une analyse du comptage en tant que pratique langagière en souligne le rôle ambivalent dans le progrès de l’enfant, in J.-P. Astolfi & G. Ducancel (éd.), Apprentissages langagiers, apprentissages scientifiques, Repères, 12, 143-164.
  18. Brissiaud R (2003) Comment les enfants apprennent à calculer (seconde édition) ; Le rôle du langage, des représentations figurées et du calcul dans la conceptualisation des nombres. Paris : Retz
  19. Valentin D. (2004) Découvrir le monde avec les mathématiques. Situations pour la petite et la moyenne section. Paris : Hatier.
  20. Brissiaud R. (1991) Un outil pour construire le nombre : les collections-témoins de doigts, in J. Bideaud, C. Meljac & J.-P. Fischer (ed.), Les chemins du nombre, p. 59-90. Lille : Presses Universitaires
  21. Fuson K. & Hall J. (1983) The acquisition of early number word meaning. In H. Ginsburg (ed.), The developpment of children’s mathematical thinking (49-107). New-York : Academic Press
  22. Gelman, R. & Gallistel, R. (1978). The child’s understanding of number. Cambridge, MA
  23. Cette façon d’apprécier la compréhension de la signification cardinale du dernier mot -nombre a, dès 1978, été très critiquée : Karen Fuson, par exemple, souligne qu’on risque de confondre une authentique compréhension de la signification cardinale du dernier mot prononcé avec l’usage d’une  » règle du dernier mot prononcé  » : il faut le répéter.
  24. Ces pourcentages ont été publiés dans un livre (et non dans une revue scientifique) et les auteurs se sont autorisés à ne fournir ni moyennes, ni écarts-types.
  25. Fuson K. & Willis G. (1988) Substracting by counting up : more evidence. Journal for Research in Mathematics Education, 19, 402-420.
  26. Riley, M. & Greeno, J. (1988) Ibid
  27. Fayol, M. (2002) Le facteur verbal dans les traitements numériques : perspective développementale, in J. Bideaud & H. Lehalle (éd.), Traité des sciences cognitives : le développement des activités numériques chez l’enfant, p. 151-173, Paris : Hermes.
  28. Brissiaud R. (2003) Ibid

Sommaire du dossier :

  1. Accueil
  2. Quelques données issues de la psychologie
  3. Les programmes
  4. Et en maternelle ?
  5. Le calcul mental, ça s’enseigne ? Expérience de terrain
  6. Ressources en ligne et bibliographie
  7. De nouveaux points de vue de chercheurs :

Les PDF

On se reportera aussi aux contributions déjà parues à :
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_calcul.aspx

Dossier coordonné par Patrick Picard