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Patrick Picard, Christian Caye

A partir du travail réalisé avec les évaluations, une équipe de maîtres a mis en place un travail systématique sur le calcul mental, dans une école de ZEP. Au bout d’un trimestre, quelle évaluation font les enseignants du dispositif mis en place ?

Les évaluations pointent régulièrement les difficultés des élèves en calcul mental. Les enseignants font part des difficultés qu’ils rencontrent pour organiser rationnellement ce qui leur paraît parfois désuet ou impossible à réaliser avec des enfants scolairement motivés.
Pourtant, le procédé La Martinière, bien qu’il puisse sembler  » rétro  » à certains présente de nombreux avantages, pourvu qu’on le mette en œuvre dans le réduire à un dressage pavlovien. Le dispositif pédagogique se déroule en deux temps :

  • – l’enseignant donne à l’ensemble de la classe un calcul à effectuer  » mentalement  » dans un temps restreint. Après un bref moment de réflexion, les élèves inscrivent leur réponse sur une ardoise qu’ils brandissent à la validation de l’enseignant.
  • – Après avoir rapidement pris connaissance des résultats, l’enseignant demande l’explicitation des procédures utilisées, permettant une verbalisation collective. Ce moment est très important, difficile à mettre en œuvre pour les enseignants parce qu’il donne lieu à un  » décodage de l’activité de l’élève  » difficile à réaliser : il faut comprendre la logique utilisée par l’élève qui s’est trompé, voir où son cheminement a été incohérent, pouvoir le rendre intelligible par les autres élèves, si l’erreur relevée est fréquente.

A quelles conditions ce procédé, en apparence très formel, peut-il induire des changements de comportements scolaires ?

  • – d’abord, parce que l’activité est quasi-quotidienne, les élèves routinent la situation, qui les sécurise : chacun sait précisément ce qui va se passer. On n’invente pas une nouvelle situation chaque jour, et c’est confortable pour tout le monde, la routine… Ca n’a donc pas que des invonvénients…
  • – Tout en gérant la classe en grand groupe, aux yeux de tous, l’enseignant s’efforce, sur un temps court, de porter un regard individuel sur chaque résultat. Au lieu du simple  » juste ou faux « , relever le panel de propositions faites par la classe, puis en débattre, contribue à l’explicitation des procédures utilisées par les élèves, à la comparaison des différents raisonnements possibles, à la comparaison de leur efficience respective… Au lieu d’associer difficultés scolaires à  » mauvaise volonté  » ou  » manque de réflexion « , les élèves découvrent que les réponses erronées ont une explication… Progressivement, chacun va essayer de débusquer non pas la faute, mais la difficulté. Et il faut voir comment, après quelques semaines de ce fonctionnement seulement, les élèves peuvent se départir de leurs attitudes moqueuses pour essayer franchement de  » comprendre  » ce que veut dire un élève en difficulté devant une procédure qu’il ne maîtrise pas.

Dans l’école, les enseignants constatent que ce moment devient très attendu, pour peu qu’il soit géré avec la rigueur nécessaire. Les élèves en difficultés sont étonnés de la rapidité des progrès qu’ils font, et de l’évolution du regard des autres sur leurs difficultés. Evidemment, la tâche est rude pour les enseignants qui doivent accompagner chacun dans l’instauration de la clarté cognitive nécessaire à l’automatisation de la procédure de calcul, sécuriser chaque élève dans l’exécution de sa tâche, valoriser les propositions, favoriser l’argumentation…
De plus, il leur a fallu inventer une modalité d’évaluation qui compare dans le temps les réussites de chaque élève pour telle ou telle procédure. On voit alors se développer, y compris chez les élèves ordinairement en difficulté, une grande appétance pour ce type de tâche très sécurisante, renforçant leur sentiment d’efficacité et leur pouvoir d’agir.

Aux dires des enseignants engagés dans le projet, les dix minutes quotidiennes investies dans une activité qui ne demande ni préparation longue ni ingénierie pédagogique sophistiquée sont alors particulièrement efficaces pour aider à l’engagement des élèves dans les activités les plus ordinairement scolaires. Evidemment, cette activité ne représente qu’une toute petite partie du temps d’enseignement des maths. Mais elle a le grand mérite de montrer à chacun qu’il peut à son tour se retrouver en situation de réussite dans une discipline à laquelle même certains adultes se disent tout à fait rétifs…

Une progression en calcul mental

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Selon François Boule (Difficultés en calcul mental des élèves de SEGPA (adolescents en difficulté scolaire)) Il n’est question ici que de la numération chiffrée. La numération verbale n’est pas négligée pour autant, mais ceci est une autre histoire ; elle comporte des difficultés spécifiques qui en appellent plutôt à la mémoire qu’à la compréhension.
o Un nombre étant écrit en chiffres : reconnaître le chiffre des unités, celui des dizaines, celui des centaines ; la spirale ou le tableau facilitent cette reconnaissance, sans qu’il soit indispensable de revenir à la définition des groupements ou des échanges.
o Situer un nombre sur une échelle (sur laquelle on indique les  » nombres ronds « ) : ceci prépare au calcul approché ; donner un nombre entre … et … (p.ex. entre 1237 et 1250).

N.B. : ci-dessous N désigne un nombre quelconque, D0 une dizaine entière, Dn un nombre terminé par le chiffre n

Les opérations « simples »
Nombre suivant / précédent Ex. : « Quel est le nombre juste après 19 ?« 
N+2 ;N-2 ; D0+5 ; D0-5 : D5+5 ; D5-5 Compter de 2 en 2 (croissant ou décroissant) à partir d’un nombre donné
Compter de 5 en 5 à partir de 15, ou de 30 (croissant ou décroissant)
N+10 ; D0+D0 Ex. : 37 + 10 ? ou 30 + 40 ?
Dizaine plus proche Ex. Quelle est la dizaine la plus proche de 123 ?
Décomposition de 5 ou de 10 Ex. : Avec un jeu de cartes. Montrer une carte  » Quel est le complément à 10 ? « 
Décomposition de N?10 Au lieu de 5+3 = ?  » de 5 pour aller à 8 ?  » ou  » de 3 pour aller à 8 ? « 
Doubles et moitiés : Les doubles de 1 à 12 et les « nombres ronds »

Moins simples
N+11 ; N+9 ; N-11 ; N-9 D’abord à l’aide du tableau (décalages de ligne et de colonne)
Suites N+7 ; N+12 ou n+13

En vue des stratégies :
Ecart à la dizaine Ex. Quelle est la distance de 57 à la dizaine plus proche ? (rep. 3)
Ceci est utile pour certaines stratégies de calcul. Ex. 57+8 = 57+3 +5 = 65
Retenue / pas retenue. La réponse est OUI/NON, on ne demande pas le résultat. Dans le cas où il n’y a pas de retenue, il est  » moins coûteux  » de procéder de gauche à droite

Sommaire du dossier :

  1. Accueil
  2. Quelques données issues de la psychologie
  3. Les programmes
  4. Et en maternelle ?
  5. Le calcul mental, ça s’enseigne ? Expérience de terrain
  6. Ressources en ligne et bibliographie
  7. De nouveaux points de vue de chercheurs :

Les PDF

On se reportera aussi aux contributions déjà parues à :
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_calcul.aspx

Dossier coordonné par Patrick Picard