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L’Ecole Balard à Montpellier : importer la classe rurale à la ville ?

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Sylvain Connac
enseignant à Montpellier

Sylvain Connac est enseignant à l’école élémentaire Balard, dans le quartier de la Paillade à Montpellier, accueillant une forte proportion d’élèves en très forte difficulté sociale. Il y a cinq ans, les enseignants cherchent à faire évoluer le projet de leur école, avec l’ambition d’être plus efficaces dans l’apprentissage du lire-écrire. A partir notamment d’éléments fournis par les recherches de la FNER, ils décident d’accroître l’hétérogénéité, en créant plusieurs  » classes uniques  » dans leur école de ZEP. Ils partent du point de vue que le travail collectif par niveau de classe peine à profiter à tous. Se côtoieront donc désormais, dans leur école, 1 CP, 1 CE1, 3 classes de cycle III et 4  » classes uniques « , dont le but est de favoriser les échanges entre les lecteurs et les non-lecteurs, dans un projet qui s’appuie à la fois sur la pédagogie Freinet et sur les apports récents en psychologie sociale et cognitive.

La vie scolaire de chaque enfant est articulée autour de son  » projet personnel « , comporte des temps de réunions pour réguler la vie du groupe. De nombreuses sollicitations sont organisées dans la classe, sous forme de pôles géographiques (lecture, sciences, maths, logiciels, exposés, constructions, son, informatique…).

Au sein de l’école, les classes uniques fonctionnent en réseau, dans des ateliers spécifiques, toujours hétérogènes. Le pari est que la situation de travail va permettre progressivement une imprégnation des élèves les plus jeunes.

Pour Sylvan Connac, cette organisation est la conséquence logique de l’idée que ce n’est pas le maître qui apprend, mais bien l’élève, à partir de la situation favorable mise en place par l’enseignant. Le tutorat qui se met en place dans la classe, quand les petits sont aidés par les grands, lui semble efficace même lorsqu’il est moins précis que l’explication que donnerait le maître.  » Les enfants sont régulièrement entraînés à écrire, chaque jour. Ils construisent concrètement la nécessité de s’entraîner, le droit de se tromper, la confrontation aux situations complexes. Ils sont amenés à expliquer, à adapter leur discours aux enfants plus jeunes qui sont en face d’eux. Toutes ces sollicitations contribuent à renforcer l’idée, chez les enfants, d’une certaine conception de l’apprentissage, renforcée par le fait qu’ils conservent pendant plusieurs années les mêmes repères, les mêmes habitudes de travail. Cela contribue à rendre plus efficace le temps scolaire.  »

Dans ce cadre, explique S. Connac, le rôle de l’enseignant est plutôt d’être garant de l’organisation scolaire, du matériel et des machines disponibles, et de favoriser l’aide ou la résolution des conflits. Il doit apprendre à parler moins, à se dégager du temps pour observer et intéragir plus individuellement, à organiser les conditions du travail avec des petits groupes.

Interrogés, les enfants apprécient l’institutionnalisation de l’aide, le travail en atelier, l’écoute du maître et son exigence pour préparer le passage au collège, même si certains expriment le désir de fonctionner de manière plus classique.

Les évaluations CE2 et 6E montrent un gain important par rapport aux écoles socialement comparables, remontant à la moyenne nationale ZEP-hors ZEP. Mais si les enseignants engagés dans le projet apprécient la cohésion des groupes-classes, l’amélioration du climat scolaire, ils aimeraient disposer d’autres locaux que leurs 55 m2 par classe ou acquérir du matériel supplémentaire. Ils ont parfois des difficultés à faire accepter leurs choix aux parents d’élèves peu habitués à avoir ce type de rapport avec l’école.

Mais pour rien au monde ils ne reviendraient à un fonctionnement plus classique, tant leur semble important l’essentiel de ce qu’ils gagnent : une école moins agressive, moins brutale.  » Même dans la cour de récré, ils jouent ensemble en groupes inter-âges, là où les bagarres et les insultes régnaient auparavant en maîtres. N’est-ce pas un indicateur essentiel ?  »

Quel que soit le point de vue que chacun ne manquera pas d’avoir sur les choix de cette équipe pédagogique, tous les enseignants qui ont un jour travaillé dans une école de campagne savent qu’une certaine manière d’être en  » récré  » est bien une  » marque de fabrique  » du  » vivre ensemble  » dans les écoles de campagne. Après tout, n’est-ce pas aussi un indice qui montrerait qu’on peut aussi y parvenir dans les écoles de ville ?


Patrick Picard – publication le 01-12-2006

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