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Par Françoise Solliec

Faire adopter à des élèves parfois très jeunes une démarche scientifique leur permettant d’approfondir leur compréhension d’objets et de phénomènes rencontrés quotidiennement, telle est l’aventure dans laquelle se lancent de nombreux enseignants d’écoles élémentaires et maternelles, dans le cadre de l’opération la main à la pâte. Chaque année, un jury sélectionne les meilleurs travaux, fruits d’une pédagogie associant investigation scientifique, raisonnement et argumentation.

Le dispositif la main à la pâte, créé en 1996 par Georges Charpak, prix Nobel de physique, vise à accompagner et développer l’enseignement de science et de technologie à l’école primaire, en éveillant « la curiosité, la créativité et l’esprit critique des élèves ». Soutenu par l’académie des sciences, l’institut de France et le ministère de l’éducation nationale, il bénéficie d’un partenariat actif avec l’INRP et l’ENS. Il propose, à partir de son site, un ensemble de ressources considérables et a développé un vaste réseau de personnes ressources et de centres pilotes, concernant plus de 3 000 classes. Afin de familiariser au plus tôt les élèves avec le monde de la recherche, les chercheurs les plus reconnus sont invités à participer aux activités. Les élèves ingénieurs sont également sollicités et des élèves de l’école polytechnique choisissent régulièrement d’effectuer leur stage de 1ère année dans des écoles bénéficiant du soutien de la main à la pâte.

Cette année, pour la 11ème édition des prix « écoles primaires », ce sont 122 élèves d’écoles élémentaires (6 classes) et 66 élèves d’écoles maternelles (3 classes) qui ont été conviés le 29 janvier à recevoir l’un des 5 premiers prix ou l’un des 2 seconds prix dans la grande salle des séances de l’Institut de France. Les travaux, décrits sur le site de la main à la pâte, font clairement apparaître une problématique (chauffe-eau solaire, cuisine « moléculinaire », mécanismes et équilibres, etc.) et une démarche de compréhension fondée sur des observations et de nombreuses collaborations. Ces projets, accompagnés par les centres de ressources ou des correspondants de la main à la pâte, induisent tous une dynamique remarquable, entre classes (par exemple entre des élèves de l’IMED et d’une école élémentaire de Perpignan pour la cuisine moléculinaire), avec des interlocuteurs locaux (par exemple le dossier sur le chauffe-eau solaire né d’une proposition d’équipement de la mairie dans une école de Seine-Maritime) ou encore dans des relations avec des experts (par exemple le projet de l’école d’Oberentzen visant à mieux comprendre le fonctionnement du corps pour préserver sa santé et adopter une attitude citoyenne). Des cahiers d’observation sont élaborés, des productions sont réalisées qui traduisent l’engagement des élèves et de leurs enseignants.

Depuis 7 ans, des prix « mémoires professionnels » sont également attribués, de façon à marquer l’importance de la culture scientifique dans la formation des futurs professeurs des écoles. Ils récompensent des stagiaires d’IUFM de seconde année, dont les mémoires professionnels sont consacrés à l’enseignement des sciences. Deux prix ex aequo ont récompensé des travaux portant l’un sur « Comment aborder le monde du vivant en maternelle, alors que ce concept fait appel à l’abstraction ? », mené par Sandrine Guillaumin à l’IUFM d’Auvergne, et l’autre sur « Le rôle du maître dans le débat scientifique. A quelles conditions le dispositif de débat participe-t-il à la construction de savoirs scientifiques ? », mené par Valérie Brousse à l’IUFM des Pays de la Loire. Deux autres mémoires auront une mention au palmarès.

Dans le cadre d’une convention liant l’académie des sciences, pour le dispositif la main à la pâte, et le ministère de l’éducation nationale, un DVD d’auto-formation des maîtres a été réalisé. Intitulé « Enseigner la science et la technologie à l’école », il sera bientôt distribué dans toutes les écoles.

Au niveau du collège, une prolongation du dispositif d’accompagnement de la main à la pâte a été mise en place, « Dans le sillage de la main à la pâte ». Une trentaine de collèges l’ont utilisée pour intégrer leurs enseignements scientifiques de 6ème (technologie, SVT, sciences physiques et chimiques) dans une approche unifiée. Quelques équipes devraient poursuivre l’expérimentation en 5ème.

Le succès de l’opération la main à la pâte est incontestable. Mais suffit-il, comme le souhaite Xavier Darcos, pour « assurer à tous les élèves un accès égal à la science », alors que « de nombreuses enquêtes montrent que nos adolescents ne se sentent pas véritablement attirés par les carrières scientifiques… cette situation est tout à fait préoccupante pour l’avenir industriel et intellectuel de notre pays » ? Reconnaissons en tout cas aux animateurs de la main à la pâte une action généreuse et ambitieuse, montrant que les rapports entre la science et la société peuvent être tout à fait positifs.