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Andréas Schleicher, responsable du département éducation à l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) nous livre son diagnostic sur l’Ecole.

Pour l’OCDE, c’est en conjuguant « autonomie des établissements » et « soutien aux enseignants » qu’on peut mieux prendre en charge les difficultés des élèves.

1. L’Etat de l’Ecole en France fait régulièrement l’objet de polémiques fracassantes. De là où vous pouvez observer le système, partagez-vous ce constat d’une baisse du niveau des élèves ?

Ce constat est très répandu, dans de nombreux pays, tout simplement parce que nos enfants apprennent des choses différentes de ce que nous avons nous même appris à l’école, et que nos ambitions éducatives ne cessent d’augmenter. Si d’autres pays dépassent la France aujourd’hui, c’est principalement parce que ces pays ont connu un développement plus rapide ces dernières années, et non parce que les résultats en France ont baissé.

2. Vous vantez la décentralisation en matière d’éducation. Pouvez vous nous indiquer en quoi ce serait favorable aux 15% d’élèves aujourd’hui en difficulté ? Que répondez-vous à ceux qui craignent qu’au contraire l’accroissement des inégalités territoriales ?

Ceci fait aussi l’objet de violentes polémiques dans de nombreux pays, mais les preuves que nous avons sont claires : dans la plupart des systèmes éducatifs qui ont obtenu de bons résultats aux tests PISA, les organismes locaux et les écoles disposent maintenant d’une autonomie substantielle en ce qui concerne l’adaptation et la mise en œuvre du contenu éducatif ou la gestion et distribution des ressources.

Comme vous le notez, certains s’inquiètent que l’accroissement de l’autonomie des établissements scolaires puisse entraîner un accroissement des inégalités en matière d’éducation. Mais nos données montrent l’inverse, en particulier lorsque les gouvernements combinent le transfert des responsabilités aux établissements scolaires avec la mise en place de structures par lesquelles les établissements qui ont les résultats les plus faibles reçoivent le soutien nécessaire pour progresser. Par exemple, la Finlande et la Suède, dans lesquels les établissements scolaires ont le plus grand degré d’autonomie, présentent les plus petits écarts de résultats entre les établissements.

Mais le résultat le plus frappant parmi nos analyses comparatives est que plus les systèmes éducatifs sont centralisés, plus les disparités socio-économiques sont importantes. Ceci montre qu’une distribution égalitaire des moyens aux établissements n’est pas une garantie de l’égalité des résultats ou des chances. Au contraire : plus les systèmes scolaires sont flexibles, plus ils sont capables de prendre en compte l’hétérogénéité de la population scolaire et d’assurer l’égalité des chances. Si vous voulez motiver les meilleurs enseignants pour relever défis les plus grands dans les établissements les plus difficiles, vous devez leur fournir un soutien et des conditions matérielles qui puissent les y attirer, puis les y retenir et leur permettre de s’y épanouir, et non pas les laisser livrés à eux-mêmes dans les mêmes conditions de travail qu’ailleurs.

3. Vous avez récemment déclaré (colloque de l’UMP, Paris, 22 février 2007) « On doit renforcer la coopération entre les enseignants, pour qu’ils comprennent les forces et les faiblesses de l’établissement où ils travaillent. Il faut aussi investir dans le réseau de soutien et la formation continue enseignants ». Est-ce compatible avec l’ambition de réduction des dépenses publiques affichée aujourd’hui, qui amène les gestionnaires à agir sur les crédits de formation comme sur des variables d’ajustement ?

Ceci fait aussi l’objet de violentes polémiques dans de nombreux pays, mais les preuves que nous avons sont claires : dans la plupart des systèmes éducatifs qui ont obtenu de bons résultats aux tests PISA, les organismes locaux et les écoles disposent maintenant d’une autonomie substantielle en ce qui concerne l’adaptation et la mise en œuvre du contenu éducatif ou la gestion et distribution des ressources.

4. Selon vous, quelle devrait être la priorité de l’action politique sur le système scolaire français dans les années à venir ?

Je ne possède pas de formule magique. Mais les comparaisons avec les systèmes éducatifs les plus performants aujourd’hui peut être instructive. Ce qui caractérise les systèmes éducatifs qui réussissent le mieux, c’est qu’ils font porter l’effort sur la mise en place de différentes voies, dans lesquelles des réseaux d’établissements stimulent et diffusent l’innovation tout en faisant en sorte de proposer une diversité de cursus, des services étendus et des ressources professionnelles.

Ils adoptent à la fois un pilotage fort et partagé, dans le but de réduire les distorsions (l’hétérogénéité des établissements) au sein du système, par une large mise en réseau et en construisant des espaces de responsabilités partagées.

Ils sont passés

de politiques au coup par coup à la définition de grands objectifs,

de l’uniformisation du système à la prise en compte de la diversité,

de la primauté de l’injonction à la priorité à l’initiative,

du pilotage par les moyens, avec une approche bureaucratique, à un pilotage par les résultats avec la responsabilisation des acteurs

du discours sur l’équité à la réalisation de l’équité, ce qui nécessite de la part des enseignants et des établissements scolaires d’assumer la responsabilité des résultats de leurs élèves, en individualisant les modes d’enseignement plutôt qu’en laissant les élèves en difficulté redoubler ou en les envoyant vers des filières moins exigeantes.

Ce sont des systèmes dans lesquels les établissements scolaires ne reçoivent pas une doctrine pré-fabriquée, mais prennent des initiatives sur la base de données objectives et de pratiques efficaces.