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Avec la régularité d’un bulldozer peu soucieux de ce qu’il détruit, Gilles de Robien s’entête à vouloir réaliser un grand chelem de la régression scolaire dont l’éducation ne sortira certainement pas vainqueur.

Il y a d’abord eu la calamiteuse injonction médiatique de l’enseignement de la lecture syllabique qui lui permit de se mettre à dos l’ensemble de la communauté éducative, à l’exception notable (c’est le cas de le dire !) d’une frange de dogmatiques que même la délation ne révulse pas. Puis ce fut la réforme aussi discrète qu’inutile (les nouveaux programmes de 2002 sont-ils seulement appliqués ?) relative à la grammaire, avec le prétexte d’un rapport sur son  » enseignement  » qui parvint à ne pas en dire le moindre mot ! Enfin, le voilà parvenu (décidément !) à l’ultime étape : celle de la révision des programmes de mathématiques à l’école primaire. Bien entendu, nul ne s’en étonnera car que pouvait-on attendre de quelqu’un qui limite l’horizon scolaire au lire-écrire-compter dans une politique du renoncement qui va jusqu’à raccourcir la scolarité obligatoire de ceux qui en ont le plus besoin ?

Ici comme ailleurs, c’est la technique « Jivaro » qui domine : on réduit la lecture au déchiffrage, l’étude de la langue aux règles de grammaire et les mathématiques au seul calcul. Étonnant qu’il n’ait pas songé à limiter l’histoire à la mémorisation des dates ou l’éducation physique à la seule gymnastique.

Mais comment justifier pareille précipitation (encore un excès de vitesse pour un ministre qui marche au radar) quand on sait que les élèves n’ont pas à rougir de leurs résultats en mathématiques qui valent bien ceux de leurs aînés ? Tout simplement en invoquant une demande qui émanerait… de parents inquiets ! Pour faire passer pareille pilule (abortive pour l’innovation), et par respect pour les fragiles dorures du Palais-Bourbon, il fallait un élu de la majorité sans lien familial avec Pinocchio, sauf peut-être pour la langue de bois et ses échardes tricolores. Et c’est donc le député Amouroux, membre de la commission de la Défense (pour des division blindées ?), assiégé dans sa permanence par ces si soucieux géniteurs d’enfants victimes d’une épidémie de dyscalculie (qu’est-ce qu’on attrape comme maladies à l’école !), qui a expliqué devant la représentation nationale le mercredi 10 janvier que les élèves ne savaient plus du tout raisonner, que les opérations n’étaient plus au programme et que la baisse du niveau était due à un abus de la calculette !

Qu’allait répondre le ministre de l’Éducation nationale (et non celui de la Santé tout aussi compétent en résorption de calculs) ? Que le niveau des élèves n’a nullement baissé ? Que l’apprentissage des opérations n’a jamais déserté les salles de classe ? Que l’usage de la calculette est au contraire encore trop peu répandu ? Qu’il faut donner du temps au temps pour une mise en place véritable des programmes de 2002 qui font la part belle aux enrichissantes mais délicates « situations-problèmes » ? Que la formation continue des enseignants allait davantage porter sur les difficultés rencontrées lors de la mise en oeuvre des précédentes instructions ? Peut-être même allait-il réprimander un député à l’ignorance si crasse de la réalité des pratiques de classe !

Mas pas du tout ! Comme à son habitude, le ministre a préféré mépriser l’école et ceux qui l’animent en donnant une réponse grotesque tant elle nie les faits. S’en remettant une fois encore au seul « bon sens » qui chez lui relève plutôt du « sens unique » ou du  » contre sens  » (qui pour sa part s’apparente au sens interdit), il a affirmé sa volonté que chacun sache lire, écrire et compter le plus tôt possible. A force d’enfoncer des portes ouvertes il finira bien par rentrer dans le mur ! Pour cela, il attend le rapport qui lui sera remis le 23 janvier, puis convoquera la commission des programmes qui devra effectuer les nécessaires modifications (mais comment peut-il déjà le savoir ?) permettant une mise en oeuvre dès la rentrée 2007. D’ici là, l’image de l’Ecole et la confiance en sa mission et son action se seront encore dégradées…

« Garde-à-vous ! Rampez ! Pour le dialogue et la concertation, voyez ça avec ma secrétaire. Et pour ce qui est de vos besoins, c’est au fond du couloir, à droite ! »

Sylvain Grandserre
Maître d’école

Page publiée le 13-12-2006

I. La réforme du calcul au primaire

  • Rémi Brissiaud, maître de conférences de Psychologie Cognitive à l’IUFM de Versailles
    Réforme du calcul au primaire : comment faire face aux risques pour l’enseignement des mathématiques ? – 04-02-2007
  • Le texte du projet d’avis sur la place du calcul dans l’enseignement primaire – 18-01-2007
  • Rémi Brissiaud, maître de conférences de Psychologie Cognitive à l’IUFM de Versailles
    Des académiciens naïfs… mais dont les prudences devraient inspirer le ministre – 18-01-2007
  • Joël Briand, Maître de conférences en mathématiques – IUFM d’Aquitaine
    « Le milieu des enseignants de l’école primaire a besoin de sérénité… » – 18-01-2007
  • Le dossier d’octobre 2006 – Le calcul à l’école primaire… Pas si simple ?
  • Rémi Brissiaud, maître de conférences de Psychologie Cognitive à l’IUFM de Versailles
    Calcul et résolution de problèmes : le débat avance – 29-06-2006
  • Joël Briand, Maître de conférences en mathématiques – IUFM d’Aquitaine
    L’esprit global des programmes permet aux professeurs de conduire les apprentissages mathématiques des élèves en leur donnant vraiment du sens – 21-06-2006
  • Roland Charnay, Inspecteur de l’éducation nationale
    Calcul, résolution de problèmes, programmes : réaction au texte de Rémi Brissiaud – 20-06-2006
  • David Lefebvre, Inspecteur de l’éducation nationale
    Calcul et situations problèmes – 20-06-2006
  • Rémi Brissiaud, maître de conférences de Psychologie Cognitive à l’IUFM de Versailles
    Calcul et résolution de problèmes arithmétiques : il n’y a pas de paradis pédagogique perdu – 06-06-2006

II. le rapport de l’inspection générale : les réactions