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Laboratoire multimedia - Photo CP

Entretien avec Nicole Bayon, professeur d’anglais, formatrice en formation continue pour le second degré

Outre vos activités de formatrice sur les labos multimédia dans l’Académie de Paris et de personne ressource dans votre établissement, vous avez conservé une classe. Comment travaillez-vous dans le labo multimédia avec vos élèves ?

Cette année, ce n’est pas facile, car j’ai une classe de 34 élèves et une salle de 16 postes ! Heureusement, j’ai pu  » bricoler  » un dix-septième poste avec un portable sur lequel la société Edu4 a installé les fonctionnalités nécessaires. Mais, dans ces conditions, le travail en labo en classe entière, même s’il peut être individuel pour l’élève, demande beaucoup d’énergie et de vigilance de la part du professeur. Il ne permet pas un suivi d’aussi bonne qualité qu’en module, sans compter la correction des 34 documents sonores produits par les élèves à la fin de l’heure. J’ai donc fini par réserver le labo à l’heure module, en demi-classe, et je les fais travailler en classe entière dans une autre salle, avec un vidéo-projecteur et des documents que je numérise au labo. Je préférerais pourtant nettement faire travailler les élèves 2 heures en labo et 1 heure en salle car, à part le travail sur la compréhension de l’écrit, le travail sur ces équipements est particulièrement bien adapté à l’acquisition de compétences en langues.

Les élèves sont plus concentrés, ils ont l’impression  » d’être dedans  » en étudiant une vidéo sur l’écran individuel, plus que sur l’écran de télé dans la salle. La qualité du son étant nettement meilleure, grâce aux casques individuels, la qualité de l’écoute est supérieure. Les productions, collectives ou individuelles, peuvent être revues, améliorées, enrichies et bien présentées et cela leur donne une impression de réussite.

Qu’en pensent vos élèves ?

Ils sont vraiment  » accros  » du labo. Ils travaillent encore assez peu avec l’outil informatique dans le cadre de la classe et de l’ensemble des disciplines et celui-ci reste un outil motivant, avec des contenus multimédia qui leur semblent plus intéressants que les documents utilisés sur supports traditionnels. Le laboratoire permet également des approches plus variées. Et surtout, il permet un enseignement plus individualisé et différencié. Par exemple à cet âge, c’est parfois une torture que de devoir s’exprimer à l’oral devant toute la classe et ils apprécient beaucoup de faire ce travail individuel en isolement. Ils se sentent aussi sécurisés parce que le prof peut être en liaison directe avec eux, cela leur donne l’impression de bénéficier d’un cours particulier. Ils voient bien aussi, concrètement et immédiatement, les progrès qu’ils font. Enfin, ils établissent avec le professeur une relation différente, une relation de confiance : le prof leur semble dans ce cadre plus être un accompagnateur, une aide, un témoin et c’est à l’ordinateur qu’ils attribuent le rôle magistral… sans se rendre compte de tout ce que le prof a dû mettre dedans pour réaliser la séquence.

Ces équipements ne vont-ils pas être détrônés par d’autres, plus faciles d’accès, comme les baladeurs numériques ?

C’est vrai que dans mon lycée, sociologiquement plutôt favorisé, tous les élèves ont leur Ipod. Mais de là à ce qu’ils les utilisent en dehors de la classe pour charger un document et travailler dessus, il y a de la marge. Il faudra sûrement encore longtemps avant de faire un vrai travail pédagogique avec ces équipements. Mais c’est vrai aussi que les laboratoires multimédias sont des équipements lourds, requérant une attention importante, et qui prennent énormément de temps aux personnes ressource qui s’en occupent.

Quel type d’activité exercez-vous en tant que personne ressource ?

Je passe beaucoup de temps à essayer de faire fonctionner la salle pour tous les collègues qui le souhaitent. Même si le nouveau matériel Edustar présente moins de bugs, il arrive encore de rencontrer des problèmes. Par exemple, dernièrement, le lancement du centralisateur n’a pas fonctionné, cela a été très gênant pour l’enseignant qui avait préparé toute sa séquence et a été obligé d’opérer une substitution au dernier moment. Il arrive aussi qu’on rencontre des problèmes au moment de la numérisation de documents ou qu’on ne puisse plus atteindre un poste élève. Dans toutes ces situations, on me demande d’intervenir et, si je ne peux rétablir un fonctionnement correct, d’appeler Edu4 sur la hot line.

Il est très important que les collègues aient l’impression d’être soutenus au plan technique, car ils sont souvent peu à l’aise et démunis devant ces incidents. Par ailleurs, même si je n’assure pas la formation initiale des enseignants de mon établissement (en tant que formatrice je ne peux pas intervenir dans mon propre établissement), je suis sollicitée pour des conseils pédagogiques et des demandes d’aide à la préparation de documents, des conseils techniques et des approfondissements de formation.

Et comme formatrice, quelles sont vos impressions ?

Cela fait maintenant 7 ans que j’utilise ces matériels, j’en suis une passionnée et une convaincue, et mes formations ont beaucoup évolué. Ces outils sont très riches en potentialités et je crois qu’il ne faut pas faire travailler toutes les fonctions et possibilités en 3 jours de formation. Je travaille maintenant beaucoup en formation pluriannuelle sur deux ou trois ans, 3 jours la première année pour maîtriser le principe de base et l’utilisation de la caméra de table, du magnétoscope /lecteur de DVD et du magnétophone (en diffusion et en numérisation), 2 jours les années suivantes. J’ai constaté que c’est souvent la deuxième année que les enseignants s’y mettent vraiment et que les échanges au cours de la formation – et après, car je passe beaucoup de temps en hot line avec mes stagiaires – sont les plus profitables.
Ce qui reste le plus difficile, c’est d’arriver à convaincre les collègues qu’il faut y aller, même s’ils ont peur de ne pas être 100% performants techniquement. Les élèves n’en savent certainement pas plus qu’eux sur le plan de l’utilisation pédagogique et ils seront tellement contents d’utiliser laboratoire que les profs n’ont pas à craindre de perdre leur crédibilité s’ils sont un peu gênés dans une manipulation.

Entretien : Françoise Solliec