Anne de Leseleuc, Docteur en Histoire et Civilisations de l’Antiquité, auteur de la série des Marcus Aper, a choisi pour cadre de son dernier roman la Gaule romaine.
Partant d’une situation et de personnages historiques, elle écrit ici la chronique d’une mort annoncée: nous sommes dans la seconde moitié du IIIème siècle après J.C. et la province subit les assauts des barbares, mais aussi le bon-vouloir des empereurs romains sucessifs, puis les Bagaudes et la pestis.
La structure narrative choisie insiste sur l’inévitable déclin: au début du roman, c’est Victorina qui prend la parole pour dresser un terrifiant portrait de la Gaule en 274 après J.C. Elle-même est mourante et entreprend, pour se maintenir éveillée, le récit de sa vie. Chaque chapitre retraçant l’ascension de cette aristocrate gallo-romaine, qui devient « mère des camps » aux côtés de son cousin Postumus, puis adjutrix de l’empereur des Gaules est ainsi introduit par le soliloque de celle qui n’est plus qu’une vieille femme malade et anonyme.
Victorina nous entraîne à sa suite dans les coulisses du pouvoir, qu’elle refuse toujours d’exercer en son nom, mais sur lequel elle ne cesse d’avoir prise. La « grande histoire » est ici intimement liée aux intérêts humains, aux sentiments, aux grandeurs et aux bassesses des dirigeants.
Un des avantages du point de vue adopté réside dans ce regard de femme gauloise, qui nous offre par conséquent une vision de Rome singulière et décalée: Victorina, qui rend visite à ses beaux-parents, remplit à merveille le rôle de la provinciale à la découverte de la Ville Eternelle et, se remémorant sa découverte du Forum, elle écrit: « J’eus l’impression d’atterrir sur le Mont Olympe ». Sa belle-mère lui explique ensuite pourquoi les chiens sont couverts de somptueux bijoux:les Romaines veulent exhiber leur trésor sans s’acquitter des taxes sur les richesses. Montesquieu et ses Lettres Persanes ne sont pas loin…
D’un point de vue strictement historique, on se réjouit d’être renseigné sur une période finalement assez méconnue de l’histoire gauloise qui voit succéder à une expansion extraordinaire, sous le règne de Postumus, cousin chéri de Victorina, une terrible déchéance, entre barbares, Bagaudes et épidémies. De même, à travers le personnage de Blandina, suivante de l’héroïne, on assiste à l’hésitante diffusion du christianisme.
De précieuses annexes viennent s’ajouter au récit: une chronologie, plusieurs cartes, des répertoires de noms propres et un glossaire.
Anne de Leseleuc, Le secret de Victorina, L’Archipel 2003.
Leseleuc et alii: une bibliographie (succincte) sur les romans policiers ayant l’antiquité pour cadre.
http://marquepages.free.fr/decouverte/biblio/thema/antiquite.htm