Aborder la question de la famille et de l’éducation en utilisant le jouet comme point d’entrée, tel est le choix de Sandrine Vincent dans son ouvrage : « Le Jouet et ses usages sociaux » (La dispute/Snedit, Paris 2001,221 p.). Il ne s’agit pas d’un livre opportunément sorti juste avant la fin de l’année pour accompagner la vague des achats rituels, mais bien plutôt une invitation à réfléchir à la place du jouet dans la famille et au travers de celle-ci dans la société. Travail de sociologie, compte rendu d’un itinéraire de recherche, ce travail apportera d’intéressantes information sur la place du jouet dans la société actuelle. Le lecteur pourrait se sentir déçu de ne pas y lire de grande nouveauté. Est-ce le modèle d’approche adopté, ou le résultat lui-même qui apportent cette impression ? On pourra s’interroger sur la polarisation assez fortement marquée dans l’ouvrage entre les types de familles identifiés (trois catégories). Ce choix et ce mode de compte rendu semble écraser les analyses proposées et ne pas permettre une découverte plus en profondeur de la place du jeu dans la trajectoire d’un enfant. Mais le propos n’était pas forcément dans ce sens, et l’auteur a voulu maintenir le cap d’une analyse sociologique classique.
Le chapitre qui retiendra notre attention sera le dernier. Il est consacré au jouet dans les stratégies éducatives familiales. Arrivant après le chapitre sur la définition sociale de l’enfance au travers du jouet, ce dernier chapitre est au centre de l’analyse de l’auteur : finalement le jouet est un des indicateurs essentiels des stratégies éducatives des familles et à ce titre il permet une autre lecture que celle, assez souvent rencontrée de la lecture de ces stratégies au travers de la relation à l’école et au savoir. En effet, le jouet, qui ne rentre pas a priori dans le champ de représentation du monde scolaire (hormis en classe maternelle et rarement au delà) est investi par les familles d’une valeur éducative. Que cette valeur oriente l’enfant vers la récompense, le loisir, ou le travail scolaire, l’attitude parentale traduit nettement l’intention éducative des parents, sans qu’il soit fait référence à l’école a priori. On sent que l’auteur doit résister à aller plus loin dans une lecture plus systématique de ce que l’on pourrait nommer comme les « facteurs familiaux favorisant la réussite scolaire ». En effet la place prise par le jouet ou ce qui en tient lieu (est nommé comme tel d’une façon ou d’une autre) dans les familles est envirroné d’intentions que l’auteur tente ici d’expliciter. On regrettera cependant que l’analyse n’aille plus au fond des choses et s’en tienne à une analyse des discours des parents. Il semble qu’une analyse des attitudes des enfants et un suivi plus longitudinal (plus ethnographique) aurait permis une autre vision moins mécaniste de ce qui se passe.
Au delà de ce que le lecteur peut rechercher personnellement dans une lecture de cette nature, saluons ce travail qui a le mérite d’ouvrir le regard sur un objet de recherche qui intéressera aussi les enseignants qui veulent tenter de comprendre ce que c’est que l’accompagnement familial éducatif. Par là même on pourra y trouver matière à mieux comprendre la relation entre la famille et l’école, question douloureuse souvent agitée au cours des deux dernières années.
Bruno Devauchelle
Cepec
Sandrine Vincent, Le Jouet et ses usages sociaux, La dispute/Snedit, Paris 2001, 221 p.