Cette année encore, le Salon de l’éducation a fait une large place aux nouvelles technologies. D’une part à l’occasion des “expérimentations” sur le stand ministériel. D’autre part parce que de nombreuses tables-rondes étaient consacrées aux usages de l’informatique. Cette exposition met en avant de nombreuses représentations de l’informatique.
Passons sur le mot “expérimentation” qui accompagne officiellement des démarches pédagogiques encore présentées comme empiriques alors que leurs auteurs sont souvent des utilisateurs.. expérimentés de l’informatique. D’autres vocables officiels m’ont frappé lors du salon. Ainsi lors d’une table-ronde ministérielle sur l’éducation à la citoyenneté sur Internet, on a pu évoquer des “filtres”, des ” listes noires “, un Internet “interdit” qui exercerait un attrait sur les élèves. Si les faits sont réels, le vocabulaire utilisé pour désigner le réseau est bien ambigüe. Il puise dans les représentations religieuses, assimile la machine à une divinité séductrice mais maléfique, bref diabolise. On peut penser qu’on ne protégera pas les têtes blondes à coups de “filtres”, même magiques, ne serait-ce que parce que le principal danger qui les guette, celui des mauvaises rencontres réelles, passe par les mèls et le chat et non les sites web.
Les élèves ne se font pas une représentation très différente du réseau. Observons les effectuer une recherche sur Internet. Très souvent ils se jettent sur un moteur de recherche, lui posent une véritable question en s’adressant à la machine comme à une personne et en attendent une réponse. Forcément celle qu’ils obtiennent est rarement satisfaisante mais interrogés sur la source d’information ils affirmeront que c’est “Internet” ou “le moteur de recherche”. Là aussi, la représentation qui est faite d’Internet est celle d’une créature intelligente habitant un espace indéterminé, maîtresse de.l’information et porteuse de vérité.
Finalement nombre d’adolescents et d’adultes partagent une même représentation du réseau et du cyberspace. Elle vient brouiller les cartes, obscurcir le raisonnement et n’est sans doute pas pour rien dans le “retard français”. Doit-on ajouter qu’on la retrouve ici et là sous la plume de spécialistes, apôtres du “retour au savoir” ?
Avec nos amis lecteurs, nous avons choisi un autre vocabulaire. Celui d’un “café”, avec son “comptoir” et ses “expresso”. Implicitement c’est l’espace familier des rencontres humaines, de la discussion et des échanges, de la rue. Il faut se méfier des mots. Il est temps de transmettre à nos élèves une représentation pacifiée et raisonnable d’Internet. D’abord si nous voulons les préserver des risques réels du réseau. Les dangers du net sont ceux de la rue : les mauvaises rencontres. Ensuite si nous voulons qu’ils fassent un apprentissage intelligent du réseau. Comme dans la rue, ils gagneront à connaître la langue locale, les bonnes auberges et les raccourcis.
François Jarraud