Les étudiants européens boudent fortement les études scientifiques. En Europe, le nombre de ces derniers a chuté de 50% au cours des cinq dernières années. Le phénomène commence à atteindre le troisième cycle, au moment où la recherche attend un plus grand nombre de candidats de qualité.
La société s’en inquiète peu, les politiques encore moins. Ils viennent même de supprimer des crédits à la recherche. Le nez sur leurs éprouvettes, un oeil sur les appels d’offres, l’autre sur les comités consultatifs, mes collègues scientifiques ne sont pas plus particulièrement préoccupés. L’important est de publier, publier à tout prix ! Tout au plus s’étonnent-ils quand on les menace de diminuer les postes, faute d’étudiants.
La question, pourtant, est symptomatique, voire révélatrice. Dans l’imaginaire des 16-20 ans, les sciences, ce sont l’énergie nucléaire, les pollutions, les manipulations génétiques, vache folle comprise : autant de sujets d’angoisse. Cette image dégradée est un fait de société, véhiculée indirectement par les médias. Elle est confortée par un enseignement désastreux, dans ses choix de contenus et dans ses méthodes.
Le cas de la biologie est typique. Il y a une vingtaine d’années, elle était une des disciplines reines des lycéens. Elle traitait du corps et de l’environnement, ils pouvaient s’en faire une idée, les questions abordées les concernaient. Aujourd’hui, elle est détestée au même titre que la physique ou les maths. Et ils ont raison ! Les programmes sont devenus démentiels et anecdotiques. Les nouveaux programmes de seconde traitent ” des nucléotides “, des ” gènes homéotiques ” de façon éthérée !
Quant aux programmes de terminale, ils sont devenus délirants de détails non situés. On parcellise encore plus les données sans fournir ni aucune perspective, ni aucun repère. Rigidifiés par le haut, déterminés par le secteur tertiaire et l’université qui exercent une pression corporatiste, les niveaux inférieurs ne sont pas mieux traités. Comment prétendre à une initiation de la démarche expérimentale quand il s’agit d’aborder au cycle 3 – même à un premier niveau de représentation – plus de 30 concepts et environ 250 notions ? Voudrait-on décourager élèves et enseignants qu’on ne s’y prendrait pas mieux. Et c’est d’ailleurs ce qui se passe.
Plus grave encore, l’éducation scientifique et technique contribue grandement à fabriquer de l’exclusion. En effet, à cause du rôle social qu’on lui fait jouer, de nombreux adolescents et jeunes adultes ne voient en elle qu’un facteur de sélection scolaire par l’échec.