Dans cette rentrée riche en livres souvent polémiques sur l’école, André Giordan nous propose « une autre école pour nos enfants ?» (Delagrave Paris 2002, 251 p.). L’itinéraire de cet enseignant de l’université de Genève (LDES) l’amène à nous proposer un ouvrage accessible, et non pas un texte réservé aux spécialistes, qui devrait permettre à des acteurs de l’enseignement de mener une véritable démarche de réflexion. Le travail de ce chercheur l’a amené à travailler depuis de nombreuses années sur ce que c’est qu’apprendre. En trois partie : « pourquoi apprendre ?, quoi apprendre ?, comment apprendre ? », A. Giordan nous amène à parcourir l’itinéraire auquel tout enseignant se trouve confronté, qu’il le veuille ou non. En effet chaque geste quotidien de l’enseignant lui retourne ces questions essentielles et le risque serait qu’il les ignore.
En premier lieu apprendre est une question « d’humanité », c’est à dire une caractéristique essentielle qui distingue l’être humain de l’être animal. Partant de là on s’aperçoit que l’apprendre est inscrit en deux lieux : l’intérieur même du fonctionnement humain et la totalité de l’environnement de vie de l’humain. Autrement dit, la force, le désir d’apprendre est inscrit fondamentalement dans la dynamique de développement de chaque humain et de plus, toutes les circonstances de la vie sont des objets potentiels d’apprentissages et pas seulement les lieux prévus pour par l’organisation sociale.
En deuxième lieu il suffit d’examiner l’exemple de la vache folle pour comprendre que les objets de l’apprentissages ne sont jamais simples. L’apparente simplicité doit être un appel au questionnement même. En premier lieu il est nécessaire de s’approprier les démarches, en particulier celles qui permettent de passer de l’accés à l’information à une pragmatique. Au delà des savoirs notionnels, certes indispensables il est nécessaire de repérer les concepts organisateurs, développer des attitudes, et des méthodes de travail et aussi de savoir vivre ensemble. Définissant ainsi les objets d’apprentissages nécessaires pour l’être humain nous avons largement dépassé le cadre défini actuellement dans l’école.
En troisième lieu, il est donc nécessaire de dépasser les aperçus traditionnels de l’apprendre scolaire pour bien comprendre que si l’apprendre est déjà dans ses finalités et ses contenus au delà de l’école, on ne peut demander à l’école seule de répondre à ces besoins. Apprendre est donc une question qui dépasse largement le cadre de l’école, mais sans l’ignorer ou la rejeter. C’est pourquoi trois éléments peuvent se révéler essentiels pour l’apprentissage : l’autodidaxie, les studioli et les échanges de savoirs. Ces trois éléments sont basés sur une autre façon d’envisager les programmes, les disciplines et les pédagogies.
Cet ouvrage pourrait paraître à première vue une attaque contre l’école traditionnelle. Il n’en est rien, bien au contraire, André Giordan nous invite à une école beaucoup plus ouverte. On pourrait aussi reprocher à cet ouvrage certaines expressions rapides, parfois trop simples. Il ne faut pas y voir autre chose que le souhait de faire entrer dans le débat le lecteur qui pourra alors se référer aux autres travaux de l’auteur (Apprendre Belin 1998, les origines du savoir avec G de Cecchi, Delachaux et Niestlé 1987 etc…) publiés antérieurement qui permettront de montrer qu’au delà de propos qui peuvent apparaître polémique, c’est une conception de l’école qui est fondée en premier lieu sur « l’apprendre » comme disposition humaine essentielle et constante que chacun de nous doit réfléchir au delà du seul lieu scolaire.
Bruno Devauchelle
Cepec
André Giordan, Une autre école pour nos enfants ?, Delagrave Paris 2002, 251 p.