Un site web produit par des élèves de cycle I peut laisser perplexe : la part de l’enseignant dans la réalisation des pages est telle que l’on ne voit pas bien l’intérêt de ce type de publication pour les enfants. De plus, s’il s’agit juste d’afficher des travaux faits en classe, une boite de punaises semble plus adaptée : moins chère que la logistique informatique, beaucoup plus rapide d’utilisation ! La partie immergée de notre web-zine N° 2 « Des goûts et des couleurs » peut apporter un éclairage sur l’utilité d’un site web en maternelle.
( http://www.scolagora.com/thieux/janvier2002/numero.htm)
DES ACTIVITES POUR LE SITE
Une poésie en ligne : Du son au Dripping, en passant par la citoyenneté.
( http://www.scolagora.com/thieux/janvier2002/page1.htm)
La poésie de Michel Lautru est entrée dans la classe comme souvent : au coin regroupement, de façon non formelle. Ceux qui souhaitent l’apprendre la reprennent. D’autres, parfois fermés à un langage « extra-ordinaire », s’en excluent.
Mais quand il faut s’enregistrer POUR mettre en ligne la poésie, pour être entendu, reconnu, tout le monde se mobilise : chacun récite un morceau ou la totalité de la poésie dans le micro, améliore sa production, pour que les visiteurs du site puissent comprendre.
Le web-zine donne de la lisibilité aux activités qu’il génère : l’enfant sait ce qu’il a à faire, pourquoi il le fait et quels sont les niveaux de réalisation à atteindre. Beaucoup s’engagent aussi, poussés par leur égocentrisme : plaisir
d’entendre sa propre voix, d’être le centre d’intérêt d’une foule de 30 individus.
La richesse de la publication électronique permet d’intégrer les réalisation de tous : on gardera sur le site la phrase de l’un, l’illustration de l’autre.
Toutes ces dynamiques permettront à certains de mémoriser la poésie et de
modifier leur rapport à cet apprentissage : ils garderont peut-être le goût des mots et aborderons cet autre langage autrement.
La poésie a un auteur. Pouvons nous disposer comme bon nous semble de sa création ? Comme un enfant utiliserait le dessin de son voisin à sa guise ? Juste parce que « techniquement », c’est possible ?… Les enfants connaissent la réponse, même s’il leur arrive parfois de se laisser aller à gribouiller la feuille du voisin. Michel Lautru nous a transmis son autorisation de diffuser et les enfants, au cours de cette démarche, ont été un peu plus « capables de respecter les règles de la vie commune »(I.O.), et ont approché leur caractère « universel », hors de la petite communauté classe.
Nous avons utilisé pour décorer la poésie ce qui nous semblait en accord avec le texte : des gouttes d’encre jetées. Mais le format A4 est bien trop petit pour contenir le besoin d’exploration des enfants. S’ils ont « été capables d’adapter leur geste aux contraintes »(I.O.) imposées ici par le site, nous avons ensuite utilisé à leur demande d’autres supports, médiums… exploré le site de Pollock qui donne à voir sa démarche. ( http://www.nga.gov/feature/pollock/process1.html )
Une recette sur le site web : l’image au service du langage oral et écrit
( http://www.scolagora.com/thieux/janvier2002/page3a.htm)
Nous avons préparé des brochettes avec les fruits de saison (et les mains propres). Toutes les étapes ont été photographiées. Les enfants étaient motivés par le plaisir de cuisiner et de déguster. Du point de vue pédagogique, il s’agissait de mettre en place un terreau de vie propice à une progression langagière dont le site, comme la brochette, ne sont que les parties émergées.
De nombreuses activités de lecture/production langagière ont précédé la mise en ligne :
– Lire les photos : repérer le type d’objet à lire ( la photo d’un événement vécu), les différents éléments, différentes actions et les verbaliser au cours d’un oral collaboratif, en petit groupe.
– Trier les photos en fonction des grandes rubriques propres à ce type d’écrit particulier : les ingrédients, le matériel, la recette ( les actions)
– Organiser les rubriques dans l’espace.
– Ordonner les photos des actions par ordre chronologique.
– Dicter à l’adulte le texte, les moins habiles se contentant des
noms, les plus experts verbalisant les actions lues sur les photos.
– Ecouter ses productions, lues par la maîtresse et les rendre conformes au code écrit. Les enfants de grande section ont retravaillé les phrases produites pour les mettre à l’impératif.
– Saisir les phrases produites sur le clavier.
Comme il ne s’agit pas de former ici de futurs secrétaires, mais d’utiliser le code écrit par le biais du site, chacun saisit ce qu’il peut et l’adulte termine le travail parfois trop long. Mais tous abordent la notion de mot (séparé par un espace ) la correspondance entre la chaîne parlée et écrite, entre les capitales et les minuscules…
A la fin de cette progression, les enfants ont reçu leur recette au format
papier, sous forme de puzzles de 3 à 6 pièces, pour à la fois évaluer leur compréhension de la structure de ce type d’écrit, leur capacité de repérage et garder une trace « palpable » de leur production. En effet, tout au long de cette progression le travail des enfants reste invisible aux parents, et le temps passé à mener à bien cette publication ne remplit pas le classeur de photocopies rassurantes tant pour l’enseignant que pour les familles. Il y a donc nécessité à expliquer l’intérêt d’un site, et intégrer les compétences acquises dans le livret d’évaluation.
Mais, si les enfants produisent notamment pour être lus, on peut se demander par qui ? Notre classe unique maternelle est située en milieu rural très défavorisé. Une seule famille est connectée. Nos samedis « internet » ont eu peu de succès jusqu’à présent auprès des parents. Sans lecteurs, le web-zine devient un simple miroir, se vide de sens.
Des circuits efficaces ont donné vie à notre site : la liste de diffusion de cartables.net ( listecolfr ) ou le café pédagogique. Notre boite aux lettres s’est alors mise à vibrer, à parfois en devenir folle ! Certains jours, trop de mails nous sont parvenus : j’ai du répondre à la place des enfants, pour ne pas rendre cette activité pesante. Des enseignants ont commencé une correspondance avec nous, proposé leur recette de tarte aux pommes… que les enfants attendent toujours. (Mais c’est aussi l’apprentissage de certaines réalités humaines.)
L’ouverture brute sur la toile entraîne des communications au petit bonheur la chance, très peu satisfaisantes dans le cadre scolaire… Ne pouvant maîtriser le flux des communications et sa qualité, il a fallu trouver autre chose. Le site les petits du webs ( http://petitduweb.chez.tiscali.fr/) illustrait une autre voie : construire un site collaboratif avec une autre classe, chacun étant
lecteur / producteur. C’est ce que nous tentons de faire cette année avec la classe de Porchères en Gironde ou enseigne Hervé Baronnet. (Merci Listecolfr !) Sur ce web-zine, nos « correspondants » nous avaient envoyé des jeux de lecture faits à partir de dessins d’enfants. Sur le N° 3, nous avons construit un abécédaire ensemble.
Le site web a non seulement généré de nombreuses activités, mais il leur a aussi donné du sens. Les compétences acquises touchent des domaines aussi variés que la maîtrise des langages, la citoyenneté ou les arts plastiques. Plus encore à cet âge qu’à un autre, le jeune enfant a besoin de reconnaissance. Le web-zine, grâce à son format ouvert, la lui apporte : il permet l’intégration des productions de tous, quelles que soient les compétences de chacun. De surcroît, l’apparence d’une page web apporte une qualité qui favorise l’investissement des enfants. Dans ce contexte, le rapport aux apprentissages s’en trouve modifié, tant parce que les activités et leurs contraintes sont plus lisibles
pour les enfants, que parce qu’ils éprouvent une grande satisfaction à « se voir » et à voir leur travail sous cette forme. A partir du son et de l’image, que les enfants « décodent » depuis leur naissance, chacun a construit des savoirs complexes, dans des domaines variés, qui vont bien au-delà de ces médias propres au monde enfantin. Il y a là aussi un facteur d’intégration du plus grand nombre dans l’activité scolaire. Le site-web n’est que la partie émergée d’une pratique de classe : il ne donne qu’une infime idée des apprentissages et des dynamiques mis en œuvre.
LE SITE SUPPORT D’ACTIVITES
> Le livre virtuel : un support de réflexion
( http://www.scolagora.com/thieux/janvier2002/livre/couvert.htm)
A partir de la trame narrative de l’album » 10 petites coccinelles » (Ed Quatre Fleuves )les enfants ont été prescripteurs d’une l’histoire, proposant de nouveaux héros et une nouvelle fin. C’est bien sur l’adulte qui a monté le livre virtuel, avec des arrières pensées pédagogiques : partir de leur production pour amener les enfants à utiliser différentes opérations intellectuelles lors de la lecture d’écran :
– Prise d’indices, émission d’hypothèses et recherche de validation (dénombrer les coccinelles pour valider la lecture du nombre puis intégrer la petite coccinelle bleue sans laquelle le décompte ne correspond pas.)
– Prise en compte du « contexte » ( mettre en perspective toutes les pages pour donner un sens au numéro de pagination, puis utiliser les fonctions « pages précédentes » du navigateur pour valider ces hypothèses.)
– Mise en relation des différents codes internes à une page ( la bulle, et le mot qui grossit à l’intérieur indiquent que la coccinelle crie. )
– Prise en compte des particularités de l’objet à lire ( l’image tronquée et la présence de l’ascenseur sont des indices de la présence d’une zone non affichée.)
L’utilisation de ces modes de réflexion/outils est capitale, parce qu’à mon sens, adaptable à bien des situations de prise d’information et de construction de sens.
> Les jeux : intégrer tous les niveaux de compétences
( http://www.scolagora.com/thieux/janvier2002/questions/départ.htm)
Les jeux mis en ligne ont été faits par l’enseignant. Ils font suite à la lecture de « l’album à calculer » de R. Brissiaud, (Ed Retz), et à de nombreuses manipulations effectuées en classe, qui ont permis à l’enfant de consolider son image mentale du nombre. Dans ces jeux, les enfants encore incapables de « compter dans leur tête » allaient voir dans le bas de page combien de coccinelles avaient disparues et les comptaient, les plus experts répondaient sans cette aide.
Il est à noter que ceux qui avaient besoin d’aide n’étaient pas forcément les plus jeunes, et qu’il serait stérile d’obliger tous les enfants de moyenne section à utiliser l’aide et tous les enfants de grande section à utiliser une image mentale du nombre que certains n’ont peut-être pas encore construite. En laissant l’enfant déterminer son niveau de difficulté, sa façon d’entrer dans l’activité ( certains vont d’abord observer les autres ), on permet à chacun de progresser en fonction de ce qu’il est, et de sa compréhension de l’activité. A nous d’adapter le dispositif à leurs compétences tant intellectuelles qu’affectives ( d’autres auront besoin de répéter leurs réussites avant de pouvoir s’essayer, en confiance, dans des activités plus complexes ou l’erreur n’est pas perçue comme une sanction.) Cette pratique, qui semble évidente sur le format électronique, est d’ailleurs généralisable à toutes les activités scolaire. Mais c’est un autre sujet dont on trouve un développement ici :
http://maternailes.net/entree/differncrA.htm
> Les photos de vie : rapprocher le site de l’enfant et lui donner du recul sur ses activités
Cet onglet n’est jamais mis en ligne, à cause de la législation qui rend délicate la publication des visages d’élèves. Mais tout au long du trimestre, l’appareil photo numérique fixe les enfants en activité ou s’arrête sur leurs réalisations éphémères. Ces images servent de support de langage « en situation » et permettent aux enfants de prendre un peu plus conscience de leur activité en la verbalisant à distance. C’est une séquence particulièrement attendue, qui donne un peu plus de corps au web-zine, pour les enfants.
Le site web constitue un support de mise en réflexion de l’enfant, tant pour » faire des hypothèses sur le message porté par un objet porteur d’écrit situé dans son contexte » (I.O.) (sic ;o)) que pour prendre du recul sur son métier d’élève. Les jeux en ligne ont prolongé la progression effectuée en classe et permis une entrée différenciée dans l’activité.
Toutefois, pour ceux qui seraient tentés par l’aventure, il faut bien reconnaître qu’entre le chargement des photos, scans, leurs réductions, la mise en page, en lien, en ligne… on » clique » un certain temps. Quand viennent s’ajouter les éternels problèmes techniques, les heures englouties commencent à être indigestes, à hauteur des inévitables pizzas surgelées que le temps libre nous laisse le loisir de cuisiner. Si l’on met en perspective le temps d « auto-formation » et de réflexion , on peut être tenté d’échanger l’ordinateur pour la boite de punaises, ce qui ne change rien sur notre bulletin de salaire, mais promet des heures légères et de l’herbe verte sans menu démarrer…
Christine Colomer
Institutrice
Classe unique maternelle de Thieux
Circonscription de Dammartin en Goële (77)
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christine.colomer@wanadoo.fr
Matern’ailes http://perso.wanadoo.fr/matern.ailes
Site de l’école http://www.scolagora.com/thieux