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Les collecticiels au service de l’enseignement et de la formation

Pratiques pédagogiques :

Bruno Devauchelle

La mise en réseau des ordinateurs à suscité une littérature abondante autour des bienfaits de la mutualisation. Les travaux sur les réseaux d’échanges réciproques de savoir (Claire et Marc Héber Suffren) au cours des années 80 avaient montré que cette piste était prometteuse et porteuse de nouvelles formes de vie sociale. L’emploi du mot réseau et ses multiples déclinaisons dans de nombreux milieux (Hervé Seyriex par exemple pour le monde de l’entreprise) a donné prise à une idée récurrente dans le monde des TICE : ainsi s’inventerait un monde nouveau fait de solidarités et d’échanges. Cette générosité est souvent mise a mal dans la vie quotidienne de nos établissements dans lesquels le sentiment d’isolement est souvent évoqué.

Pour accompagner ce mouvement de développement des réseaux en éducation, des bulletins comme celui-ci, ou des listes de diffusion et de nombreux sites Internet proposent à chacun de découvrir cette culture et d’y participer non seulement comme spectateur, mais aussi comme acteur. Or il y a là une difficulté fondamentale qui est liée à une culture globalement individualiste du monde enseignant. Pour aider au développement de cette culture de réseau, il peut être intéressant d’expérimenter des pratiques à l’aide des outils que nous proposent les TIC. Plusieurs outils apparus au cours des deux dernières années gagnent peu à peu leur place et peuvent permettre de développer des  » réseaux humains et technologiques  » de façon aisée et efficace. Deux logiciels gratuits semblent permettre d’aller dans cette directions : Kanari et Groove.

Le concept de collecticiel

Trois outils principaux permettent de regrouper des individus dans des communautés virtuelles : la base d’information (site Internet, consultation ) , la communication synchrone (Chat, conférence, échange en direct) et la communication asynchrone (Forum, newsgroups, messagerie, échange en différé). Autour de ces outils se sont développées des pratiques que l’on peut largement observer sur Internet actuellement. Toutefois la mise en œuvre de ces outils suppose une compétence technique qui n’est pas aussi simple que les spécialistes veulent bien le dire. De plus ces outils fonctionnent selon une logique centralisatrice qui effraie un certain nombre d’utilisateurs qui y voient une dimension qui les dépasse et les impressionne. Ces pourquoi des concepteurs proposent des logiciels qui permettent de répondre à ces deux inquiétude en se basant sur les architectures poste à poste, d’une part, et en proposant des solutions intégrées faciles à mettre en œuvre à une petite échelle (de trois ou quatre personnes à plusieurs dizaines). Ces produits proposent de mettre à disposition des utilisateurs des espaces de collaboration et d’échange au travers de logiciels qui, de façon transparente, s’appuient sur l’architecture Internet et donc ne nécessitent aucun savoir faire technique.

Le logiciel Groove est un produit anglosaxon (Groove Network, Inc.) et disponible gratuitement par téléchargement sur http://www.groove.net/ . Ce produit de travail collectif s’appuie sur la communication synchrone et la base d’information partagée Il propose à l’utilisateur de créer des espaces composés d’un ensemble d’outils dont la base est le chat. Autour de ce chat on trouve un gestionnaire de calendrier, des forums, des espaces de partage de fichiers textes programmes ou images, du dessin partagé et la navigation sur Internet. Toutes ces activités peuvent être exercées en mode synchronisé au sein d’un groupe de travail ou en mode désynchronisé si la communication est interrompue en attendant la reconnexion. Il s’agit donc bien d’un véritable logiciel de  » groupware « , ce que confirme son origine (son concepteur est aussi celui qui fut à la base de Notes de Lotus).

Le logiciel Kanari est un produit  » international  » (kanari world) qui se présente ainsi :  » Kanari est le premier logiciel de messagerie de communautés Internet « . Il propose à l’utilisateur de créer des  » espaces  » autour de trois éléments essentiels : la messagerie, le forum et la base d’information. Il ne fonctionne qu’en mode asynchrone et ne suppose donc pas la présence simultanée des participants pour que la communauté vive. Le logiciel dont l’interface est dans la langue que l’utilisateur choisi à l’installation est très facile à prendre en main et devient vite évident techniquement pour les utilisateurs habitués à l’usage d’un logiciel de messagerie.

Les usages pédagogiques possibles

Quel peut être l’intérêt de tels produits pour l’enseignement ? En premier lieu l’enseignement professionnel trouvera là des outils pratiques pour mettre en œuvre des pratiques collectives sans avoir à déployer des architectures lourdes techniquement et en se centrant sur les usages. Ensuite l’intérêt de ces outils sera facilement perçu dès lors que les élèves et les enseignants ne sont pas présents ensembles dans l’espace classe. La possibilité de créer un espace virtuel de travail collectif permettra à l’équipe enseignante d’assurer un suivi, un accompagnement des élèves en continu sans l’astreinte de déplacements. Les professeurs qui veulent engager leurs élèves dans des projets d’échanges avec d’autres établissements pourront utiliser avec profit ces outils pour gérer la communauté dans le temps et dans l’espace et promouvoir ainsi les échanges entre les participants.
Dans le cadre plus général du développement des formations flexibles, les enseignants et formateurs trouveront là un support qui constituera un  » fil conducteur  » pour l’ensemble des participants.
Si l’on se place sur le plan de l’apprentissage, on pourra voir dans l’usage de ces outils un support pour rendre autonome l’apprenant et pour permettre des échanges de savoir entre l’ensemble des participants. Cela suppose d’aller vers des pédagogies qui donnent progressivement sa pleine responsabilité à l’apprenant dans la gestion de son parcours d’apprentissage et au groupe un rôle de producteur de savoirs au service du l’ensemble des participants. Certes ces pédagogies sont peu en phase avec le modèle scolaire traditionnel, mais elles sont possibles dans de nombreux cas et pourraient permettre d’amorcer une évolution du rapport entre le temps de l’élève et celui de l’enseignant, comme cela est en cours d’expérimentation dans différents lieux.

Conclusion

L’usage de tels logiciels semble prometteur en milieu éducatif pour peu que les enseignants les plient à leur projet pédagogique. Le logiciel Kanari semble actuellement le plus adapté à un travail scolaire parce qu’il est très accessible et ne repose que sur la messagerie électronique qui est désormais très familière à tous les utilisateurs d’Internet. Les essais auquel nous avons procédé ont mis en évidence qu’un temps court de formation des utilisateurs est nécessaire, de l’ordre de la demi journée, afin de mettre en place les procédures d’installation et de gestion des espaces collectifs. Ce logiciel ne s’appuyant pas sur un ordinateur central ou sur un poste serveur, il interdit un contrôle d’un administrateur sur l’ensemble des activités qui se déroulent dans ces communautés. C’est la philosophie poste à poste qui est à l’œuvre réellement ici, avec ses avantages en matière des souplesse, et ses inconvénients en terme de surveillance et de contrôle : mais est-ce là un objectif de la pédagogie, en soi ?

Bruno Devauchelle
Cepec Lyon.