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Internet, est-ce que c’est dangereux ?
(d’après un article paru dans les Cahiers pédagogiques n°396 : L’Odyssée des réseaux)

EDITO : Sécurité, contrôle, Internet et éducation (Bruno Devauchelle)
Internet et la sécurité des jeunes
Internet, est-ce que c’est dangereux ? (Odile Chenevez)
Problèmes posés par l’accès libre en bibliothèque publique (Thierry Delcourt)
« On ne résoudra pas ce problème en bâillonnant l’outil dans l’enceinte scolaire ou en l’ostracisant » (Alain Gurly )
La navigation sécuritaire : Avant tout une affaire d’éducation aux médias (Louiselle Roy)
Liens : La sécurité sur Internet : quelques sites et logiciels
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Un programme européen, Educaunet, expérimente cette année dans des classes de tous niveaux des méthodes et des outils d’éducation critique aux risques liés à l’usage d’Internet.

C’est un peu le monstre du Loch Ness : tout le monde sait qu’il y a du danger à naviguer sur la Toile et dans les recoins cachés de tout ce qui est « en ligne », et à laisser les enfants naviguer seuls, mais chacun est un peu plus flou quant à la vraie nature de ce danger, son ampleur, sa partie cachée… Quand le monstre apparaît-il ? Quels risques prend-on ? Comment protéger les enfants ?
Chacun a sa réponse, ses certitudes, son évaluation des risques, son système de protection… ou sa récupération commerciale. Vous avez sans doute vu cette pub télé où une petite fille de huit ans, passant le soir à table après avoir surfé sur le Net, demande ingénument à ses parents : « Papa aussi il porte des slips en cuir ? ». Visages consternés des parents. Surgit la proposition d’AOL de fournir un filtre efficace pour éviter à nos choupinets de telles rencontres…
Et à l’école, on se construit aussi, dans la hâte et empiriquement, quelques outils pour essayer d’en cerner les dangers. Parfois en tentant (en vain ?) de les supprimer radicalement et parfois aussi en recherchant des démarches éducatives pour évaluer et accompagner le risque.
Quelques exemples, souvent énoncés, de risques liés à l’utilisation d’Internet
– Risque d’être confronté sans le vouloir à des images ou à des propos traumatisants ;
– Même risque, mais en le cherchant ; – Risque de faire des rencontres dangereuses pour sa sécurité, d’être victime de fraude, d’atteinte à sa vie privée ;
– Risque d’être victime de désinformation, de ne pas être capable d’évaluer la fiabilité de ce que l’on trouve sur le Net ;
– Risque de télécharger et de diffuser des virus informatiques ;
– Risque de se noyer (sous le trop-plein des infos) ;
– Risque de faire subir un risque à autrui par des comportements incivils ou des contenus traumatisants que chacun peut distiller sur le réseau.
– Risque de laisser les enfants faire autre chose à l’école que ce qu’ils sont censés y faire ; risque de plaintes parentales et risque de rendre floue la mission de l’école ;
– Risque de renforcer les inégalités sociales par les inégalités d’équipement ;
– Risque d’augmenter les inégalités Nord-Sud, les inégalités entre « inforiches » et « infopauvres » ;
– Risque d’être un acteur de la mondialisation et d’enrichir tous les Bill Gates aux aguets ;
– Risques pour les enseignants d’être débordés par certains de leurs élèves ;
– Risque de mauvaise formation de la pensée et du raisonnement par l’utilisation de l’hypertexte et d’une navigation désordonnée.
– Etc. […]

Chacun peut ainsi évaluer où il met la barre de ce qu’il considère comme un risque réel et peut-être allonger cette liste, ou en biffer certains items. Voici quelques-unes des réponses à ces risques, en usage actuellement, et de façon variable, en milieu scolaire :
– Suppression de tout projet d’accès libre à Internet dans un projet d’établissement.
– Essais de bridage informatique ; accès limité à des sites sélectionnés ;
– Utilisation des postes sous surveillance plus ou moins rapprochée ;
– Développement de comportements et de protections pour empêcher la diffusion de virus ;
– Signature de chartes d’engagement personnel sur les modes d’utilisation d’Internet à l’école ;
– Mise au point de grilles pour apprendre à valider les informations recueillies et leurs sources ;
– Réflexion pour la mise en place de systèmes de protection contre l’utilisation frauduleuse des réseaux de boîtes à lettre pour les élèves ;
– Développement des points d’accès publics à Internet dans les communes. Diverses formes de participation des établissements scolaires au rééquilibrage social ;
– Encouragement de pratiques pédagogiques innovantes favorisant l’interdisciplinarité, l’éducation à l’autonomie, la coopération, le débat, la problématisation.
– Etc.

Là aussi, chacun construit ses réponses en y engageant largement ses propres fascinations et ses propres peurs. Seul un système de valeurs partagées, notamment sur la question de la gestion du risque en éducation, peut permettre de penser et de construire intelligemment et progressivement des réponses adaptées… à des dangers soigneusement évalués. C’est ce que tente le programme européen Educaunet, programme d’éducation critique aux risques liés à l’usage d’Internet. Ainsi, durant toute cette année scolaire 2000-2001, dix-huit enseignants de l’académie d’Aix-Marseille, du premier et second degré expérimentent des outils, des grilles, des démarches visant plus une éducation au « risque pensé », qu’à des pratiques de contrôle et de censure. Educaunet ne choisit sûrement pas la voie la plus confortable, mais fait le pari que l’école peut jouer son rôle, même avec Internet et les Tice, pour apprendre aux élèves comment « trouver ceux avec qui il est bon de penser » (Isabelle Stengers, philosophe).

Odile Chenevez.
Clemi Aix-marseille et formatrice Tice.