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Du virtuel au réel, le séminaire européen de la Villa Média

Par Bruno Devauchelle

Jeudi 14 février, deux cents personnes environ étaient conviées à un séminaire d’une journée autour du thème « les nouveaux arts d’apprendre ».. C’est au musée de Grenoble, que s’est déroulé cet événement qui a été la première pierre virtuelle de la « Villa Medicis » du multimédia annoncée par Jack Lang le 22 novembre 2000.

La table ronde à l’écoute du message vidéo transmis par Jack Lang qui n’a pu se rendre à cette journée.


En créant la Villa Média, le Ministère de l’éducation nationale veut apporter à l’édifice européen des technologies de l’information et de la communication un lieu d’excellence, mais aussi un lieu relais pour permettre un véritable développement du multimédia éducatif en Europe. Soutenir la comparaison avec l’Amérique du Nord a été plusieurs fois évoqué au cours de cette journée qui s’est déroulée en quatre temps.

L’acte fondateur a été le fait des politiques qui ont montré l’engagement non seulement de l’agglomération grenobloise, mais aussi du Ministère de l’éducation et de l’union européenne. La direction de cette Villa, assurée par Bernard Cornu (ancien directeur de l’IUFM de Grenoble) est donc placée sous le signe d’un effort significatif des collectivités pour encourager les développements du multimédia éducatif . Comme l’a signalé l’un des intervenants de cette journée, il est temps de passer de l’investissement en matériel en investissement en logiciel et en usage. Or pour accompagner ces usages, la Villa Média est le lieu réel et virtuel désigné pour en être l’un des acteurs principaux.

Les enfants testant les innovations proposées par le projet POGO, réseau européen pour les interfaces intelligentes d’information.


La Villa Média qui pourra accueillir quarante « lauréats » en résidence ouvrira ses portes à l’automne 2002 et recevra dans un premier les dix « lauréats » de l’appel à projet qui sera lancé au printemps 2002. Il va de soi que ces lauréats ne seront pas isolés mais associés dans des partenariats et des réseaux souhaités par les fondateurs.

Monsieur Migaud Président de Grenoble-Alpes-Métropole


Après ce premier temps fondateur, le but de la journée a été de préciser quelles étaient les missions et les attentes des acteurs essentiels du multimédia éducatif rassemblés ici pour la plupart. L’enquête en ligne faite par le directeur avait fait apparaître deux termes principaux : partenariat et réseau. On a pu observer qu’au cours de la journée l’ensemble des intervenants a signalé qu’à l’époque d’Internet il serait incongru que la Villa Média soit un lieu fermé, replié sur lui même. La deuxième partie de la matinée a été consacrée à tenter de définir ce que les « investisseurs » partenaires attendaient d’un tel outil. Il apparaît que l’un des fondements exprimé autour de ce lieu soit l’articulation entre art, communication et éthique, autour d’une mission : enseigner. C’est autour de l’idée de mutualisation dans l’art d’apprendre que les participants à cette première table ronde ont développé ce qui leur semblait être la base de cette villa.

Monsieur Win Jansen représentant de Monsieur Prodi, de la commission de la communauté européenne


L’après midi laissait la place à des travaux autour du devenir du concept d’apprentissage sous l’influence du développement des TIC. Entre continuité et rupture, Serge Pouts-Lajus demandait aux participants d’envisager ce que serait l’avenir. Entre « homo sapiens » et « homo zappiens », l’un des participants nous invitait à passer d’une vision statique à une vision dynamique et en réseau. Le changement culturel, reconnu par tous, donnerait à l’école une place parmi « mille autres moyens d’apprendre », sans oublier la complexité de la situation éducative. Malgré cela il est désormais impossible à l’école de refuser l’intrusion de l’extérieur. Pour l’instant la majorité des investissement se fait dans le matériel (hardware), il faut souhaiter qu’elle aille désormais vers le logiciel (le software). Reconnaissant l’absence de cadre théorique pour penser ces évolutions, les participants appelaient de leur voeux une réflexion que la villa serait à même d’animer.

La table ronde
Malgré une journée dense, riche et l’heure tardive, les participants restent attentifs aux derniers débats


Un atelier table ronde rassemblait ensuite les différents « innovateurs » présents dans deux espaces d’exposition autour de l’amphithéâtre du colloque. On a pu voir que dans un premier temps ce sont des produits qui sont mis en avant : livre électronique, logiciels pour l’apprentissage de l’écriture ou de la géométrie etc… L’intérêt de ces échanges a été de montrer ce que des innovateurs auraient aimé recevoir de la Villa Média s’ils avaient pu en bénéficier. L’ensemble des participants a reconnu que, de l’appui aux investissements jusqu’au cadre juridique et technique, le passage d’une idée à sa réalisation et à sa diffusion générait une multiplicité de métiers qu’une seule personne n’est pas en mesure de faire. La Villa Média serait alors ce lieu transdisciplinaire permettant d’articuler l’ensemble des compétences nécessaires à de telles entreprises.


La fin de la journée a été marquée par la conférence de la philosophe Gloria Origi de l’université de Bologne qui a proposé de poser les fondements d’une « science humaine de l’Internet ». Rappelant que ce sont les être humains qui font la technologie, Gloria Origgi nous a montré que l’affordance (caractéristique de l’objet qui suggère ou déclenche une action) est aussi présente dans l’Internet et que c’est du coté de la mémoire et de la relation qu’elle apparaît. Fondant ainsi l’idée que l’être humain est un interprète, l’intervenante nous invitait à réfléchir sur notre capacité à penser l’usage de l’Internet, en particulier dans le domaine de l’éducation, en centrant notre approche sur ce que l’être humain en fait et non pas seulement sur ce que la technique tente de nous imposer.

Cette première journée, fondatrice de la Villa Média, vient s’inscrire dans une dynamique du Ministère de l’éducation nationale, relayé par la Communauté Européenne, qui s’appuie sur la dimension éminemment culturelle des TIC. En intitulant cette journée « les nouveaux arts d’apprendre », les initiateurs ont tenu à nous rappeler que nous sommes dans l’humain, c’est à dire dans du complexe et de l’incertain, mais aussi du créatif et du culturel. Souhaitons à Bernard Cornu qu’une fois les locaux terminés et inaugurés, il puisse faire valoir l’ensemble des attentes émises par les participants de cette journée. Sinon ce ne sera qu’un « sanctuaire » de plus, élitiste et isolé. On connaît l’attachement du directeur à la formation des enseignants, on peut donc logiquement penser qu’il saura mettre ce lieu en synergie avec les acteurs, non seulement de la région grenobloise, mais aussi de la France et de l’Europe.

Bruno Devauchelle

Cepec