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Deux systèmes fort différents

Auteur : Blandine Raoul-Réa

Introduction de la journée par Christian Kröner, Ambassadeur du Royaume des Pays-Bas en France qui met en parallèle les situations de l’école dans les deux pays. Il y a en effet aussi aux Pays-Bas débat sur l’école ; mais au sein des institutions. La discussion entre les deux systèmes se retrouve autour de quatre points :

1/La sécurité à l’école

2/Les problèmes d’intégration, d’immigration

« Il y a depuis la fin des années 70 une forte population immigrée dont l’intégration représente un défi. Les enfants présentent un important retard scolaire en particulier linguistique qui a conduit à mettre en place un enseignement différent. La constitution néerlandaise garantit la liberté d’enseignement et permet donc l’établissement d’écoles confessionnelles qui doivent se conformer aux programmes nationaux. Il y a quelques écoles musulmanes. Cette liberté a conduit à des concentrations de populations immigrées dans certaines écoles (on parle d’écoles blanches et d’écoles noires aux Pays-Bas) »

3/ La diversification aux Pays-Bas commence à l’entrée au collège (à 12 ans).

4/ Les langues étrangères : au secondaire tout élève doit apprendre le Français ou l’Allemand en plus de l’Anglais commencé plus tôt. Les Pays-Bas envisagent de renforcer ces apprentissages en introduisant un enseignement bilingue. Volonté de participation à l’Europe en intégrant les langues étrangères très tôt (Néerlandais très peu apppris dans les autres pays européens)

Claude Thélot (Président de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école) expose l’apport du débat à la construction de la politique éducative française. Il y a nécessité de refonder l’école plus que de l’améliorer parce qu’il y a des mécanismes nouveaux et parce qu’il y a une exigence croissante de la part des concitoyens envers leur école. Il s’agit donc bien de rédiger une nouvelle loi d’orientation. La France a choisi de passer par le processus du débat public général. Si on devait résumer les conclusions du débat en une phrase on pourrait dire : les Français ont demandé que l’on fasse réellement, vraiment, réussir tous les élèves. Ceci impose des transformations profondes. Tous les élèves doivent maîtriser une culture commune et la réussite éducative doit passer par la maîtrise d’un tronc commun non pas minimal, mais indispensable. Il s’agit donc de définir ce qui est l’indispensable et qui comprend donc des connaissances, des compétences intellectuelles (savoir faire pour la vie du citoyen) et des règles de comportement (important comme ciment de notre nation). Le tout doit permettre à notre société de perdurer. Comment définir ce socle ? Pour faire en sorte que ce soit maîtrisé par TOUS les élèves, le métier de professeur doit changer car il doit accompagner. Il faut varier les processus d’acquisition pour s’adapter à tous les élèves. Pour faire réussir tous les élèves il faut donc diversifier les voies dès le collège en faisant apparaître options et alternance (il n’y a pas que l’école qui éduque, certaines compétences s’acquièrent ailleurs : dans les entreprises par exemple). Cette diversification ne peut pas se traduire par des inégalités. Il faut donc réfléchir à des systèmes éducatifs qui satisfassent l’égalité des chances mais il faut aller plus loin : pour la maîtrise du socle, chacun selon sa voie. L’égalité de résultat veut aussi dire que nous partageons des idéaux et des valeurs communes (notamment à l’échelle européenne). En quelques années, la moitié des enseignants, des chefs d’établissement et des inspecteurs vont partir à la retraite… c’est le moment de mettre en œuvre ce changement.

Aux Pays-Bas il y a une forte liberté pédagogique et dans la direction des établissements scolaires. Cette liberté implique des libertés dans des directions religieuse et pédagogique, dans l’aménagement de l’école. Les financements sont égaux pour les écoles privées et publiques. Force est d’observer le phénomène de séparation des écoles en « écoles blanches » et « écoles noire » (dans lesquelles 88 à 90% d’enfants sont issus de l’immigration). Les écoles publiques doivent accueillir tous ceux qui frappent à leur porte ; les écoles privées peuvent refuser tous les élèves qui n’acceptent pas leur fondement (par exemple école catholique, école Montessouri…). Les écoles islamiques sont en forte augmentation ce qui pourrait amener une ségrégation. Pour tenter de pallier à ces différences, le gouvernement a augmenté ses exigences en mettant en place des examens communs (le CITO à la fin de l’école primaire) et des exigences communes.

Aux Pays-Bas, l’élève est avant tout un enfant. Professeurs et élèves sont égaux : ils ont besoin d’apprendre l’un de l’autre pour que l’enfant puisse accéder au socle commun. La culture néerlandaise impose moins de compétition et est plus dans l’interrelation. Les programmes sont ouverts, les parents sont des personnes ressources pour l’école. Tout doit se faire en liaison avec la famille. Tout le problème actuel est que dans les grandes villes, dans les « écoles noires », l’investissement des parents est faible.

L’impact du rythme scolaire

Les élèves, libérés l’après-midi sont peu encadrés par leurs parents (les mères doivent travailler) dans ces grandes agglomérations. De plus cette liberté l’après-midi ne favorise pas l’apprentissage de la langue néerlandaise car dès 14h30, l’enfant ne parle plus le néerlandais. Se greffent les habitudes de temps partiel des femmes néerlandaises, fort différentes des nôtres. Le fait que l’école ne soit que le matin ne montre pas l’importance de la place de l’école dans la vie de l’enfant (parfois ses activités extra-scolaires ou un job l’occupent plus de temps dans la journée !). Il ne sert pas d’apprentissage au rythme de travail en situation d’emploi.

Évaluation

Il n’y a pas de note, mais des commentaires, des remarques. Seul le CITO évalue la fin de la scolarité primaire et permet en fonction des résultats l’orientation dans le collège qui après 2 années se diversifie en trois branches (des passerelles sont toujours possibles de l’une à l’autre). Remarque de certains parent qui se plaignent de n’obtenir une évaluation que lors du passage de cet examen (trop tard !) or cette évaluation des compétences acquises par leur enfant or le CITO est à la base de l’orientation pour l’une des trois filières au collège (courte, moyenne, longue). L’Inspection répond que le suivi est beaucoup plus régulier et que les familles sont en étroites relation avec les équipes enseignantes. Quelles conséquences si les familles ne sont pas présentes tout au long du cursus primaire ? Il devient donc important de travailler à donner à ces familles ou l’occasion de prendre plus de place dans l’école ou-bien il est nécessaire alors de prendre en charge plus longuement les enfants dans la journée.

Formation des enseignants

Les enseignants aux Pays-Bas sont formés dès la fin de l’école (après le baccalauréat niveau moyen) et au vue des difficultés d’enseignement ils reçoivent pendant quatre années une formation disciplinaire et une formation en pédagogie et didactique qui prend de plus en plus d’importance. Leur faiblesse est donc la discipline. Il n’y a pas de concours, l’élève-maître doit chercher sa place dans une école.

Un exemple dans un collège

Nous observons un groupe de 50 enfants qui sont en cours de langue (Allemand). Le collège ne fait pas partie d’une grosse agglomération. L’enseignement des langues dans ce collège se fait en 12 semaines à raison de 2.5 heures par jour (immersion). Trois adultes interviennent (de fait, si l’un manque, le cours a lieu quand même avec les deux autres). Une adulte est enseignante d’Allemand, une autre est l’enseignante de mathématiques et de langue maternelle allemande, une troisième est une « répétitrice ». Les élèves ont leur programme de travail sur le réseau informatique pour les douze semaines. Ils font leurs exercices en autonomie par petit groupe et sont évalués à la fin des douze semaines.

L’emploi du temps de ce collège (libre à chaque établissement de le mettre en place comme bon lui semble) est fait de telle sorte que les élèves travaillent en général par plage de trois heures avec l’enseignant. Ainsi, en diminuant les changements, on augmente l’implication de l’élève pour la discipline en question.

Une sorte de révolution…

En 1993, le tronc commun comprenait 15 disciplines et 280 objectifs détaillés obligatoires à atteindre. Maintenant on trouve non plus quinze disciplines, mais sept domaines, 60 objectifs à atteindre et seulement 70% du temps scolaire est prescrit par l’état, 30% est laissé à l’autonomie de l’établissement. Il n’y a de plus pas de règle d’horaire par domaine. Il y a une liberté totale pour grouper les élèves.

Les sept domaines sont la Langue maternelle, l’anglais (de 10 à 16 ans), les Mathématiques, l’homme et la nature, l’homme et la société, les Beaux arts, le Sport.

Les sept points de départ

§ L’élève est au centre, pas le contenu
§ Il doit apprendre à apprendre
§ Il doit apprendre avec les autres
§ Il doit apprendre de façon interdisciplinaire
§ L’apprentissage doit être sans rupture
§ Il doit apprendre en sécurité (il est permis de faire des fautes)
§ Il doit s’orienter (savoir quelles sont mes possibilités et quels sont mes talents)

Le but est de donner l’autonomie aux élèves.

Tous les élèves ne sont pas égaux et il s’agit de leur donner à tous des chances. Ils ont besoin d’être abordés de façon différenciée. Il s’agit de prendre en considération que tous les élèves peuvent entreprendre quelque chose et donc il faut leur donner des défis à relever. Il n’y a donc plus besoin d’emploi du temps, de niveau. Le collège cité précédemment, montre que les élèves peuvent changer de « classe ». « L’enfant vient à l’école pour montrer ce qu’il sait faire et l’enseignant pour lui apprendre ce qu’il ne sait pas. Chacun a quelque chose qui mérite d’être développé, mais cela ne doit pas conduire à l’isolement, cela doit passer par la relation avec l’autre. » nous dit le principal de ce collège. Ainsi observons-nous dans cette situation deux principes

L’enseignement suit l’élève motivé par un projet, l’enseignant l’accompagne dans ce projet

Il faut apprendre ensemble : en équipe d’enseignant, entre élèves, entre élèves et enseignants

En France, l’histoire de l’instauration du cycle commun au collège est venue de la volonté de ne pas laisser les élèves doués en déperdition… Il s’agit en 1974, sous Valéry Giscard d’Estain d’ « élever le niveau de connaissance et de culture de chaque Français et chaque Française ». En 1995, se posent les principes fondamentaux du collège qui aboutissent au minimum commun. L’autorité est centrale : il y a une grande distance entre professeur et élève. Les relations sont hiérarchiques. Les programmes sont prescrits ; il y a un fort contrôle, ce qui est différent est dangereux. Les parents sont des laïques, quelque part un peu élèves aussi…

Il y a peu de place pour l’autonomie de l’élève et « l’élève qui est doué de ses mains ne peut pas réussir en France » fait remarquer Kim van Strien (néerlandaise), ancienne élève de collège en France.

(A. van Zanten) L’école française avec son collège commun donne-t-elle vraiment la même chance à tous ? La première préoccupation des familles est celle de la sécurité : on n’est alors plus dans le choix de l’école mais dans la fuite d’un établissement scolaire. Les problèmes dans les zones difficiles ne sont pas tant les moyens ou les dispositifs qui manquent mais plutôt de coordonner ces moyens, dispositifs. Nous observons en France, par rapport aux Pays-Bas, un faible taux d’encadrement de proximité (aide éducateurs, surveillants, …).

Incivilités, violence et échec

Deux grandes voies sont adoptées aux Pays-Bas nous explique Josine Junger-Tas, criminologue. La mise en place de compétences sociales dans les programmes scolaires avec acquisition de ces compétences sous plusieurs formes (programmes aux jeunes mères, programmes scolaires, …). Le lien entre échec scolaire et délinquance étant observé, il y a mise en place de mesures afin d’éviter cet échec. Le projet le plus actuel est celui de la mise ne place d’ « écoles larges » qui vise à promouvoir le développement intellectuel et social, et combattre les retards scolaires. S’associent donc à l’école (dans l’école même) : acteurs de la santé, sociaux, protection de la jeunesse, police de quartier, activités sportives, culturelles, soutien scolaire, etc. De façon à rallonger la durée de la journée scolaire (et ainsi permettre la surveillance, le contrôle). L’intervention dans les quartiers est alors de la responsabilité des communes. Il est absolument nécessaire d’associer les parents à la vie scolaires et aux études de leurs enfants car les parents n’ont aucune idée de ce qu’est l’école. De même les enseignants reçoivent une formation spéciale (plus de didactique encore).

En France, pour Jacqueline Costa-Lascoux, on constate l’abandon de l’enseignement des valeurs. On ne voit plus ce qui est commun au détriment de la différence. L’enseignement de l’ECJS qui aurait pu jouer ce rôle est un échec, elle n’est pas interdisciplinaire, et la pédagogie active est relativement absente.

En conclusion

Les Pays-Bas ont connu un changement radical dans leur système éducatif avec l’abandon des programmes. Les postures d’enseignement certes différentes avant ont dû encore plus changer et passer par la différenciation pédagogique. Les enseignants travaillent constamment en équipe et par objectif pédagogique sur du plus long terme que l’année scolaire. L’élève n’est pas au centre du système éducatif… pas plus, pas moins que l’enseignant… L’orientation se fait à 14 ans après deux années de collège.

Les deux systèmes sont forts différents. Tous deux ont des problèmes de violence, de sécurité et de civisme à régler. Les Pays-Bas envisagent d’encadrer plus longuement dans la journée les enfants, les jeunes pour améliorer l’intégration, même si cela ne semble pas dévolu à l’école mais aux structures locales. La France envisage de diversifier son enseignement.