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 » Les prescriptions pour un retour aux bons vieux usages d’antan ou les ratiocinations sur l’innovation invitent parfois au sourire, agacent ou font carrément grincer les dents des enseignants. Pour la plupart d’entre eux, immergés dans leurs soucis quotidiens et méfiants face aux revirements intempestifs, la mission de transmission ne consiste pas à rompre avec la tradition mais à la rendre accessible… Ils savent aussi que les élèves sont pressés, vont trop vite pour eux.., développent des curiosités exigeantes sans révérence a priori.. La synchronisation entre les différents temps qui se télescopent dans l’heure de cours, ce temps si particulier de l’apprentissage, ne va pas de soi, et les enseignants, face à un pari aussi difficile, deviennent des passeurs toujours plus anxieux. L’innovation en matière d’éducation est en ce sens une question majeure… Comment peut-on imaginer des pratiques professionnelles qui sécurisent à la fois enseignants, parents et élèves, sécurité éducative sans laquelle rien ne peut germer de l’ordre de la culture? Comment éviter les facilités de retours en arrière faussement protecteurs et surtout stériles, ou les va-et-vient de réformes inadaptées aux situations pédagogiques concrètes? ». Dans le numéro 140 de VEI Diversité, Marie Raynal situe d’emblée l’innovation dans ces tensions entre Ville et Ecole, entre passéisme et agitation.

Ce nouveau numéro, croise, à travers une trentaine d’articles, trois éclairages sur l’innovation : une réflexion sur la notion elle-même, des exemples de pédagogies innovantes, des pratiques innovantes dans la ville. Il revient à Françoise Cros de démythifier l’innovation. Pour elle « finalement l’innovation traduit les incertitudes, les ambivalences, les mobilités et les contradictions de nos sociétés modernes où le temps passé semble nié au profit d’un avenir que l’on veut radieux… Depuis que l’innovation à l’école existe de manière officielle, elle a perdu de son brio pour se confondre dans la masse des incertitudes et du foisonnement de quêtes et des manifestations de sens ». A son tour, l’analyse des « écoles différentes » proposée par Marie-Laure Viaud n’est guère optimiste : « Permettre l’ouverture de quelques écoles différentes, mais dans des conditions matérielles si pénibles qu’elles absorbent en grande partie l’énergie de l’équipe éducative, n’est ce pas un moyen d’occuper et de canaliser des militants pédagogiques ? En outre les établissements différents permettent de mettre au point des innovations ponctuelles… qui peuvent être reprises par le système et permettre à l’institution de tenir… Les établissements expérimentaux ne seraient autorisés que dans la mesure où leur existence peut servir les besoins de l’institution, c’est-à-dire à la marge ».

Alors faut-il enterrer l’innovation ? Non bien sûr. Anne-Marie Vaillé rappelle ce que fut le projet du Conseil national de l’innovation, avant que le ministre ne le supprime. Cécile Carra et Daniel Faggianelli rendent compte du fonctionnement d’une école expérimentale Freinet, Jean-François Marcel des projets d’un collège toulousain : deux expériences qui attestent de la nécessité d’innover dans des contextes scolaire difficiles. Alain Vantrois, directeur de l’éducation de la ville de Roubaix, montre que les acteurs locaux peuvent soutenir des pratiques nouvelles.

Ce numéro éveille chez le lecteur des sentiments contrastés. Une réflexion plus éclairée sur la nature même de l’innovation, qui pourra aller jusqu’au désenchantement chez certains. Des pistes pour réfléchir à ses pratiques. Un intérêt et des curiosités vers les champs extérieurs à l’Ecole. Aussi quelques regrets de voir les TICE absentes d’un numéro sur l’innovation.

VEI Diversité, Du neuf sur l’innovation ?, numéro 140, mars 2005
Sommaire
Rappel : article de F. Cros, Café 55
Rappel : article de ML Viaud, Café 59