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Fèvre

Marie-Pierre Fèvre, Présidente du bureau académique de la FADBEN – Nice

Fructus

Isabelle Fructus, Présidente du bureau national de la Fadben

Chapron

Parmi les congressistes, Françoise Chapron

Le congrès de la FADBEN a débuté vendredi 8 mars 2005 par un trio de conférences sur la culture informationnelle et la citoyenneté.

Marie-Pierre Fèvre, Présidente du bureau académique de la FADBEN – Nice avec l’ensemble du bureau de Nice et celui d’Aix-Marseille, a ouvert le congrès. Isabelle Fructus, Présidente du bureau national de la Fadben, en a présenté la problématique.

Donner une autonomie aux personnes au sein de leur communauté, en leur proposant une formation à la maîtrise de l’information.

L’UNESCO, par la voix de M. Abdelaziz Abid (division de la Société de l’information) pose la question de la maîtrise de l’information au niveau international à l’exercice de la citoyenneté. Dans le monde, il y a des situations d’urgence tant en alphabétisation qu’en accès à l’information. Qu’il s’agisse de problème de contrôle de l’information ou d’accès matériel à l’information, l’éducation aux médias passe par une alphabétisation. Les Nations Unies ont chargé l’UNESCO (objectif à atteindre en 2015) de mettre en place une éducation pour tous. Les Etats doivent considérer l’Éducation comme un bien public. A travers le programme LIFE (Initiative d’alphabétisation pour accéder à l’autonomie), l’UNESCO se donne pour objectif de permettre une autonomie des personnes au sein de leur communauté. Ces campagnes visent en priorité le public le plus touché : les femmes dans les régions rurales les plus reculées. Dans ce programme, le point de départ est toujours les préoccupations quotidiennes.

Réduire la fracture numérique et garantir un accès équitable à l’information

Le SMSI (Sommet mondial pour la société de ‘information) s’est fixé pour double objectif de réduire la fracture numérique et de garantir un accès équitable à l’information. L’UNESCO, pour la mise en oeuvre de ces objectifs s’appuie sur quatre piliers :

– la liberté d’expression

– l’accès universel à l’information (lutte contre la censure)

– le maintien des diversités culturelles et linguistiques

– la formation à l’information

Oui, mais de quelle information parle-t-on ? Quand et comment doit-on utiliser les outils de communication ?

– Il faut une éducation PAR les médias : nouvelles (au sens de « news » i. e. les journaux, presse, TV….) et chats (bavardoirs ou clavardages), blogs etc.

– Il faut accéder à l’information scientifique et technique : la santé, les statistiques, l’emploi, les données et la culture scientifique.

– Il faut maintenir une culture artistique et l’oralité

Que doit être cette formation à la maîtrise de l’information ? Qui doit-elle toucher ? Proposition de définition : (formation à la maîtrise de l’information au sens d’information literacy) : « Capacité d’utiliser les sources de la société de l’information (livres, média, sites, web…) de manière appropriée (pourquoi? Où ? Quand ? Laquelle/lequel ? Capacité de réflexion critique, créativité). Pour répondre à des besoins, échanger des idées, créer un nouveaux savoir et résoudre des problèmes ». Il s’agit de décider de ce qu’il faut enseigner : il importe de formuler son besoin d’information, savoir le négocier, le diagnostiquer. C’est là l’essentiel des objectifs de la formation : discernement et critique. Il y a des connaissances technologiques pour la recherche documentaire, le repérage de l’information, l’indexation etc. mais ce n’est pas l’essentiel, c’est un moyen pour arriver à ses fins d’information.

La formation à la maîtrise de l’information est le socle de l’apprentissage tout au long de la vie. Elle est commune à toutes les disciplines

Une facette souvent délaissée est celle de la communication : le savoir informer. Il est important de savoir produire de l’information. Produire de l’information nécessite aussi une maîtrise des outils de production numérique : maîtrise des outils mais aussi des concepts et connaissances de la société de l’information. « La formation à la maîtrise de l’information est le socle de l’apprentissage tout au long de la vie. Elle est commune à toutes les disciplines ». La technologie ne doit pas être la fumée qui cache les compétences nécessaires pour maîtriser l’information.

Claude Baltz, philosophe, professeur en information-communication à l’Université de ParisVIII, fait le lien entre technologie et maîtrise de l’information en développant la thématique suivante : Cybernétique : un « driver » obligé pour la société de l’information ?

Depuis une dizaine d’années, la « culture informationnelle » commence à avoir droit de cité, essentiellement à travers les efforts de terrain des documentalistes en milieu éducatif. Il ne peut y avoir société de l’information sans cybernétique. La cybernétique, c’est le driver (pilote) de la société de l’information. S’il ne peut y avoir de culture sans connaissance Il faut veiller à prendre en considération d’autres facteurs dont le corps (comportements individuels et sociaux) car cette culture touche à notre rapport au monde. La cyberculture est entendue dans le sens de la perception d’une modification de notre rapport au monde à travers le rôle de l’information et de ses technologies .

Cette nouvelle culture modifie notre perception de l’espace et du temps

Nous percevons l’extérieur via des machines qui ont leur propre mode de fonctionnement ; grâce à elles nous ramenons de l’information extérieure chez nous, à nous. Cette information est variable tant dans la forme que dans le domaine qu’elle touche, et cela d’autant plus que l’hypertexte en multiplie les formes. Il faut donc faire appel à des classifications, taxinomies…pour pouvoir les intégrer. Comment enseigner cette culture de l’information ? Il faut mettre en situation l’information Exemples : comment choisir son lieu de vacances quand on navigue sur Internet , ou comment choisir son programme télé dans son magazine ?… C’est l’analyse de la démarche qui permet de comprendre les compétences mises en jeu.

Le nouvel environnement médiatique des jeunes : quels enjeux pour l’éducation aux médias ? Vaste question pour laquelle Jacques Piette, professeur de communication à l’Université de Sherbrooke (Québec), se propose de nous donner des éclairages à la lumière des résultats d’une recherche internationale sur le nouvel environnement médiatique des jeunes -Internet et les technologies interactives de communication. Il faut comprendre quelles relations les jeunes (l2-17 ans) entretiennent avec les médias pour adapter l’éducation aux médias.
Les résultats de cette recherche montrent que les jeunes ont un enthousiasme sans fascination pour Internet. Ils en ont une représentation extrêmement positive ; Internet fait partie de leur univers. Ils retiennent l’aspect convivial et polyvalent. Ni paradis, ni enfer : ils ont un discours modéré. L’aspect qu’ils privilégient est l’outil de communication puis le divertissement. Les jeunes n’usent pas des mêmes modes de communication que les parents pour lesquels, la communication directe est la communication idéale. Pour les parents, Internet s’associe à des représentations du type magie ou mystérieux car la technologie est révolutionnaire. La question de la confiance dans le réseau ne se pose pas pour les jeunes, mais pour les parents Internet est associé à danger. Ces inquiétudes ne sont cependant pas le frein pour un abonnement, le frein pour les parents est celui du coût. Les jeunes pensent qu’on peut faire confiance au réseau tout en reconnaissant toutefois qu’il n’est pas exempt de dangers. Ce n’est tout simplement pas leur préoccupation. Ils ne s’intéressent pas aux inconnus qui souhaitent les rencontrer et la pornographie fait partie de leur expérience de la navigation par accident. Les garçons disent y être allés volontairement. Ils se sentent capables de faire face au danger. Pour eux, être exposé, fait partie des dangers d’Internet, d’une réalité. Quant à la fiabilité de l’information … une information est aussi fiable que sur un autre média. Mais ils avouent ne pas posséder d’outils pour la validation. Chacun surfe dans sa langue et ils n’envisagent pas que leur langue maternelle soit menacée. Internet est le « disque dur » du monde : c’est leur vision de la toile. Il recueille la connaissance du monde mais il faut savoir la chercher.

Quelles utilisations font-ils d’Internet ? Ils ont une pratique individuelle… mais pas solitaire du réseau. En tout premier lieu, l’e-commerce n’est pas pour eux. Il préfèrent faire les magasins en famille ou entre copains. Cependant, on constate que leurs achats augmentent ces derniers temps. Quel temps passé sur Internet Ils en font une « utilisation modérée et raisonnable ». Les usages excessifs et les dépendances restent exceptionnels. Ce n’est pas Internet qui s’approprie les jeunes mais l’inverse. La majorité s’en sert deux fois par semaine, moins d’une heure chaque fois… les filles ayant une prédilection pour les clavardages, les garçons pour les jeux vidéo. Avec le développement des téléphones portables, le clavardage a tendance à diminuer. Dans les dernières observations, la recherche montre que l’activité scolaire devient l’usage numéro un d’Internet.

Pouvoir d’agir et plaisir de pouvoir piloter. Pour autant, ces jeunes internautes ne vont pas explorer bien loin. Chacun tisse en fait sa petite toile dans l’infini du web. Il y a peu d’exploration : ils visitent toujours les mêmes sites, pour toujours les mêmes thèmes et rencontrer toujours le même groupe d’amis. Ils conservent peu la mémoire de leur cheminement et mémorisent peu de sites visités. Internet devient un outil d’ouverture culturelle (musique, sport, …). Ils apprécient le pouvoir d’agir et le plaisir de pouvoir piloter. Les parents contrôlent davantage le temps de consultation que la navigation.

Comment s’est faite cette appropriation d’Internet ? Sans heurt, en douceur. Les parents se disent satisfaits de la manière dont l’école s’acquitte de ces apprentissages. En augmentant la fréquentation de la toile, la consommation de télévision et de jeux vidéo diminue. Elle ne prend pas la place des autres médias.

En conclusion : quels sont les enjeux pour cette tranche d’âge ? Il faut permettre d’aller au-delà de l’accès, même si permettre l’accès est indispensable pour éviter l’exclusion car ils ne réfléchissent pas sur Internet, ils l’utilisent. L’éducation doit inclure une éducation aux réseaux. Pour permettre le développement d’une réflexion, il est nécessaire de partir de LEURS expériences et de LEURS intérêts.