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François Jarraud

Où que vous lisiez ces lignes, vous connaissez leur signature. Du 19 au 21 mai, le 1er Forum International Presse Education a réuni à Paris 40 journalistes spécialisés dans le domaine de l’éducation. Une occasion exceptionnelle d’aborder les questions des comparaisons internationales et de l’efficacité des systèmes éducatifs.

Ce 1er Forum International Presse Education résulte des efforts d’un groupe de journalistes français qui ont réussi à obtenir le soutien du CIEP (Centre international d’études pédagogiques) et des ministères de l’éducation nationale et des affaires étrangères.

Durant 3 jours, que peuvent bien échanger les meilleures plumes mondiales de la presse spécialisée en éducation ? Discutent -ils en experts ? Parlent-ils de leur métier et des ses aléas ? Que vient faire dans cet événement une publication aussi hors norme que le Café ?

Le FIPE s’est ouvert le 19 mai sur une visite d’établissements français qui a emmené les congressistes dans la ZEP de Corbeil, du primaire au lycée le matin, puis l’après-midi à la découverte de l’enseignement supérieur, en l’occurrence des établissements aussi différents qu’une grande école et une université publique.

L’Ecole peut-elle être efficace avec moins de moyens ?

Vendredi 20 mai était dédié aux conférences. Le matin deux ateliers ont travaillé sur l’idée de l’efficacité de l’école.

Un premier groupe a réfléchi aux comparaisons internationales. Longtemps refermés sur leur propre système d’évaluation, les systèmes éducatifs ont du ces dernières années affronter le regard inquisiteurs d’évaluations externes. PISA est sans doute la plus célèbre en ce domaine : la presse mondiale a répercuté son classement des pays, mettant ainsi les dirigeants et les acteurs de l’Ecole sous la pression directe de l’opinion publique à propos de l’efficacité de l’Ecole. PISA a incontestablement impulsé des changements de politique scolaire importants par exemple en Belgique, en Suisse ou en Allemagne. Comment expliquer les hauts scores de la Finlande ou de la Corée du Sud ? Les résultats sont-ils vraiment fiables pour tous les pays ? Quels éclairages ces enquêtes apportent-elles sur nos points faibles et nos points forts ? Les congressistes ont pu écouter les explications du « père » de PISA, Andreas Schleicher et d’experts comme Denis Meuret (Iredu).

La question de l’efficacité de l’Ecole se retrouvait également dans le second atelier. Comment mesurer l’efficacité d’un système éducatif? Peut-on définir un système modèle ? Quelles améliorations retenir des nombreuses expériences menées ? Pour Alberto Rodriguez, spécialiste de la Banque Mondiale, l’école efficace est celle qui atteint les objectifs qu’elle s’est fixée. Mais elle doit aussi être efficiente c’est-à-dire lutter contre les gaspillages. Car, pour la Banque, l’accumulation de moyens n’apporte pas toujours les résultats attendus. La Banque défend le modèle décentralisé avec des écoles jouissant d’une forte autonomie de gestion mais sous le contrôle d’une autorité centrale et avec l’appui d’acteurs locaux fortement impliqués.


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Alberto Rodriguez, Banque Mondiale, Mamadou N’Doye, Association pour le

développement de l’éducation en Afrique, Emmanuelle Bastide, RFI.


Un modèle que Mamadou N’Doye, secrétaire de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique, a pu confronter au terrain dans une région où les efforts sont importants mais les besoins immenses. Dans le cadre du programme PASEC il mesure l’efficacité de ces efforts pour améliorer la scolarisation tout en gérant au mieux les deniers publics.

Quelles politiques sont les plus efficaces ? Améliorer la formation des maîtres coûte cher et semble avoir peu d’effet sur les résultats. Faire redoubler les élèves est tout autant inefficace. Alphabétiser les parents est plus opérant mais a un coût important. M. N’Doye invite les états africains à investir sur des politiques moins onéreuses : disposer d’un bon livre du maître et de manuels pour les élèves. Du côté des enseignants, il faut veiller à ce qu’ils parlent la langue locale et à ce qu’ils aient une culture de la qualité, particulièrement qu’ils croient en l’éducabilité de tous les élèves.

La globalisation redistribuera-t-elle les cartes de l’enseignement supérieur ?

C’est l’enseignement supérieur qui faisait l’objet de deux ateliers l’après-midi avec un thème central : la mobilité.

Mobilité sociale d’abord : comment se fabriquent les élites ? Sur quels critères sélectionner ? Quel impact peut avoir la globalisation sur les modèles de formation ? La présence de Richard Descoings, directeur de Sciences Po et initiateur du premier programme de discrimination positive en France apportait un éclairage puissant sur les enjeux.

Mobilité géographique : quel impact peut avoir la globalisation sur les établissements d’enseignement supérieur ? La fuite des cerveaux va-t-elle s’amplifier ? Au profit de qui ? Maritxu Skawinski a montré la politique européenne qui, avec le programme Erasmus Mundus, tente d’attirer des étudiants non-communautaires pour leur faire suivre des cursus pluri-universitaires. Pour Amadou Diaw (ISM Dakar) et Didier Acouetey (Africsearch) la fuite des cerveaux en Afrique peut être freinée par la coopération entre universités occidentales et locales et par l’implantation des firmes multinationales. Celles-ci embauchent plus facilement que les PME des cadres africains.


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Dilip Thakore, Education World – Inde, Maritxu Skawinski, Agence Socrates

Leonardo da Vinci, et Laurence Albert, Les Echos.


Quelle évolution donc pour le marché universitaire mondial ? Terry Hilsberg, directeur du Global University Alliance à Hong Kong, apporte un éclairage asiatique tout à fait précieux. Les jeunes Chinois sont à la recherche de formations qui puissent leur offrir un diplôme reconnu par l’Occident et un carnet d’adresses international. On assiste à un démarrage foudroyant des formations universitaires en Chine. Des études qui s’effectuent en anglais et en partenariat avec les universités occidentales. On peut ainsi obtenir un diplôme de renommée mondiale, dans des campus excellemment équipés, pour 5.000 dollars par an (contre 30.000 aux Etats-Unis). Un avantage qui pourrait dessiner une nouvelle économie de la connaissance. A noter le rôle des TIC qui permettent des gains considérables en back-office pour la gestion des étudiants et des documentations. Pour T. Hilsberg les gains sont nuls pour le front-office.

Vers un modèle global de gestion des systèmes éducatifs ?

Cette exceptionnelle rencontre de journalistes spécialisés peut-elle leur permettre de mieux comprendre les politiques éducatives, voir d’influer sur elles ?

Pour Marc Guiraud, Agence Education Formation, qui présente la synthèse de ce 1er Forum, on peut dégager des enseignements universels sur la gestion des systèmes éducatifs puisque les attentes éducatives sont similaires. Premier enseignement : les résultats scolaires ne sont pas liés aux moyens employés. On peut avec moins de moyens avoir davantage de résultats. Davantage que les moyens c’est un changement de culture qui rendra l’Ecole plus performante. Elle doit impérativement découvrir l’autonomie de gestion et le travail en équipe.


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Albert Prévos, directeur du CIEP, Emmanuel Davidenkoff, Libération, Emmanuelle Bastide, RFI.


C’est que ce Forum en apprend autant sur les journalistes eux-mêmes que sur l’Ecole. Fréquentant les experts et les acteurs de l’Ecole, écoutés des hommes politiques, formés aux problématiques éducatives, la tentation est grande de se poser en acteurs. Une ambition qui accompagne d’autant plus ce 1er Forum que les questions d’éducation sont parfois marginalisées dans les médias.

Ajoutons que ces journées ont aussi été un moment de fraternité et de rencontres entre journalistes. Un vrai forum !

François Jarraud

Le programme du FIPE http://www.ciep.fr/fipe/