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Photo Affaires étrangères

 » En définitive, le malaise enseignant peut paraître lié à l’intensification individuelle du travail qui paraît à des degrés variables dans les différents segments du champ scolaire. Mais le malaise existe aussi à un niveau plus collectif. Le malaise peut parfois être entretenu par les politiques, de sorte que l’acteur enseignant tend dans ce cas à résister au changement plutôt qu’à le porter » Dans un numéro des Cahiers de recherche en éducation et formation du Girsef, Christian Maroy, université de Louvain, synthétise les études sur l’évolution du travail enseignant en Europe et sur les résistances au changement observées partout sur le continent.

En effet partout en Europe le métier change par la diffusion d’un nouveau modèle professionnel correspondant à la fois à des politiques éducatives et à des changements sociaux et culturels.  » Le discours modernisateur qui sous-tend nombre de politiques éducatives pourrait donc être abruptement résumé de la façon suivante. Grâce à des établissements plus autonomes, développant des projets éducatifs portés par des enseignants engagés dans une dynamique collective, grâce à des enseignants pédagogues, réflexifs et centrés sur l’apprentissage de l’élève, grâce aussi à un cadrage institutionnel où l’Etat régule et évalue les unités d’enseignement décentralisées, l’école devrait pouvoir affronter les défis auxquels elle est confrontée. Elle devrait devenir simultanément plus juste et plus efficace ». Ce nouveau modèle d’Ecole demande une évolution du métier d’enseignant.

Pour C.Maroy cela n’est pas sans conséquences sur le volume et la difficulté du travail enseignant.  » On assiste à une diversification et à un accroissement du nombre de tâches demandées formellement aux enseignants dans la plupart des pays européens investigués par Eurydice. Au niveau du travail réel, la littérature semble de plus s’accorder sur un constat d’intensification et de complexification du travail des enseignants. L’intensification se marque moins par un allongement de la durée du travail, que par un alourdissement et une extension des tâches à réaliser, et par une complexification du travail en classe qui constitue le coeur du métier. Simultanément, on peut se demander si on n’assiste pas aussi à une différenciation assez nette des conditions d’exercice du métier selon le type d’établissement où l’on enseigne ». C. Maroy souligne également que le temps formel de travail des enseignants ne baisse pas. Même s’il est difficile de calculer leur temps de travail réel (incluant préparations, corrections etc.), les enseignants sont la seule catégorie sociale dont le temps de travail officiel ne baisse pas (et donc augmente relativement).

D’autre part ces évolutions qui visent à modifier l’identité du professeur sont sources de conflit interne.  » Les enseignants vivent des sentiments de déprofessionalisation ou de tensions entre leurs orientations normatives et celles des politiques dans la mesure où la dimension « affective » et éducative du métier tend à devoir être mise en veilleuse, au profit d’une logique d’enseignement plus instrumentale. La surcharge de travail peut aussi être paradoxalement liée dans ces contextes aux tentatives des enseignants de satisfaire simultanément les demandes officielles et leurs propres conceptions du métier ».

Aussi, pour C.Maroy, la résistance au changement n’est pas conservatisme. Il en renverrait volontiers la responsabilité aux politiques. « Le malaise enseignant face aux politiques de professionnalisation et aux changements du « métier » enseignant, nous semble plus profondément lié à des formes de retrait ou de résistance face aux réformes, lorsqu’elles accentuent la déprofessionalisation des enseignants ». Là l’auteur expose une thèse déjà évoquée dans L’Expresso.
Etude (en pdf)
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Rappel : L’Expresso du 31 mai