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Photo Morguefile

« Quelques semaines, en cette fin d’année 2005, auront donc suffi à enterrer soixante ans de politiques publiques d’éducation. Sans que cette réforme, qui n’assume pas sa portée, suscite le moindre mouvement de contestation de la part d’une «forteresse Education nationale» apparemment anesthésiée par douze années de combats perdus… Au nom du «pragmatisme», Gilles de Robien, aiguillonné par Dominique de Villepin, a donc décidé de tirer un trait sur les vieilles lunes de la démocratisation en autorisant l’apprentissage à 14 ans avec signature du premier contrat de travail à 15, décisions qui signent la fin de l’obligation scolaire à 16 ans et du «collège unique» ». Dans Libération du 30 décembre, Emmanuel Davidenkoff dresse ce bilan amère d’une rupture de l’Ecole.

Car, pour lui, l’apprentissage à 14 ans est bien une relégation et programme l’échec de ceux à qui, par un pied de nez, on promet l’égalité des chances. Cette mesure reflète un glissement moral. « C’est bien une morale du «quand on veut, on peut» qui sous-tend cette vision de l’éducation, comme si aucun paramètre exogène n’affectait le rapport au monde des individus, comme si les conditions dans lesquelles les enfants se présentent le matin aux portes de l’école étaient suffisamment homogènes pour que tous soient également prêts à accéder aux beautés du savoir et à goûter aux vertus du travail et de l’effort émancipateurs. Cette morale se double d’une logique utilitariste qui réduit l’école à un instrument de production de main-d’oeuvre plus ou moins qualifiée puisque cette morale, pour les élèves «qui s’ennuient» (dixit Villepin), s’appliquera à l’apprentissage d’un métier, non à l’acquisition de connaissances et à l’entrée dans les richesses du patrimoine culturel (il est ici entendu que, si l’élève «ne veut pas» à 14 ans, il ne «pourra» jamais) ».

En effet, on retrouve bien dans la politique gouvernementale, et la politique scolaire en témoigne, cette négation des inégalités sociales et l’apologie de la seule responsabilité individuelle. A partir de ce point de vue tout incident peut être exploité pour « faire le ménage » dans les établissements et exclure de l’Ecole ceux qui y posent problème. Cette politique trouve des alliés dans le monde de l’Ecole chez ceux qui croient qu’il suffit de dire son cours pour enseigner et que les connaissances se repassent aussi facilement qu’une soupe froide.

Pour autant l’Ecole démocratique est-elle, elle aussi, refroidie ? La France peut-elle ignorer l’évolution générale des systèmes éducatifs en Europe et dans les pays développés ? Peut-elle seule aller à reculons et sombrer dans une nostalgie au réveil tragique ? Nous faisons le voeu au Café de voir repartir en 2006 un débat responsable et citoyen sur l’Ecole. Une autre politique éducative est possible à l’échéance de 2007. Pour qu’elle ait une chance, nous invitons les enseignants à construire un nouveau projet d’Ecole démocratique.
Article d’E. Davidenkoff
Osez construire l’Ecole !