Print Friendly, PDF & Email
C. Berthe et G. de Robien en juin 2005- Photo Mme Berthe

Comment l’éducation nationale peut-elle laisser tomber la meilleure lycéenne de France et lui refuser une bourse de mérite ? L’histoire de Clotilde Berthe illustre de façon éclatante les lourdeurs du fonctionnement administratif du ministère de l’éducation nationale. Peut-être montre-t-elle également les limites des dispositifs « au mérite » ?

Revenons en arrière : le 7 juin 2005, lors d’une cérémonie au ministère, Gilles de Robien remet personnellement à Clotilde Berthe, élève au Lycée Bernard Palissy de Gien, le Prix National de l’Education. Ce prix, selon le Bulletin officiel du ministère, « est attribué à un(e) lauréat(e)… (qui) devra posséder un ensemble de qualités : réussite scolaire, palmarès sportif, engagement personnel au service de la collectivité, démontrant des capacités à s’engager à tous les niveaux (scolaire, sportif et social), aussi bien dans le cadre de l’établissement que hors de l’établissement… Plus qu’une distinction honorant les qualités personnelles d’un élève, le prix de l’éducation a donc aussi valeur d’exemple et d’entraînement pour l’ensemble de la communauté scolaire et permet de valoriser la diversité des talents et la multiplicité des réussites ». On aura compris qu’il récompense le « meilleur lycéen de France », c’est-à-dire celui qui cumule un bon niveau scolaire et sportif avec un esprit de camaraderie remarqué.

Rentrée 2005 : Clotilde Berthe entame des études de médecine. Celles-ci pèsent fortement sur le budget modeste de sa famille. Ses parents demandent une bourse de mérite (6 100 euros par an) qui lui permettrait de ne pas avoir à travailler pour payer ses études. La bourse lui est refusée. Des démarches auprès du recteur d’Orléans-Tours, puis auprès du cabinet de Gilles de Robien se heurtent à un refus.

Pour l’administration, Clotilde Berthe aurait dû déposer un dossier de demande de bourse sociale étudiante dans le courant de l’année scolaire 2004-2005. Comme l’explique le recteur d’Orléans-Tours « un appel à candidature est adressé chaque année mi-juillet aux jeunes bacheliers ayant obtenu le baccalauréat avec « mention très bien » (c’est le cas de C. Berthe) et reçu un avis d’attribution conditionnelle de bourse d’enseignement supérieur… Votre fille n’a pu à cette époque être sollicitée puisqu’elle n’avait pas au préalable constitué de dossier de demande de bourse sur critères sociaux. » Bien que les bourses de mérite ne soient pas attribuées automatiquement, pour le ministère les délais sont dépassés. Les demandes de Mlle Berthe sont rejetées.

Mme Berthe souligne qu’elle ne pouvait pas prévoir plusieurs mois à l’avance que sa fille aurait la mention très bien au bac et qu’elle obtiendrait cette si éclatante distinction. Elle regrette maintenant de ne pas avoir rempli à tout hasard un dossier. « Dans tous les cas, même si nous n’arrivons pas à nous faire entendre, nous voulons que notre histoire serve aux autres familles. Il faut qu’elles sachent qu’elles doivent toujours déposer un dossier de bourse avant d’envoyer un enfant à l’université » a déclaré Mme Berthe au Café.

Peut-être aussi les félicitations du recteur, la réception au ministère, la remise de ce prix exceptionnel des mains du ministre ont pu laisser croire que Clotilde Berthe avait bien mérité et qu’elle serait suivie avec sympathie par l’Etat.

Un an après, l’atterrissage est rude. L’élève « exemplaire » garde des enfants pour payer ses études en médecine, au risque de louper le concours d’entrée en seconde année.

Le 31 août 2006, lors de sa conférence de presse de rentrée, Gilles de Robien évoquait le mérite. « J’ai voulu que la promotion par le mérite retrouve toute sa place à l’Education nationale… L’Education nationale a aussi le devoir de distinguer par une aide tous ceux qui par leurs efforts ont montré qu’ils étaient attachés à l’ambition scolaire, qu’ils voulaient réussir. Nous avons donc décidé un effort sans précédent en faveur des bourses au mérite… C’est… un signe évident de notre volonté de relancer l’ambition scolaire ». Effectivement Clotilde Berthe est « un cas exemplaire ».
Le dossier de presse ministériel de 2005
Le Café en avait rendu compte
A Orléans-Tours