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A l'université de La Londe en octobre 2006, Claudine Garcia-Debanc évoque la réforme de l'ORL Photo CP

« Le chantier de la rénovation de l’enseignement de la grammaire sera très prochainement ouvert, avec le retour à des leçons d’apprentissage des règles. Il en sera de même pour le calcul ». En avril 2006, Gilles de Robien avait annoncé qu’il ferait de la grammaire un nouveau cheval de bataille. Le Monde publie de premières indiscrétions sur le rapport commandé par le ministre à Alain Bentolila dont la publication est attendue le 29 novembre.

Retour à la leçon de grammaire de papa ? Selon Le Monde, « les résultats – déclinés sous la forme d’une dizaine de principes – « ne plairont pas à tout le monde ». Les partisans de certaines approches pédagogiques, des didacticiens du français par exemple, risquent d’être contrariés ». Le rapport réintroduirait la « leçon de grammaire » à la place de « l’observation réfléchie de la langue » (ORL) pratiquée aujourd’hui où la grammaire est au service du sens des textes.

D’après Le Monde, A Bentolila demanderait « une progression rigoureuse, allant du simple au complexe et du fréquent au rare… Ainsi, l’inversion du sujet (« sur l’eau flottent des nénuphars ») ne saurait être étudiée avant d’avoir présenté le sujet dans sa position normale (« des nénuphars flottent sur l’eau. »). De même, les déterminants du nom (le, la, un, une, des, mon, ton, son, ce, ces…) ne sauraient être abordés « avant d’avoir identifié le nom lui-même ». Pour lui,  » la progression ne saurait être liée à la rencontre aléatoire des textes, elle doit obéir à la logique interne du système grammatical ».

La grammaire sous la pression des parents.Enfin, pour A. Bentolila,  » La terminologie doit être fixée dans une liste et « permettre aux parents ou aux grands-parents d’accompagner la progression des enfants ». Comme pour le débat sur la lecture ou la carte scolaire, la satisfaction des parents semble la priorité des réformes Robien. Sans aucun doute cette stratégie n’est pas sans rapport avec les échéances électorales. Mais il faut reconnaître que c’est un phénomène commun aux pays développés, où, selon un récent ouvrage de l’OCDE (voir L’Expresso du 23 novembre), les systèmes éducatifs évoluent sous leur pression. Dans ce schéma, les classes moyennes sont les plus exigeantes même si, au fond, elles tirent le meilleur parti du système traditionnel.

Ou sous la stimulation de la recherche ? Dans une tribune accordée au Café en avril 2006 (/lemensuel/lesysteme/Pages/tribune_72_accueil.aspx ), Evelyne Charmeux défendait une autre vision de la grammaire. « La grammaire ne peut avoir d’autre utilité que de permettre à chacun de comprendre comment fonctionne la langue qu’il parle, afin de donner le maximum de solidité à son pouvoir de communication. Faire de la grammaire, c’est donc étudier le fonctionnement technologique de l’outil de communication qu’est la langue, afin de mieux maîtriser ce fonctionnement, et d’affirmer sa liberté de citoyen digne de ce nom. On découvre alors que le nouveau terme d’ « observation réfléchie de la langue », loin de supprimer l’enseignement de la grammaire, lui redonne son sens, son sens véritable, d’un savoir particulièrement libérateur. Rappelons d’abord que ce remplacement n’est pas une idée tombée du ciel : c’est la mise en oeuvre de travaux de linguistes et de pédagogues depuis plus de trente ans ». C’est en effet ces travaux qui pourraient être balayés par le rapport Bentolila.

Retour en arrière ? Ce n’est pas sûr. Lors de la journée de l’Observatoire National de la Lecture, en mars 2006, Bernard Combettes (Nancy II) estimait nécessaire de rajeunir ces travaux à la lecture des découvertes des cogniticiens. « Dans les années 70, on parlait déjà de grammaire pour l’expression, fonctionnelle, qui explique la langue en référence aux situations de communication, au contexte. Mais il faut articuler grammaire et fonctionnement cognitif. Je pense que c’est là que les instructions officielles ont le plus de retard avec ce que sait la recherche. Comment apprendre à écrire sans tenir compte des catégories cognitives que nous avons élaborées en recherche linguistique ? » Il faudra attendre le rapport Bentolila et ce qu’en retiendra le ministre pour savoir si le débat sur la réforme de l’enseignement de la grammaire est aussi négatif que celui sur la lecture ou apporte des enrichissements au système éducatif. En attendant, les maîtres se plaignent de manquer d’outils et de formations pour cet enseignement difficile.
Article du Monde
La grammaire au séminaire de l’ONL
La grammaire à l’université de La Londe octobre 2006